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Deux grands instituts de conjoncture allemands révisent à la baisse leurs prévisions de croissance, avec en toile de fond les inquiétudes sur l’avenir du libre-échange.

 

Tour à tour, deux instituts économiques de renom ont nettement revu à la baisse leurs prévisions de croissance pour l’économie allemande. Dans son rapport de l’été, paru mardi 19 juin, l’IFO de Munich a corrigé le chiffre qu’il défendait encore il y a quelques mois.

 

Selon lui, la croissance outre Rhin devrait finalement s’établir à 1,8 % en 2018, et non plus à 2,6 % comme il l’anticipait auparavant. Même coup de tocsin du côté de l’institut de Berlin, le DIW, qui ne voit plus qu’une croissance à 1,9 % pour cette année, et 1,7 % pour l’an prochain. La raison de ces révisions ? Les nuages qui s’amoncellent sur les échanges mondiaux touchent de plein fouet le « made in Germany. »

 

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Ces dernières semaines, les économistes avaient relativisé les signes avant-coureurs qui se multipliaient. Le ralentissement de la croissance au premier trimestre, de 0,3 % seulement ? Des effets exceptionnels : une conséquence des grèves dans l’industrie en janvier, des jours fériés ou de cette fâcheuse épidémie de grippe, qui a cloué au lit les travailleurs allemands, assuraient-ils mi-mai. Jusqu’à ce que Destatis annonce, le 7 juin, un nouveau recul des commandes de l’industrie de 2,5 %, le quatrième d’affilée. Une telle baisse n’avait plus été observée en Allemagne depuis la crise économique de 2009.

 

Ton alarmiste

 

Les conjoncturistes ont donc dû admettre qu’il y avait un retournement de tendance. Les grands instituts s’accordent désormais à dire que la croissance allemande devrait rester bien en deçà des 2 % en 2018, alors qu’elle a été de 2,2 % en 2017. « Contrairement à ce à quoi on s’attendait, les indicateurs ne sont pas revenus à ce qu’ils étaient l’an dernier. En avril, la production industrielle a nettement décroché et les investissements en matériel d’équipement des entreprises ont reculé. C’est extrêmement singulier dans une phase où les capacités de production sont utilisées à leur maximum en Allemagne », a reconnu mardi matin Timo Wollmershäuser, directeur du département conjoncture de l’institut IFO.

 

Pourquoi une telle frilosité d’investissement ? Si les économistes restent prudents, et évoquent notamment la situation en Italie, tout porte à croire que les incertitudes actuelles sont plus larges. Elles concernent l’évolution globale des échanges internationaux, dans un contexte de possible guerre commerciale entre les Etats-Unis et la Chine.

 

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A la grande fédération industrielle allemande, le BDI, le ton est alarmiste : « Le conflit commercial entre les Etats-Unis et la Chine entraîne aussi l’Allemagne dans la tourmente. Nous redoutons une nouvelle spirale protectionniste », a déclaré Dieter Kempf, président du BDI vendredi, à l’annonce des nouveaux droits de douane entre les deux grandes puissances. « Nos entreprises ont beaucoup de filiales et d’engagements dans les deux pays. Un emploi sur quatre en Allemagne est dépendant des échanges internationaux », a alerté jeudi Volker Treier, économiste à la chambre de commerce et d’industrie allemande (DIHK).

 

Au-delà, les inquiétudes des entreprises portent sur l’avenir du libre-échange lui-même. Ce principe essentiel de la prospérité allemande, inculqué par les Etats-Unis après la seconde guerre mondiale, subit des coups de boutoir depuis des mois. « Beaucoup de confiance sur les marchés internationaux a été perdue », déclarait fin mai Holger Bingmann, président de la fédération du commerce extérieur BGA, au quotidien FAZ.

 

« Des chaînes de production mondialisées »

 

Le risque redouté par les entreprises porte moins sur les droits de douane imposés à l’un ou l’autre produit « made in Germany » que sur l’existence de chaînes de production entières. « La production d’une voiture allemande résulte d’une production mondialisée de multiples pièces produites partout dans le monde. Ces chaînes de production se sont construites avec le temps. Elles sont aujourd’hui menacées, sans qu’on puisse anticiper précisément dans quelle mesure, précise au Monde M. Wollmershäuser. L’adaptation de l’industrie à ce changement va avoir des répercussions conjoncturelles et risque de nous coûter des points de prospérité ». Conséquence : dans un rare mouvement collectif, les grandes fédérations industrielles appellent en urgence à une réponse européenne collective.

 

Pour l’instant, les ménages sentent peu les effets de ces risques. La baisse continue du chômage et les hausses des salaires négociées par les syndicats au printemps continuent d’alimenter la consommation, « un moteur essentiel de la croissance, » assure Simon Junker, économiste au DIW. Les baisses des charges promises par le gouvernement devraient contribuer à compenser le flottement du commerce extérieur.

 

Mais la phase d’euphorie est sans doute terminée pour l’économie allemande, bien plus tôt que prévu. « La croissance va s’essouffler. L’apogée de la phase d’expansion est probablement derrière nous, » estime M. Holtemöller, de l’institut économique de Halle.

 

Source : Pour l’économie allemande, la fin de l’euphorie

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