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La candidate LR a souvent essayé de comprendre, de pouvoir expliquer son score. Elle n’a pas digéré les réseaux sociaux, les médias qui l’ont moquée, notamment après le meeting du Zénith. François BOUCHON/Le Figaro
RÉCIT – Retour sur l’échec de la candidate LR au premier tour de l’élection présidentielle, le 10 avril 2022.
Source: ©Valérie Pécresse, les coulisses d’une campagne ratée: «J’aurais dû clasher avec Nicolas Sarkozy, je m’en veux»

4,78 % à la présidentielle. Même dans les hypothèses les plus dramatiques, personne à droite n’avait anticipé l’ampleur de l’échec. 2022 ne devait-elle pas être l’année de la victoire après deux défaites consécutives en 2012 et 2017, espéraient élus LR, militants et électeurs ? Rien ne s’est passé comme prévu… Jusqu’au résultat.

Dimanche 10 avril, en ce premier tour du scrutin, vers l’heure du déjeuner, l’équipe Pécresse obtient les résultats des votes de l’Outre-mer et des Français de l’étranger. Ils donnent alors la candidate autour de 7 à 8 % des sondages. « On s’est dit que ce n’était pas bon, se remémore un membre de l’équipe. Pour la première fois, il y a eu une petite inquiétude de Valérie Pécresse qui se demande, sans trop y croire, si elle risque de faire moins de 5 %. » À cet instant, elle pense qu’il est encore possible – à défaut de pouvoir gagner ou même de se qualifier pour le second tour – de finir devant Éric Zemmour. Manière, espère la candidate des Républicains, de sauver l’honneur.

Quelques heures plus tard, Valérie Pécresse, son équipe de campagne et ses soutiens se retrouvent à la Maison de la chimie, à Paris, juste à côté de l’Assemblée nationale. Valérie Pécresse y a installé son QG d’un soir. Elle est enfermée avec sa garde rapprochée et sa maquilleuse dans un bureau du premier étage, quand les parlementaires sont réunis dans une autre salle, plus loin. Vers 18 h 30, les premiers sondages sortis des urnes donnent les Républicains derrière Éric Zemmour et « autour de 5 % », informe Patrick Stefanini, le directeur de campagne. Très vite, il rectifie : « Tu es en dessous. » Douche froide. Valérie Pécresse reste impassible, son mari à ses côtés blêmit. « À quelle heure aura-t-on les résultats définitifs ? », interroge-t-il.

Valérie Pécresse comprend tout de suite le coût de la défaite, politique et financier, qu’elle va devoir porter. « On est dans la merde », lâche-t-elle. À l’étage, les élus sont sur leur téléphone portable. Le buffet est assez vite délaissé. Pécresse finit par venir les voir. Et quand l’un des parlementaires, se croyant aimable, lui lance un « bravo » pour la campagne, la candidate a du mal à faire semblant. « Non, là, avec ce score, on ne peut pas vraiment dire bravo », rétorque-t-elle entre tristesse et amertume.

« Faute stratégique »

4,78 % se répètent les élus sans trop y croire… Comment LR a-t-il pu se retrouver si bas ? Après le séisme du dimanche soir, certains croient encore à la possibilité d’une correction des chiffres au-delà du seuil fatidique des 5 %. « Il manquait encore les résultats de l’Île-de-France et quand je suis allé me coucher, j’étais convaincu que nous serions au-dessus de la barre le lendemain matin », se souvient le trésorier des Républicains, Daniel Fasquelle. D’autres, cherchant le sommeil, se relèveront plusieurs fois dans la nuit pour vérifier qu’ils ne rêvent pas.

Pourtant, deux jours avant le premier tour, un événement de campagne avait sonné l’alerte. Certains soutiens de la candidate LR avaient bondi en entendant sa réponse à une question d’auditeur posée sur l’antenne de France Inter concernant les consignes de vote sur le second tour. Même si la candidate, interviewée en duplex depuis Lyon, précise qu’elle n’en donnera aucune, le seul fait de répondre la projette en perdante alors que la bataille brûlante du premier tour devrait plutôt s’achever sur des messages de mobilisation. Beaucoup chez LR s’affolent devant ce qu’ils perçoivent immédiatement comme une « faute stratégique ». « C’était très curieux car cela ne lui ressemblait pas. J’étais pétrifié, j’envoyais des textos partout. Nous étions tous en colère et sidérés, même les plus proches », confie un proche.

Un chèque de 2000 euros

Dans la voiture, sur le chemin de Cairanne dans le Vaucluse, la candidate reconnaît une erreur liée à la fatigue. Elle regrettera aussi plus tard de ne pas avoir coupé tout lien avec Nicolas Sarkozy après les confidences de l’ex-président rapportées par Le Figaro et d’être allée le voir quelques heures plus tard. Soit juste avant son meeting du Zénith. « J’aurais dû clasher avec Sarkozy, je m’en veux, mais je m’en veux ! », confiera l’ex-candidate à un de ses interlocuteurs au lendemain de sa défaite. « Mais je sais que si je l’avais fait, personne ne m’aurait soutenue. Les autres n’attendaient que ça pour me tuer. Je me serais retournée, il n’y aurait eu personne. Ils auraient tous dit : “Elle est nulle, elle ne sait pas cheffer”Ça aurait créé un bruit négatif de campagne », s’agace-t-elle alors en refaisant le film auprès d’un soutien.

« Je me suis retrouvée dans un nid de guêpes, ils jouaient tous leur partition », poursuit-elle en visant les ténors du parti, les élus candidats aux législatives – « leur seule obsession c’était d’être élu ! » – et surtout ceux qu’elle avait appelés ses « mousquetaires ». Avec en ligne de mire, Xavier Bertrand et Éric Ciotti qu’elle accuse d’avoir « joué perso ». « J’aurais mieux fait de ne pas les calculer, de faire ma campagne, de tracer ma route », regrette-t-elle, convaincue que l’histoire alors aurait pu être différente. « Mais comme j’étais revenue à LR, j’étais obligée », fulmine Valérie Pécresse en voyant, dans ce scénario, « la revanche des anti-UMP qui ont obligé les candidats modérés pouvant battre Emmanuel Macron à revenir dans la nasse (à LR). Et quand on est revenu, on a été pris dans la toile d’araignée ! ».

Elle n’a jamais revu Nicolas Sarkozy. Ils ne se sont d’ailleurs jamais eus non plus par téléphone. Elle a refusé le chèque de 2 000 euros qu’il lui avait adressé après la défaite. « Je ne demande pas la charité », grincera-t-elle auprès de son équipe. Elle s’énerve : « Pas un journaliste n’a raconté que je lui avais offert pour son anniversaire un autographe signé du général de Gaulle. Ce n’est pas évident à trouver ! La seule chose que Nicolas Sarkozy a retenue, c’est que Macron lui avait offert des chocolats ! »

Après l’annonce du résultat, la candidate a souvent essayé de comprendre, de pouvoir s’expliquer son score. Elle n’a pas digéré les réseaux sociaux, les médias qui l’ont moquée, notamment après le meeting du Zénith. « Le ridicule, c’est l’arme qui tue. J’ai payé pour voir », glisse-t-elle alors à un ténor LR. Avec le recul, pour beaucoup d’élus, cette fuite des électeurs s’explique aussi par la non-campagne d’Emmanuel Macron et le climat des sondages dans la dernière ligne droite. « Ce qui l’a enterrée, c’est la remontée de Mélenchon car une grande partie de notre électorat a eu peur d’un second tour entre le leader de LFI et Le Pen », juge-t-on aux Républicains. « C’est le vote utile qui nous a figés sous les 5 %. Même ceux qui n’étaient pas proches d’elle ont jugé ce résultat brutal et injuste », estime la maire de Taverny, Florence Portelli, qui s’est retrouvée « bien seule », à la défendre, après la défaite, sur les plateaux télé. « Macron a eu un sacré bol. Il a tout sacrifié à sa réélection. Le vote utile nous a siphonnés, analyse quant à elle Valérie Pécresse. Et les gens m’ont dit que je n’avais parlé que d’écologie, mais j’avais toujours les mêmes questions sur le régalien et sur Sarko ! »

Prendre tout le monde de vitesse

Au lendemain du cataclysme, la sidération s’installe au sein de l’appareil LR. Dès le lundi 11 avril, Christian Jacob réunit le conseil stratégique dans un climat de consternation. Et de grande inquiétude. Valérie Pécresse est en retard. Tout le monde l’attend. Le président des LR l’appelle sans savoir qu’elle veut lancer un « Pécressethon » pour que les Français l’aident « avant le 15 mai ». « Tu crois que c’est une bonne idée ? », l’interroge-t-il au téléphone, alors que beaucoup d’élus, autour de la table, se posent des questions. Comment le parti pourra-t-il résister au choc sur le plan financier ? Quid des élections législatives à venir ? Quand le trésorier, Daniel Fasquelle, reçoit dans son bureau du parti Valérie Pécresse, avec laquelle il partage un sandwich, il la sent très affectée. « Dans cette affaire-là, elle engageait les finances de sa propre famille. Elle avait seulement un mois devant elle », souligne-t-il. « Elle avait vraiment besoin de se réfugier auprès de son mari et de ses enfants », raconte une proche.

Le parti LR sait qu’il a les moyens d’encaisser le séisme mais il fait rapidement le bilan : il manque 5 millions d’euros dans les comptes de campagne de la candidate, non remboursés par l’État. Immédiatement, Valérie Pécresse prend tout le monde de vitesse et lance, sans prévenir son équipe ni aucun de ses soutiens politiques, un appel devant le siège des Républicains. Elle demande aux militants une « aide d’urgence », pour l’aider à financer sa campagne.

Le parti, lui, la soutiendra en acceptant de ne pas réclamer, à la candidate de la droite, un remboursement de 2,5 millions d’euros. « Valérie Pécresse s’est dit qu’il fallait lancer cet appel tout de suite avant que les caméras s’éteignent », précise un soutien. Et avant que les Français ne tournent la page. Quelques heures après, l’ex-candidate s’envolera en Espagne avec son mari. Pour essayer d’oublier…

 

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