
DÉCRYPTAGE – La purge qui se prépare va être d’une violence inédite. Les suppressions de postes se chiffreront en centaines de milliers, si ce n’est en millions.
En écho à ses précédentes prises de parole, Édouard Philippe a été une nouvelle fois on ne peut plus clair lors de sa conférence de presse dimanche dernier: la crise économique, d’une brutalité inégalée, «ne fait que commencer». Le premier ministre n’a d’ailleurs pas manqué de rappeler que son objectif, via l’ensemble des mesures de soutien déployées, «est de sauvegarder ce qui peut l’être aujourd’hui pour permettre de relancer demain ce qui doit l’être». Le chef du gouvernement a en effet conscience de l’ampleur du choc, notamment en matière de suppression d’emplois, qui s’annonce. Et il sait, comme l’avait dit l’un de ses prédécesseurs en 1999, Lionel Jospin, lors de la fermeture de l’usine Renault Vilvorde, que «l’État ne peut pas tout»…À lire aussi : Patrons, ministres… Les baisses de salaires sont-elles «utiles» ou «symboliques»?
Et encore moins aujourd’hui! Car si le dispositif de chômage partiel permet de passer le cap de la crise, en suspendant les contrats de travail, il ne garantit en rien leur pérennité en sortie de confinement et reprise d’activité. Certes, l’État ne repliera pas son plan de soutien du jour au lendemain mais il ne va pas régler pendant des mois les salaires de plusieurs millions de personnes. Et sans cette perfusion, les entreprises exsangues après des semaines à l’arrêt ou au ralenti n’auront d’autre choix que de licencier.
Records enfoncés
La purge qui se prépare, il faut en être conscient, va être d’une violence, là encore, inédite. Les suppressions de postes se chiffreront en centaines de milliers, si ce n’est en millions. Pour s’en convaincre, il n’y a qu’à se souvenir de l’hécatombe enregistrée lors de la crise de 2008-2009: 600 000 emplois détruits, en moins de deux ans, dans l’industrie, les services et la construction ; et plus d’un million de nouveaux inscrits – dont 200 000 au seul premier trimestre 2009 – dans les cinq catégories de Pôle emploi sur la période. De tristes records qui devraient, comme tous les autres (déficit, dette, récession…), être enfoncés dans les mois à venir.
Toute la question est maintenant de savoir ce que le gouvernement va faire face à ce déferlement attendu et inévitable de plans sociaux. Et ce d’autant que l’emploi a déjà entamé son inexorable descente aux enfers – les déclarations d’embauche ont plongé de 22,6 % en mars, les offres d’emploi cadre, de 40 % – et laisse augurer de lendemains qui déchantent… «Je ne vois pas l’État ne pas conditionner les homologations des plans de sauvegarde pour l’emploi qui lui seront demandées», assure, en connaissance de cause, Raymond Soubie, l’ex-conseiller social de Nicolas Sarkozy à l’Élysée pendant la crise financière, aujourd’hui président des sociétés de conseil Alixio et Taddeo.
Emmanuel Macron et Édouard Philippe auraient d’ailleurs tort de ne pas le faire, après avoir mis des dizaines de milliards d’euros dans le chômage partiel. Assurer tout ou partie de la feuille de paie, au moins durant un temps (qui dure), de la moitié des salariés du privé dans le pays donne quelques droits… Bien sûr, le duo de l’exécutif n’ira pas jusqu’à interdire les licenciements, comme le réclame l’extrême gauche. Mais il sera extrêmement regardant et pointilleux sur les plans sociaux qui lui seront présentés. Et ne manquera pas de demander, en contrepartie, des efforts aux employeurs en matière de reclassement, accompagnement, investissement, formation, redistribution, solidarité… Histoire de limiter l’ampleur du tsunami, pas de l’empêcher.
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Source:© Pourquoi un tsunami de licenciements est inévitable