% L’antifragilité est une propriété des systèmes qui se renforcent lorsqu’ils sont exposés à des facteurs de stress, de chocs, de volatilité, d’erreurs, de fautes, d’attaques, ou d’échecs. C’est un concept développé par Nassim Nicholas Taleb, qui a été appliqué dans l’analyse des risques, la physique, la biologie moléculaire, la planification des transports, l’ingénierie, l’aéronautique. J’ai développé ce concept pour Israël dans la revue Académique Question de Management qui vient de sortir. Il est plus facile de comprendre ce concept en l’analysant sous sa forme globale (un pays) pour pouvoir ensuite le dupliquer (avec précaution) dans l’organisation de l’entreprise et au management.
Nassim Nicholas Taleb est né au Liban en 1960, pays qui était considéré à cette époque comme la Suisse du Moyen-Orient. La guerre du Liban en 1975 l’a poussé à l’exode aux USA et l’on peut penser qu’il a médité son concept Antifragile en regardant se développer l’écosystème de son voisin israélien, alors que le Liban plongeait dans la crise. Il écrivait déjà pour attirer l’attention des politiques de son pays en évoquant la dinde de Noël que l’on nourrit tous les jours, qui va renforcer sa croyance que la vie c’est d’être nourri quotidiennement, mais à la veille de Noël elle va réviser ses croyances ! Le contexte actuel nécessite de nouvelles grilles de lecture, d’interprétation et d’action comme l’a fait l’État d’Israël qui est en perpétuelle guerre depuis sa naissance en 1948, sans profondeur stratégique, avec une culture faite de doute, d’action, d’audace, d’impertinence et de culot. Il faut dire que l’État soutient l’innovation en y consacrant près de 5 % de son PIB puisque le domaine de l’innovation est considéré comme une question de souveraineté, une sorte de prérogative régalienne. L’avance technologique n’est pas perçue comme un luxe ou une simple vision économique, mais comme une question de survie. Toutes les incertitudes sont intégrées au niveau du pays, se nourrissent et se renforcent surtout lorsqu’elles sont exposées à des facteurs de stress, de chocs suite à des attentats, de volatilité, d’attaques ou de guerre. Le pays est soumis également à des événements qui ont une très faible probabilité d’occurrence, comme perdre la guerre, mais dont la survenue entraîne des conséquences catastrophiques c’est-à-dire sa disparition. Son écosystème a appris de ses erreurs lorsque sa survie a été menacée lors de la guerre de 1973. L’Antifragile a permis à Israël d’apprivoiser et de dominer l’incertitude plutôt que d’en avoir peur et je dirais même qu’il en a besoin pour se développer. Les incertitudes font partie de la vie et il est vain et illusoire de chercher à les éviter ou à les éliminer. Puisque ce n’est point une fatalité, mais une nouveauté à laquelle il faut se préparer et être dans l’action plutôt que dans la déprime. Il serait alors préférable de jouer sur ses capacités d’adaptation rapide et d’évolution durable en abandonnant toute velléité de retour à la situation antérieure et en sortant des biais cognitifs. Autrement dit ce n’est pas le risque mais l’incertitude qui a permis le développement de son écosystème qui apprend et désapprend sans oublier l’essentiel. Tout cela ne se génère pas spontanément mais se construit. On peut également citer le Maroc dont l’écosystème est en train de se transformer, grâce à ses partenariats, en un système Antifragile dont on verra dans quelques années l’efficacité !
Hervé AZOULAY : Ingénieur du Conservatoire National des Arts et Métiers, DBA (Doctorate of Business Administration), PROPEDIA, a été dirigeant dans de grands groupes internationaux (dont INTEL et SCHNEIDER ELECTRIC), Professeur à la Silk Road Business School (SRBS), il intervient dans de grandes écoles (dont Sciences Po et HEC), ainsi qu’à l’université de Renmin et Xi’an en Chine.%