Le prince du Qatar et l’État ont signé un contrat qui court sur vingt ans, assorti d’importantes contreparties financières.
Le Qatar à l’hôtel de la Marine, place de la Concorde à Paris? Depuis la fuite savamment orchestrée cet été dans la presse, on attendait les détails de l’accord liant la Fondation al-Thani et le Centre des monuments nationaux (CMN), gestionnaire du prestigieux monument de la place de la Concorde. Selon nos informations, le contrat a été signé mercredi soir, à Paris. Il prévoit la mise à disposition d’un espace de 400 m2, donnant sur la cour d’honneur, au sein de l’hôtel. La galerie, qui est en train d’être refaite, accueillera pendant vingt ans la collection du prince Hamad Ben Abdullah al-Thani. Les œuvres, piochées dans un ensemble fabuleux de 6000 pièces – dont des bijoux exceptionnels -, tourneront, à coups d’expositions thématiques.
Pour le prince, grand collectionneur notamment du XVIIIe français, l’accord est une immense satisfaction. Voilà plusieurs années qu’il cherchait à exposer sa collection. Après avoir envisagé Venise, puis la Royal Academy de Londres, il a finalement jeté son dévolu sur Paris – ville qu’il connaît, puisque sa famille est propriétaire de l’hôtel Lambert, sur l’île Saint-Louis. «La France est un pays dont l’histoire et la culture inspirent ma passion depuis que je suis jeune», affirme-t-il.
Les Français ont déjà eu un aperçu du trésor de la fondation, en 2017, au Grand Palais, où 270 joyaux mongols et indiens avaient ébloui les visiteurs. Plus récemment, le château de Fontainebleau a dévoilé 63 pièces autour de la notion de pouvoir royal. À cette occasion, le prince avait donné un dîner d’éclat dans la galerie François Ier, avec un feu d’artifice tiré depuis les jardins. Devant des invités à l’œil pointu, il avait montré son goût et sa connaissance des arts anciens.
Un partenariat privé
Le cheikh, qui navigue entre Londres, Paris et Doha, a souvent prêté des pièces à de grandes institutions, comme le British Museum, le Met de New York ou l’Ermitage à Saint-Pétersbourg. Un brin fantasque, il est connu comme le loup blanc dans le monde des collectionneurs d’objets anciens. C’est d’ailleurs un grand collectionneur versé dans le XVIIIe français, qui a conseillé au CMN de s’intéresser à sa collection. Le contrat, qui se veut privé puisque concernant une collection privée, n’est pas passé par le canal diplomatico-politique. «Le président de la République, qui a été sensible au choix de Paris, plutôt que de Londres, a tout de même donné son accord», indique Philippe Bélaval, président du CMN. Pour ce dernier, l’annonce de l’implantation de la collection al-Thani à l’hôtel de la Marine devra être assortie d’un minimum d’explications.
L’accord comprendrait 20 millions d’euros de redevance, somme qui n’a pas été rendue publique. Pour certains, elle sera jugée sous-évaluée: l’hôtel de la Marine, grand projet d’État, va devenir une des adresses les plus en vue de Paris. Après travaux, en 2020, l’ancien garde-meubles de la couronne devrait consacrer 2000 m2 à des expositions d’arts décoratifs, dans les salons Napoléon III ou dans l’appartement de l’ancien intendant sous Louis XVI, Thierry de Ville-d’Avray. Pour ce faire, les collections du Louvre ou du Mobilier national devraient être mobilisées.
On aura donc d’un côté des pièces patrimoniales, meublées par des collections publiques, et de l’autre un espace contemporain, déployant la collection al-Thani. Les deux offres vont devoir faire un tout cohérent, susceptible d’attirer les touristes. «Ce lieu fut l’ancien garde-meuble royal, rappelle Philippe Bélaval. C’est dans son ADN d’être rempli d’objets prestigieux mais composites.»
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Source :© Paris : la collection al-Thani du Qatar prend pied à l’hôtel de la Marine