La semaine politique, par Guillaume Tabard.
Source:© «Politiquement vôtre» N°50 – UMP: pour rétablir une vérité
Je suis heureux de vous retrouver pour ce rendez-vous de fin de semaine.
Une interview d’Alain Juppé m’incite à revenir sur les circonstances de la création de l’UMP et à tordre le cou à une légende faisant du parti unifié de la droite une réponse au 21 avril 2002.
UMP: pour rétablir une vérité
Membre du Conseil constitutionnel, Alain Juppé est désormais astreint à un devoir de réserve qui lui interdit d’intervenir dans le débat politique actuel. Mais ce 17 novembre 2022 marque un anniversaire qui le concerne au premier chef. Il y a vingt ans, au Bourget, l’UMP – Union pour un mouvement populaire – dont il devenait le premier président.
«Après le choc de la qualification de Jean-Marie Le Pen»
Dans Le Parisien, ce vendredi il revient sur les circonstances de la création de ce parti. « Après le choc de la qualification de Jean-Marie Le Pen au second tour de la présidentielle et avec une gauche encore puissante, on voyait bien qu’il était absolument nécessaire de regrouper les forces du RPR et de l’UDF », dit-il. Cette interprétation est devenue la vulgate de l’histoire politique de la droite française. L’UMP serait une réponse au choc du 21 avril. Un sursaut d’unité en réponse à la percée du Front national. Tous les dirigeants de cette formation reprennent cette version en boucle depuis vingt ans.
Cette version a les apparences de l’évidence. À commencer par la chronologie : le choc Le Pen en avril, la création de l’UMP en novembre. Cette opération aurait été également dans la logique de l’engagement central de Jacques Chirac contre l’extrême droite – moins constant qu’on l’a dit, mais c’est une autre histoire. Enfin, premier concerné, Alain Juppé n’est-il pas le mieux placé pour se souvenir des circonstances ? Sauf que….
Sauf que tout cela relève d’une relecture a posteriori de l’histoire.
Un projet conçu dès l’année 2000
Arrivé au Figaro à l’été 2000, et chargé précisément du suivi de la droite, j’ai un souvenir très précis de cette période et une rapide immersion dans les archives de notre journal suffirait à rétablir la vérité de la chronologie.
Et la vérité, c’est que l’UMP n’a pas été lancée pour répondre à une menace de Jean-Marie Le Pen ; elle a été pensée pour torpiller les ambitions de François Bayrou. Il ne fallait pas combattre l’extrême-droite, mais contraindre le centre.
La meilleure preuve : la qualification de Jean-Marie Le Pen au second tour de la présidentielle de 2002 fut une surprise. Pour tout le monde, pas uniquement pour Lionel Jospin. À l’approche du scrutin, le leader du FN semblait même relégué et pas pleinement remis de la scission avec Bruno Mégret. Par conséquent, si la fusion à droite avait été une réponse à la «menace» lepéniste, elle n’aurait pu être lancée qu’après le printemps 2002.
Or, l’opération a été conçue très en amont. Dès l’année 2000. À l’Élysée. Dans le bureau d’un homme influent : Jérôme Monod, vieil ami de Jacques Chirac qui fut longtemps patron de la Lyonnaise des eaux et revenu auprès de lui comme conseiller politique, au lendemain de la dissolution ratée de 1997.
Cet échec a sonné la droite. Et Jacques Chirac a été doublement sonné par la perte de son « bébé », le RPR dont Alain Juppé a dû lâcher les rênes et dont la présidence a été ravie par le cyclothymique Philippe Séguin. Quant à l’UDF, elle a explosé en deux écuries concurrentes, l’une conduite par Alain Madelin et l’autre par François Bayrou, mais toutes deux impatientes de tourner la page Chirac.
En 2000, le président contraint à la cohabitation n’est pas au mieux de sa forme. Mais l’animal politique ne renonce jamais. L’humilié de 1997 veut sa revanche en 2002. Et, pour cela, a besoin d’un outil militant sûr.
L’opération unique est lancée. Elle se fera en deux temps. Et Le Figaro sera aux premières loges.
Janvier 2001, une tribune dans Le Figaro
Première étape : le samedi 13 janvier 2001, notre journal publie une longue tribune signée par 130 parlementaires de l’opposition. «France Alternance : pour un nouveau contrat politique», c’est son titre. «Droite : le projet pour l’alternance» écrit Le Figaro en manchette. Il s’agit bien sûr de présenter un programme d’alternance à la gauche au pouvoir, mais surtout de plaider l’union – on ne parle pas encore de fusion – des formations de l’opposition.
Les signataires sont issus du RPR, de l’UDF et de Démocratie libérale. Autour de Monod, le projet a été conçu par Alain Juppé (RPR), Jean-Pierre Raffarin (DL) et Philippe Douste-Blazy. Trois poids lourds qui veulent contourner la résistance ou l’opposition des trois présidents de parti, Michèle Alliot-Marie, qui veut préserver la spécificité gaulliste de son parti, Alain Madelin et François Bayrou. Ce sont ces deux derniers, qui préparent leur candidature présidentielle, qu’il faut prendre de vitesse. Pendant un an, les chiraquiens n’ont qu’un seul mot à la bouche : l’union.
La deuxième étape a lieu un an plus tard, à Toulouse. On passe du discours aux actes. Dans la ville de Douste-Blazy, l’Union en mouvement (l’UEM) est lancée. La structure se veut clairement la préfiguration d’un parti unique de la droite et du centre. Le congrès vise à consacrer la nouvelle synthèse idéologique. Il n’y a plus des gaullistes, des libéraux, des démocrates-chrétiens. Il n’y a plus qu’une grande force comparable à la CDU allemande, alors à son zénith.
L’idée est simple : marginaliser ceux qui n’entrent pas dans la danse de l’union. Autrement dit : dégager le terrain en vue de 2002 pour un Jacques Chirac menacé par un premier ministre qui l’agace mais dispose d’une solide popularité : Lionel Jospin.
Janvier 2002, Bayrou trouble-fête à Toulouse
Tout a été prévu pour la grande fête toulousaine préparée par Hervé Gaymard (RPR), Dominique Bussereau (DL) et Renaud Dutreil (UDF). Tout sauf le «coup» de David contre Goliath. Affaibli dans son propre parti, François Bayrou s’invite à Toulouse. Il est accueilli sous les sifflets des militants, mais qu’importe : il est là pour mettre un caillou dans la belle mécanique chiraquienne. Pourquoi garder des partis différents alors que nous pensons la même chose ? C’est ce que se demandent en boucle les promoteurs de l’UEM. Bayrou lance alors cette phrase : «Si nous pensons tous la même chose, c’est que nous ne pensons plus». D’une phrase, il met un coin dans la rhétorique unitaire.
L’équation est alors posée : l’UEM, qui deviendra l’UMP, est faite pour tuer Bayrou.
À la présidentielle du 21 avril 2002, Alain Madelin est marginalisé (3,91 %) et François Bayrou distancé (6,84 %). Le score de Jacques Chirac est tout sauf flamboyant pour un président sortant (19,88 %). Mais l’élimination de Lionel Jospin lui offre cette victoire écrasante contre Jean-Marie Le Pen (82,21 %).
La phase finale de l’opération peut s’enclencher. Madelin n’a plus les moyens de résister et DL tout entier accepte d’entrer dans la formation unique. Bayrou perd la moitié de ses troupes, mais garde la marque UDF et un groupe à l’Assemblée nationale. Suffisant pour tenir et préparer une deuxième présidentielle, qui sera autrement réussie pour lui (18,57 % en 2007).
Chirac appelle Raffarin à Matignon et confie à Juppé le parti, comme un cadeau fait à celui qui est alors adoubé en coadjuteur du président.
Le 17 novembre 2002, au Bourget, l’Union pour un mouvement populaire (UMP) est créée officiellement. Alain Juppé, venu du RPR, en devient le premier président, flanqué de Jean-Claude Gaudin, venu de DL, vice-président, et de Philippe Douste-Blazy, venu de l’UDF, secrétaire général. Deux ans plus tard, Juppé devra rendre les clés de l’UMP, alors reprises par Nicolas Sarkozy. Mais c’est une autre histoire.
Autrement dit, le choc de la qualification de Jean-Marie Le Pen au soir du 21 avril 2002 a peut-être contribué à accélérer le processus d’unification de la droite française, mais il ne l’a aucunement provoqué.
4 Comments
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