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PORTRAIT – Ce médecin congolais a acquis ses lettres de noblesse en luttant contre cette fièvre qui resurgit ces jours-ci en République démocratique du Congo, au cœur de l’Afrique. Aujourd’hui installé en France, il a aussi l’ambition de conduire son pays sur le chemin de la paix.

Il ne faut surtout pas lui demander de décliner la liste de tous ses diplômes. L’affaire pourrait durer des heures et donner le tournis. D’autant que Donat Mupapa Kibadi n’est pas du style à fleurir son propos d’anecdotes cocasses. Dans sa mise, son discours, son regard, cet Africain-là n’a rien d’exotique, de chaloupé, de charismatique même. Il est vrai que ce docteur en médecine a vu la mort de près, et elle lui a glacé les sangs.

C’était en 1995, dans son pays, la République démocratique du Congo (RDC), qui s’appelait encore le Zaïre. Il dirigeait alors une équipe chargée de soigner des patients atteints de la fièvre Ebola. Un sale virus, qui tient son nom d’une rivière de la RDC, au bord de laquelle il est apparu pour la première fois en août 1976. Il provoque notamment de violentes hémorragies digestives. La consommation de gibier de brousse est considérée, entre autres, comme un vecteur potentiel de contamination.

[perfectpullquote align=”right” bordertop=”false” cite=”” link=”” color=”” class=”” size=””]Ebola, un sale virus, qui tient son nom d’une rivière de la RDC, au bord de laquelle il est apparu pour la première fois en août 1976.[/perfectpullquote]

Dix-neuf ans plus tard, donc, Donat Mupapa Kibadi doit faire face à une épidémie qui touche, non pas un village reculé, mais une grande ville de 500.000 habitants, Kikwit. Le bilan sera de plus d’une centaine de morts. «La vie est belle, mais le monde est méchant», disait-on à l’époque à Kikwit. Depuis, la fièvre Ebola a beaucoup tué en Afrique subsaharienne, surtout au centre et à l’ouest. Une alerte sérieuse, en 2014, a frappé la Guinée, la Sierra Leone et le Liberia, causant le décès de plus de 11.000 personnes en deux ans. L’Europe et les États-Unis, qui redoutaient d’accueillir les ressortissants venant de ces foyers infectés, avaient imaginé l’installation d’un cordon sanitaire. Tous les continents étaient peu à peu gagnés par la panique. Ces jours-ci, une nouvelle épidémie a été signalée dans le nord-ouest de la RDC, faisant déjà plusieurs victimes. Une équipe de Médecins sans frontières est partie sur place la semaine dernière.

«Un engagement total»

Le tragique épisode de 1995 a forgé le caractère de Donat Mupapa Kibadi. En Afrique et au-delà, il lui a bâti sa légende. Celle d’un médecin à l’âme humanitaire, «d’un engagement total, même au péril de sa propre vie», dit de lui l’un de ses amis. Cet épisode lui a aussi valu un surnom, certes tout trouvé: Docteur Ebola. Son protocole de soins – l’immunothérapie – sera validé vingt ans plus tard par l’Organisation mondiale de la santé. Et récompensé, en 2015, par le célèbre prix Rodolphe et Christophe Mérieux, à l’Institut de France. Gratification qu’il partagera avec le professeur Jean-Jacques Muyembe Tamfum.

[perfectpullquote align=”full” bordertop=”false” cite=”” link=”” color=”” class=”” size=””]Donat Mupapa Kibadi est aussi investi dans la lutte contre le sida, les hépatites et la drépanocytose (maladie génétique du sang), à travers de nombreuses associations.[/perfectpullquote]

Né en 1959, à quelque 300 kilomètres de Kinshasa, Donat Mupapa Kibadi a été obligé de quitter, très jeune, ses parents pour aller étudier chez les Jésuites puis les frères des écoles chrétiennes, avant de rejoindre l’université. Il vit en France, dans la banlieue parisienne, depuis 1998. Entre sa femme Gisèle, aide-soignante, née d’un père franco-portugais et d’une mère congolaise, et cinq de ses sept enfants qui vivent encore à la maison, la médecine occupe tout son temps. À Paris, où il œuvre pour le Samu. Et dans le Centre-Val-de-Loire, où il intervient chaque semaine. En voiture ou en hélicoptère quand l’urgence commande, il avale les kilomètres. Parallèlement à son activité de praticien, il continue à consacrer ses recherches au virus Ebola. Il est aussi investi dans la lutte contre le sida, les hépatites et la drépanocytose (maladie génétique du sang), à travers de nombreuses associations.

Un idéal et un credo

Si Donat Mupapa Kibadi retourne rarement sur sa terre natale, il nourrit pour elle une grande ambition: lui donner le goût de la démocratie et de la liberté. Le défi ne lui fait pas peur. À tel point qu’il a fondé un parti – la Fédération des démocrates et républicains congolais – pour se présenter à la présidentielle de 2016. Scrutin qui n’aura pas lieu, car la RDC – et avant elle le Zaïre – a toujours été la «propriété» d’un seul homme: Mobutu Sese Seko pendant plus de trente ans ; et Laurent-Désiré Kabila puis son fils, Joseph Kabila, qui s’accroche au pouvoir depuis 2001.

[perfectpullquote align=”right” bordertop=”false” cite=”” link=”” color=”” class=”” size=””]Docteur Ebola a un idéal : «La renaissance du grand Congo pour tous.»[/perfectpullquote]

Deuxième pays le plus vaste d’Afrique, la République démocratique du Congo est non seulement ingouvernable en raison de sa superficie et de la diversité de ses ethnies, mais aussi à cause des richesses de son sous-sol: coltan, cuivre, diamant, or… Un trésor qui est autant une malédiction qu’une chance. Il excite toutes les convoitises, à l’intérieur comme à l’extérieur des frontières. Depuis son indépendance, au tournant des années 1960, qui a d’ailleurs commencé dans le sang avec l’assassinat de sa figure de proue, Patrice Lumumba, l’ex-colonie belge n’a jamais connu la paix.

Docteur Ebola, lui, a un idéal: «La renaissance du grand Congo pour tous.» Et un credo: «Le réarmement moral, sociétal et libéral» de son pays. À l’étranger, une partie de la diaspora mise sur lui, un homme sur lequel la corruption, pense-t-elle, ne peut avoir de prise. L’ambition de Donat Mupapa Kibadi peut pourtant paraître bien naïve dans ce pays traversé par tous les maux de la terre, mais pourquoi n’y croirait-il pas, lui qui a déjà réussi à vaincre un jour une épidémie mortelle? Le succès, en politique aussi, vient de la pertinence du protocole choisi pour panser des plaies à vif et ramener les gens sur le chemin de la paix…


BIO EXPRESS

31 décembre 1959: Naissance à Mokamo, juste avant l’indépendance de l’ex-Zaïre.

1986: Premier engagement  en politique.

1989: Docteur en médecine.

1995 : Combat le virus Ebola, sur le terrain,  en République démocratique du Congo.

1998: S’installe en France, comme médecin urgentiste.

2015 : Reçoit le prix Rodolphe et Christophe Mérieux pour son action et ses recherches sur Ebola.


 

 

Source: ©Donat Mupapa Kibadi, Docteur Ebola

0 Comments

  • Gilles Prince
    Posted mai 11, 2018 2h06 0Likes

    Bravo

  • Simone Rovetto
    Posted mai 11, 2018 9h23 0Likes

    Mes respects

  • Richard Abitbol
    Posted mai 11, 2018 9h24 0Likes

    Il faut le soutenir ! C’est un espoir pour le Congo !

  • Tutti FRuthi
    Posted mai 14, 2018 0h51 0Likes

    Donat Mupapa a tout pour guérir le RDC.

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