
VIDÉO – Le dirigeant indépendantiste Jean-Guy Talamoni a été élu, mardi à Ajaccio, président de l’Assemblée de la nouvelle collectivité territoriale unique de Corse.
Les nationalistes veulent se donner le temps du «dialogue» avec l’État pour faire comprendre à Emmanuel Macron la portée politique de la nouvelle collectivité unique de Corse. S’ils se défendent de toute «agressivité» à l’égard du chef de l’État et espèrent des rencontres «constructives» avec le gouvernement et la ministre Jacqueline Gourault, attendue sur l’île vendredi, les «natios» ont tout de même exprimé clairement leurs attentes mardi, jour d’installation de la collectivité territoriale unique.
Lors des scrutins des 3 et 10 décembre, les indépendantistes conduits par Jean-Guy Talamoni et les autonomistes majoritaires menés par Gilles Simeoni ont obtenu 56,5 % des suffrages. Avec ce résultat historique, l’alliance nationaliste a pu rafler 41 sièges sur 63.
Un discours en langue corse
Pour Jean-Guy Talamoni, élu mardi président de cette nouvelle assemblée avec 40 voix, l‘État doit tirer les enseignements du dernier scrutin. «Le 10 décembre, les Corses ont voté pour que nous ayons la majorité absolue, pour une liste entièrement composée de nationalistes corses. Ce mot “nationalistes” a un sens. À partir du moment où vous avez une majorité absolue qui vote pour dire que la Corse est une nation, c’est un fait politique, pas le renouvellement d’un conseil régional», a confié Talamoni au Figaro, mardi, avant de prononcer son discours, en langue corse. Durant cette intervention, l’indépendantiste a rendu un hommage ému aux combattants du FLNC et tracé les perspectives des négociations avec l’État qu’il conçoit sur le mode d’un rapport de force. Il a insisté sur le fait de ne rien céder des revendications indépendantistes.
Pour trois d’entre elles (co-officialité de la langue corse, amnistie des prisonniers politiques et statut du résident corse), le premier ministre Édouard Philippe s’est montré réservé, le 12 décembre. Les réformes seraient possibles dans un cadre exclusivement constitutionnel. Une réserve que les «natios» jugent irrecevable. «Si une Constitution ne permet pas de reconnaître un peuple, c’est à la Constitution de changer et pas au peuple de disparaître», a réagi Gilles Simeoni mardi sur France Inter, en demandant au président de la République de «parler rapidement sur sa vision de la Corse et sa vision du dialogue». Regrettant le silence d’Emmanuel Macron sur la Corse depuis l’élection territoriale, Gilles Simeoni a également déploré le fait d’avoir appris «par la presse» la nomination de Jacqueline Gourault pour piloter le dossier corse.
«On aimerait savoir quelle peut être aujourd’hui l’argumentation de Paris pour s’opposer à une volonté exprimée à la majorité absolue»
Un dialogue compliqué
Dans ses premiers vœux de nouvelle année, diffusés sur le site Internet de la collectivité, l’élu autonomiste s’est félicité de la «confiance amplifiée» et du «score jamais atteint» par les «natios» sur l’île le 10 décembre dernier. Il a salué une «ère nouvelle», l’avancée de la Corse sur «le chemin de la paix, de la démocratie et de l’émancipation» ainsi qu’une «évolution naturelle et inéluctable vers une autonomie de plein droit et de plein exercice».
À la veille de négociations qui s’annoncent compliquées, les nationalistes au pouvoir en Corse ont voulu se poser sur un terrain d’égalité avec l’État, en mettant le respect de la démocratie au menu des négociations. L’installation de la collectivité unique est d’ailleurs apparue, mardi, comme le premier acte d’un dialogue compliqué. Si Jean-Guy Talamoni estime que la Corse n’est pas prête à l’indépendance, il pose néanmoins une question en guise de cadre. «On aimerait savoir quelle peut être aujourd’hui l’argumentation de Paris pour s’opposer à une volonté exprimée à la majorité absolue» a souligné le leader indépendantiste.
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Source:© Pour les nationalistes au pouvoir, la nation corse est un «fait politique»