ANALYSE – Les leaders politiques n’ont aujourd’hui plus de levier, du moins en Europe, pour influer sur la conjoncture économique, se retrouvant à espérer une embellie sans pouvoir la déclencher et à blâmer Bruxelles faute de mieux. Reste encore à leurs mains l’instrument des réformes structurelles…
L’évolution de la conjoncture économique obsédait François Hollande. Le président socialiste a passé son quinquennat à lancer des paris publics sur le calendrier de la reprise. Il était si pris par ses spéculations qu’il a même cédé à la folie politique consistant à lier son éventuelle réélection à une inversion de la courbe du chômage.
Ironie des cycles économiques, la reprise tant attendue a fini par bénéficier à son successeur, Emmanuel Macron. L’ex-ministre de l’Économie, qui s’est appliqué en tout à prendre le contre-pied de son ancien mentor, a eu beaucoup de chance, mais il n’en a cure. Lui ne se soucie que de son programme. Son équipe semble d’ailleurs prêter si peu d’attention à la conjoncture économique que les documents officiels de prévision budgétaire affichent étonnamment, année après année, jusqu’en 2022 une croissance stable de 1,7 %, alors même que les signaux annonçant une prochaine crise se multiplient.
Ces deux attitudes opposées – fascination d’un côté, indifférence de l’autre – traduisent une même réalité: les politiques n’ont plus aucun levier, du moins en Europe, pour jouer sur les cycles économiques. Cette situation est le fruit de décisions longuement mûries depuis les années 1970. Dans l’après-guerre, la feuille de route était en effet assez simple: les politiques économiques accompagnaient l’effort de reconstruction. Après le premier choc pétrolier, les États tâtonnent à nouveau. L’époque n’est plus aux déchirements de l’entre-deux-guerres où, à Paris, l’Action française influait sur la politique monétaire avec son obsession du franc fort. Mais, dans les années 70 et 80, les multiples épisodes de tensions inflationnistes créées par les relances préélectorales continuent de démontrer la difficulté des politiques à s’extraire de leurs intérêts propres.
Un système non abouti
Pour corriger ce biais, le principe d’une indépendance des banques centrales s’impose donc peu à peu. En Europe, il aboutit à l’institution de la Banque centrale européenne (BCE) en charge de la politique monétaire des États membres de la zone euro. Son indépendance est inscrite dans les traités européens depuis Maastricht (1992). En parallèle les politiques budgétaires de tous les États de l’Union européenne sont encadrées de près par le pacte de stabilité de 1997. Beaucoup a été écrit sur les limites de ce système non abouti, qui soumet des pays aux structures économiques très différentes à un régime monétaire identique.
Et les politiques ont beau jeu, à l’exemple du gouvernement italien en ce moment, ou de la France pendant des années, de s’insurger contre les règles budgétaires… avant que la perspective d’une détérioration de leurs conditions de financement les remette tôt ou tard sur le droit chemin européen du rétablissement des comptes.
Les gouvernements auraient-ils dans ces conditions, pas à pas, abdiqué toute capacité à mener une politique économique propre? Non, un instrument essentiel demeure. Celui des réformes structurelles, qui permettent d’augmenter le potentiel de croissance d’un pays. C’est un chemin difficile, souvent impopulaire, qui doit se décliner en de multiples mesures, bien moins spectaculaires que la massive relance budgétaire initiée par Donald Trump. Depuis vingt ans, contrairement à ses voisins, la France a renâclé devant l’obstacle. Emmanuel Macron avait promis de le franchir. Il a commencé le travail, espérons que sa rentrée compliquée ne l’en détournera pas.
Source :© Pourquoi nos présidents sont impuissants devant les cycles économiques