
EDITO – Croissance annuelle de 5 à 7%, redressement de l’industrie, modernisation de l’agriculture, création d’EDF, CEA, Sécurité sociale, troisième semaine de congés payés, salaire minimum… la IVe république n’était pas si mauvaise que ses détracteurs le clament, toujours mieux que la Ve République. Vivement la VIème.
Un président sans majorité, qui émet le vœu de nouer une alliance avec LR, un Parlement en ébullition, un gouvernement menacé par des motions de censure en rafale… Alors que la Ve République se meurt, asphyxiée par trop de verticalité, ses défenseurs brandissent l’épouvantail absolu: le retour à la IVe , synonyme d’instabilité, d’impuissance, de combinaisons partisanes. L’horreur absolue.
La IVe République instable, impuissante et partisane, vraiment?
Cette argumentation, qui puise ses racines dans la tradition gaulliste – Charles de Gaulle s’est toujours opposé à la Constitution de 1946 et a contribué, de toutes les façons possibles, à déstabiliser le régime -, est à la fois inexacte et stérile. Certes, de 1946 à 1958, la France a connu dix-huit gouvernements. Mais en dépit de cette instabilité, le bilan de ce régime est spectaculaire sur le plan économique et social.
Et si nous étions sous une IV République?
Ce message, qui laisse indifférent le grand public, est uniquement destiné à LR. L’exécutif tente de mettre le parti néogaulliste devant ses responsabilités en l’exhortant à ne pas laisser s’installer l’instabilité si décriée par le général de Gaulle. Mais n’aurait-il pas mieux valu une bonne discussion franche en début de mandat? D’ailleurs, imaginons une seconde que nous soyons sous la IVe République.
Le Premier ministre (on disait président du Conseil à l’époque) n’aurait pu être nommé qu’en obtenant une majorité absolue. Elisabeth Borne aurait été contrainte de nouer une alliance en bonne et due forme avec une autre formation en définissant un programme de gouvernement. Aurait-ce été pire que ces gesticulations sur l’utilisation du 49-3, sur le Conseil national de la refondation ou sur une hypothétique réforme des retraites? Il ne suffit pas, pour construire une majorité utile et efficace, de lancer, via les médias, un appel à faire alliance sur certains textes. Il faut des négociations. La grande différence entre la IVe et la Ve est que tout ne procède pas d’en haut. Il faut une volonté collective. Tracer un chemin de compromis.
La proportionnelle intégrale, seul échec de la IV République
Il faut, comme le dit l’académicien François Sureau, “un peu de modestie”. Alors pourquoi tant de raideur de la part du chef de l’Etat? Lui qui n’a pas hésité, en cas de nécessité, à modifier sa trajectoire… Parce qu’il est prisonnier des habits de président de la Ve Monarque républicain, il ne peut s’abaisser à la politique politicienne. A la “pol pol”, comme on dit en Macronie.
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Il est temps de sortir du catéchisme gaulliste. Et de “l’absolutisme inefficace” que dénonçait déjà en 1992 le philosophe Jean-François Revel. Si la IVe a péché, c’est en raison de son mode de scrutin inopérant, la proportionnelle intégrale par département avec apparentements. Pas en raison de son essence parlementaire.