
La ministre de la Culture, Françoise Nyssen, exige la démission du patron de Radio France, après sa condamnation pour favoritisme à l’INA. Le CSA est appelé à trancher.
Situation de crise au sommet de Radio France. Immédiatement après le jugement rendu par le tribunal correctionnel de Créteil condamnant Mathieu Gallet à un an de prison avec sursis, ce dernier a exclu de démissionner et a fait appel du jugement.
«Un dirigeant d’entreprise publique condamné pour favoritisme, ce n’est pas une situation acceptable…»
Mais dans la foulée, Françoise Nyssen, la ministre de la Culture, a pris la parole pour rappeler que «les dirigeants d’entreprises publiques ont un devoir d’exemplarité. Un dirigeant d’entreprise publique condamné pour favoritisme, ce n’est pas une situation acceptable. Il appartient à l’intéressé d’en tirer les conséquences, ainsi qu’au Conseil supérieur de l’audiovisuel, légalement compétent».
En clair, elle l’a publiquement appelé à quitter son poste de lui-même. Une parole politique forte qui place la question de la probité et de l’exemplarité face à la question juridique du respect de la présomption d’innocence.
Jurisprudence
Depuis l’arrivée au pouvoir d’Emmanuel Macron, François Bayrou, Richard Ferrand et Sylvie Goulard ont dû quitter le gouvernement en raison de mise en examen ou de soupçon d’emploi fictif. Une jurisprudence que l’État veut voir appliquer au patron d’un groupe d’audiovisuel public. Un bras de fer inédit est engagé entre Mathieu Gallet, qui parle de droit, et Françoise Nyssen, qui parle de politique.
Pour trancher ce nœud, les deux parties se tournent vers le CSA qui, en l’état actuel de la loi, est le seul habilité à révoquer un dirigeant qu’il a nommé en 2014. Olivier Schrameck va donc réunir son collège en séance plénière, mercredi toute la journée, pour plancher sur ce cas. Régulateur indépendant, le CSA peut estimer que Mathieu Gallet doit rester tant que son appel n’est pas jugé. Il peut aussi enclencher une procédure de destitution. Cette procédure contradictoire pourrait être assez rapide. Une question de jours ou de semaines.
«Il appartient à l’intéressé d’en tirer les conséquences, ainsi qu’au Conseil supérieur de l’audiovisuel, légalement compétent»
Mais la difficulté est que si le CSA destitue Mathieu Gallet, il aura beaucoup de mal à nommer son ou sa remplaçant(e). Car Emmanuel Macron veut lui retirer ce pouvoir de nomination pour le donner aux conseils d’administration des groupes audiovisuels publics. Toute nomination par le CSA serait donc privée de légitimité.
Pour pallier cela, Françoise Nyssen milite pour faire voter très rapidement une loi entérinant le changement de pouvoir de nomination. Mais cette option n’a pas encore été arbitrée par Matignon et l’Élysée. D’autant que si une telle loi est votée, la question du maintien des autres patrons de l’audiovisuel public nommés par le CSA (Delphine Ernotte à France Télévisions, Laurent Vallet à l’INA et Marie-Christine Saragosse à France Médias Monde) se posera. Un enjeu crucial alors que l’Élysée a enclenché le big bang de l’audiovisuel public français.
Imbroglio complet
En attendant, on se retrouve donc avec un président de Radio France qui ne veut pas démissionner, une ministre qui ne peut pas le révoquer et un CSA qui peut le faire mais ne peut pas nommer son successeur. L’imbroglio est complet.
«Tout cela arrive au pire des moments. L’entreprise est plus fragilisée que jamais alors qu’on nous promet un big bang»
Mardi, Mathieu Gallet a passé la journée à rencontrer toutes les instances du groupe. À 15 heures, il a informé son conseil d’administration, où étaient absents les représentants de l’État. À 16h30, il a enchaîné sur une réunion avec les directeurs d’antenne. Enfin, à 17h30, il a tenu une réunion d’information auprès des syndicats.
Ces derniers, qui se sont rencontrés en amont, n’ont pas réussi à déterminer une position commune. Faut-il ou non soutenir Mathieu Gallet? FO déplore que «des patrons puissent faire des erreurs professionnelles graves et s’acquitter» et dit «comprendre la position de la ministre».
«Les salariés s’étonnent que la ministre ne respecte pas la présomption d’innocence», dit Jean-Paul Quennesson, élu chez SUD. Mais la tonalité générale est à l’inquiétude, alors que la très redoutée loi sur l’audiovisuel est en approche. «Tout cela arrive au pire des moments. L’entreprise est plus fragilisée que jamais alors qu’on nous promet un big bang», poursuit l’élu syndical. Rien ne présage du profil du remplaçant du PDG si ce dernier devait partir. Et même si Mathieu Gallet reste, «on ne peut pas dire que sa situation soit la meilleure pour mener des discussions serrées avec la tutelle».
«Un président qui n’a pas la confiance de l’État actionnaire, c’est l’assurance d’être étrillé lors des arbitrages budgétaires»
Il semble compliqué pour Mathieu Gallet de rester en place, sauf à vouloir jouer le rapport de force avec sa tutelle, l’État. Or ce dernier dispose de nombreuses cartouches. Après Françoise Nyssen, le ministre de l’Économie ou Emmanuel Macron lui-même pourraient prendre la parole. On se souvient de sa phrase «l’audiovisuel visuel public est la honte de la République». Une autre phrase assassine pourrait changer la donne.
Enfin, l’État dispose toujours de l’arme financière. «Un président qui n’a pas la confiance de l’État actionnaire, c’est l’assurance d’être étrillé lors des arbitrages budgétaires» assure un très bon connaisseur du dossier…
- Bras de fer entre le gouvernement et Mathieu Gallet, qui refuse de démissionner
- Favoritisme à l’INA: Mathieu Gallet condamné à un an de prison avec sursis
- Françoise Nyssen adresse une feuille de route aux patrons de l’audiovisuel public
Source:© Sous la pression de l’État, Mathieu Gallet refuse de démissionner
0 Comments
Michèle Pons
Serait il protégé ?
Disraeli
“Le CSA, régulateur indépendant ..” : merci pour votre humour..