
Pendant que son successeur s’active aux quatre coins du pays, le maire du Havre a retrouvé le plaisir de discrètes vacances.
Des passants pressés prennent le temps de se retourner à la vue d’un visage familier. Ils reconnaissent Édouard Philippe seul, sans cravate, en chemise blanche et mocassins. Ce 22 juillet, en fin de matinée, l’homme à la barbe bicolore pianote sur son MacBook à une table du Basile, le bar des étudiants de Sciences Po, l’école parisienne dirigée par son ami Frédéric Mion. L’ex-chef du gouvernement, 49 ans, savoure l’un de ses premiers mercredis passés depuis trois ans sans Conseil des ministres, où siège désormais son successeur, Jean Castex.
Trois semaines plus tôt, dans le même 7e arrondissement de Paris, il a laissé son bureau de Matignon au maire de Prades (Pyrénées-Orientales), un autre transfuge des Républicains, énarque comme lui. «Soyez bon!», lui a-t-il lancé sur le tapis rouge des passations de pouvoirs. De retour au Havre (Seine-Maritime), le juppéiste a souri en découvrant, quelques jours plus tard, son nouveau titre arraché à l’écologiste Nicolas Hulot: personnalité politique préférée des Français, selon l’institut Ipsos. Faut-il quitter l’«enfer» de Matignon pour se rapprocher du cœur des électeurs?
«Pas de spleen»
Mi-juillet, ses 56 % d’opinions favorables ont couronné deux semaines de reprise en main de ses pouvoirs locaux, dans son fief du Havre – la mairie et la présidence de la métropole -, où il a obtenu l’une des rares victoires de prestige de la macronie aux élections municipales, fin juin. Son entourage est formel: «Il est en pleine forme, il voit sa famille et ses copains. Il ne connaît pas de spleen». Pendant que son successeur s’active dans l’Hexagone en ce début d’août, Édouard Philippe a retrouvé le plaisir de discrètes vacances en Italie, dont il a été privé pendant la crise sanitaire. «Tous ceux qui ont connu Matignon racontent cela: quand ça s’arrête, le corps évacue des centaines de jours de fatigue accumulée», relève l’un de ses proches.
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Dans son agenda désormais allégé, l’auteur de Des hommes qui lisent(JC Lattès, 2017) renoue avec la littérature. Il pourrait aussi se remettre à écrire, à en croire son premier cercle. «Ça lui a manqué pendant trois ans à Matignon», a remarqué l’eurodéputé (Agir) Gilles Boyer, son ancien conseiller politique, désireux de s’atteler à un troisième livre avec lui.
L’idée qu’il quitte toute vie politique nationale est à exclure. Mais si Emmanuel Macron est candidat, lui ne le sera pas
Le maire du Havre pourrait toutefois se voir appelé à de nouvelles responsabilités dans le dispositif d’Emmanuel Macron. En changeant de premier ministre, le 3 juillet dernier, le chef de l’État a chargé Édouard Philippe de «réorganiser la majorité», avait alors indiqué l’Élysée à la presse. «Il n’a pas été formellement missionné, cela n’a été évoqué que de manière incidente, sans contours», nuance l’entourage de l’intéressé. «Il n’a ni accepté, ni refusé. Mais si le président de la République lui en parle à nouveau, il sera à l’écoute.» «Aussi longtemps qu’il me sera possible, je les aiderai», a déclaré Édouard Philippe en allusion aux députés de la majorité, en quittant Matignon. S’il s’emploie à cette tâche, il devra composer avec Jean Castex, qui a tenu à adhérer à La République en marche (LREM) à son arrivée à la tête du gouvernement.
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Une nette différence avec Édouard Philippe, toujours dépourvu de parti depuis son départ de LR en 2017. Serait-ce l’une des clés de sa popularité? Quand ils auscultent son image auprès de la population, les sondeurs remarquent que le juppéiste est crédité d’opinions favorables par une majorité de sympathisants macronistes (93 % selon le dernier baromètre Elabe), de proches de la droite (72 %), et même de soutiens de la gauche (55 %). «Il n’apparaît ni comme un traître pour les électeurs de droite, ni comme un rival pour les électeurs macronistes», relève Bernard Sananès, président du cabinet d’études Elabe. Ce «ni-ni» philippiste positionne l’ex-premier ministre comme un éventuel recours à droite et au centre, à deux ans de la présidentielle de 2022. Une hypothèse qu’évacue son ami Gilles Boyer: «L’idée qu’il quitte toute vie politique nationale est à exclure. Mais si Emmanuel Macron est candidat, lui ne le sera pas.»
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Source:© Que devient Édouard Philippe depuis qu’il a quitté Matignon?