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ANALYSE – Proposer des allocations différentes, voire des salaires et des smics distincts est le seul moyen de faciliter l’entrée ou le retour dans l’emploi des personnes qui en sont éloignés.

Comme tous ses prédécesseurs, Emmanuel Macron va réviser la cartographie des minima sociaux et créer une nouvelle allocation: le revenu universel d’activité – ne dites pas RUA, le président est contre – qui «fusionnera le plus grand nombre possible de prestations et dont l’État sera entièrement responsable», a-t-il juré le 13 septembre. Par fusion, comprenez le regroupement, selon la faisabilité de l’opération, des allocations logement (APL), adulte handicapé (AAH), fin de droit à l’assurance-chômage (ASS) avec le revenu de solidarité active (RSA, ex-RMI), la prime d’activité…

À écouter le chef de l’État, le futur RUA sera «plus simple et plus lisible pour les ménages» afin de limiter le non-recours actuel aux minima sociaux, «plus équitable» pour en finir avec des règles différentes d’attribution et «dans tous les cas incitatif à l’activité» puisque «chaque euro gagné par son travail se traduira par une augmentation du revenu disponible». Soit, au mot près, les caractéristiques du RSA activité inventé en 2005 par Martin Hirsch, que l’actuel patron de l’AP-HP a partiellement mis en œuvre en 2008 avant qu’il ne soit rapproché en 2016 de la prime pour l’emploi (PPE) pour créer la prime d’activité… «Il n’existe pas un autre moyen de faire rentrer dans le travail des gens à faible productivité que de leur donner un complément salarial», explique toujours aujourd’hui l’ancien haut-commissaire aux Solidarités actives.

Reste que les effets de cette refonte des prestations sociales pourraient être limités par le refus franco-français de différencier les niveaux des minima sociaux selon l’âge, les territoires, les statuts des bénéficiaires, etc. Or proposer des allocations différentes, voire des salaires et des smics distincts, selon de nombreux critères objectifs, est le seul moyen de faciliter, véritablement, l’entrée ou le retour dans l’emploi des personnes à très faible productivité – qui coûtent donc cher à employer du fait du niveau élevé du smic – qui en sont éloignés.

Un cadre au chômage à Paris n’a pas besoin du même niveau d’indemnisation qu’un ouvrier non qualifié à Tulle.

Un exemple? Un cadre au chômage à Paris n’a pas besoin du même niveau d’indemnisation qu’un ouvrier non qualifié à Tulle. Les deux n’ont pas la même chance de retrouver un travail, vivent dans des régions qui n’ont pas le même dynamisme et dont le coût de la vie n’a rien à voir. Proposer le même salaire à une infirmière à Nice et à Laon n’a aucune logique économique et peut être contre-productif pour les territoires pauvres. Édouard Philippe ne pense pas autrement quand il prône d’instaurer une dégressivité des allocations chômage «selon l’employabilité», terme vague il est vrai, des bénéficiaires. Idem lorsque le député LaREM Guillaume Chiche rêve de moduler sur le territoire les allocations familiales, au motif qu’élever un enfant à Paris coûte plus cher qu’en province, ne serait-ce qu’en raison du coût du logement.

Une preuve de l’efficacité de la différenciation est donnée dans les pays (Allemagne, Royaume-Uni, Pays-Bas) qui ont mis en œuvre un «smic-jeunes», c’est-à-dire un salaire proportionnel à l’âge des entrants sur le marché du travail. Tous ont aujourd’hui un taux d’emploi des 15-24 ans supérieur à 50 % quand la France, qui fait un blocage collectif sur le sujet depuis le fâcheux épisode du CIP en 1994, surfe autour de la barre des 30 %, plafond sous lequel elle reste vissée depuis 2011.

Dans sa refonte des minima sociaux, Macron serait donc bien inspiré d’inciter certains présidents d’exécutifs locaux à lancer, sur leur territoire, des expérimentations de RUA différencié. Si la loi le permet, rien ne se fera sans une forte inclination politique, venant du sommet de l’État, d’aller dans cette voie.

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Marc Landré

Rédacteur en chef, responsable du service Economie France.

Source : ©Smic, allocation chômage… Pourquoi il faut expérimenter des minima sociaux différenciés

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