ANALYSE – Depuis son élection, Emmanuel Macron se montre un élève consciencieux du FMI, de l’OCDE et de la Commission européenne, en suivant parfaitement leurs recommandations libérales en matière économique.
Ministre de l’Économie enthousiaste, banquier d’affaires inventif, inspecteur des finances remarqué… Avec Emmanuel Macron, la France s’est dotée d’un président familier des affaires économiques, un proche de grands patrons et de théoriciens émérites. Même s’il disserte plus volontiers sur son parcours philosophique ou ses goûts littéraires pointus, l’économie a bien été, jusqu’en mai dernier, la grande affaire de cet homme pressé.
Et pourtant, presque un an après son entrée à l’Élysée, il est difficile de déceler une patte personnelle dans les réformes présentées. Sur le volet économique, pour l’instant, le président applique les recommandations des experts. Ainsi le doublé libéral d’entrée de quinquennat – l’assouplissement du Code du travail assorti d’une baisse de la fiscalité sur le capital – était réclamé depuis des années par les grandes institutions internationales: FMI, Commission européenne, OCDE.
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De manière troublante, les réformes lancées par l’exécutif semblent même souvent tirées mot pour mot des rapports de l’OCDE. La dernière grande étude de l’institution internationale sur la France recommande ainsi pêle-mêle de baisser les dépenses publiques, de «simplifier et raccourcir les procédures de licenciement, par exemple en réformant la justice prud’homale», de fusionner les branches professionnelles, de certifier les formations proposées par les organismes privés, d’aller vers un système de retraite universelle, d’abaisser la masse salariale de la fonction publique, de baisser l’impôt des entreprises mais d’augmenter les taxes environnementales, de développer une politique de la prévention en santé, d’accentuer l’autonomie des universités, de fusionner les organismes de logement social…
Autant de points repris fidèlement dans les lois déjà votées ou en préparation. Angel Gurria, le secrétaire général de l’OCDE, aurait tort de bouder son plaisir. «Nous avons connu et bien travaillé avec Emmanuel Macron quand il était secrétaire adjoint de l’Élysée, nous avons soutenu sa loi quand il était ministre de l’Économie mais, alors, les conditions n’étaient pas encore réunies, il n’était pas aux commandes. Aujourd’hui, il y a les conditions, il y a la conviction, il y a la vision!», s’enthousiasmait-il, en septembre.
Qu’Emmanuel Macron sacrifie l’originalité pour s’inspirer des recommandations d’économistes chevronnés est en soit plutôt rassurant. À de rares exceptions peu heureuses, comme les premières années Mauroy, les gouvernements français ont toujours salué les pistes de l’OCDE. Face au choc pétrolier de 1975, Valéry Giscard d’Estaing suit l’institution pas à pas: il adhère à sa «stratégie des locomotives» avant de prendre, suite au rapport McCracken de 1977, le tournant de la politique de l’offre.
Le «juste milieu»
Emmanuel Macron va plus loin ; en période de reprise, il veut appliquer les réformes recommandées depuis des décennies par le consensus des économistes. Une étape difficile, sans aucun doute nécessaire pour le pays, mais risquée. L’homme qui ambitionnait avec sa candidature de réconcilier les Français avec la politique doit assumer un exercice du pouvoir technocrate.
«L’État est devenu la proie des ministériels de profession et de cette classe qui voit la patrie dans son pot-au-feu, les affaires publiques dans son ménage», raillait Chateaubriand au sujet du «juste milieu» de Louis-Philippe. Emmanuel Macron ne se voit certainement pas comme un nouveau roi-bourgeois. Pour continuer à réformer le pays sans le disloquer, alors que la magie des images du Louvre s’est émoussée et que les rêves européens se heurtent aux divergences franco-allemandes, il a maintenant besoin d’un nouvel élan politique.
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Source:© Quand l’OCDE inspire les réformes d’Emmanuel Macron