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«Only the Sound Remains» ne repose que sur une toile, des jeux de lumières et les évolutions immatérielles de la danseuse Nora Kimball-Mentzos, aux mains expressives et aux pieds cambrés. – Crédits photo : Elisa Haberer / Opéra national de Paris

Présentée au Palais Garnier, cette œuvre de la compositrice finlandaise Kaija Saariaho met en scène la rencontre de mortels avec des spectres. Une..

Présentée au Palais Garnier, cette œuvre de la compositrice finlandaise Kaija Saariaho met en scène la rencontre de mortels avec des spectres. Une parabole intemporelle dans un univers poétique très prenant.

Après une première phase créative consacrée à une avant-garde assez radicale, Kaija Saariaho a trouvé en l’opéra, et ce dès L’Amour de loin , en 2000, un genre où s’expriment naturellement son amour de la voix, son goût du récit et son art de créer des atmosphères suggestives. Créé à l’Opéra d’Amsterdam en 2016, son dernier ouvrage lyrique, Only the Sound Remains, vient de connaître sa première française au Palais Garnier. La compositrice finlandaise y montre sa capacité à se renouveler, dans le choix des sujets comme du traitement.

Il s’agit cette fois d’un ouvrage intimiste et allusif, qui tient plus de l’allégorie poétique que de l’action proprement dite. Deux parties indépendantes de cinquante minutes, chacune inspirée par deux pièces du nô japonais, adaptées par Ezra Pound. Tirées d uDit des Heiké, épopée médiévale très connue au Japon, chacune met en scène la rencontre entre un mortel et un esprit surnaturel: d’abord entre un prêtre et le spectre d’un favori de l’empereur tué dans son jeune âge, puis entre un pêcheur et un esprit de la lune qui a perdu le manteau de plumes lui permettant de voler. La minceur de la trame permet de laisser ouverte l’interprétation allégorique de ces fables mystiques.

Saariaho a créé un univers poétique très prenant, passant par un langage harmonique envoûtant, riche en micro-intervalles, et une écriture instrumentale ciselée

Si, à l’entracte, on s’interroge encore sur le caractère inévitablement statique de l’œuvre, on est conquis à la fin car la seconde pièce constitue un habile crescendo par rapport à la première. On s’aperçoit alors que Saariaho a créé un univers poétique très prenant, passant par un langage harmonique envoûtant, riche en micro-intervalles, et une écriture instrumentale ciselée. Dans la fosse, un ensemble chambriste composé d’un quatuor à cordes (Meta4, excellent), d’un quatuor vocal (Theater of Voices, stupéfiant), d’un jeu de percussions, d’une flûte (Camilla Hoitenga, complice de longue date de Saariaho) et d’un kantele, instrument traditionnel finlandais joué ici par Eija Kankaanranta, qui tient du psaltérion et pourrait rappeler de loin le biwa japonais. De loin, car jamais la tentation de la couleur locale ne guette une musique frémissante, qui ne relève en rien de l’image d’Épinal. La direction d’Ernest Martinez Izquierdo se met au service sans tirer la couverture.

L’écriture vocale est, comme il se doit, incarnée et proche du texte pour le personnage terrestre, habité avec ferveur par le baryton américain Davone Tines, et se fait angélique et éthérée pour la créature surnaturelle, sur mesure pour le contre-ténor Philippe Jaroussky, qui trouve ici une très belle occasion d’élargir son cœur de répertoire baroque. Seule réserve: la sonorisation, indispensable pour aider ce dispositif intimiste dans la grande salle de Garnier, met trop souvent les voix dans un halo qui en détourne l’attention. Les voix lyriques s’accommoderaient-elles mal de l’électronique?

Autre partenaire de la première heure de Saariaho à l’opéra, le metteur en scène Peter Sellars va de plus en plus vers une épure et une spiritualité qui en faisaient l’homme de la situation pour traiter ces paraboles intemporelles. Son spectacle ne repose que sur une toile, des jeux de lumières et les évolutions immatérielles de la danseuse Nora Kimball-Mentzos, aux mains expressives et aux pieds cambrés. Sellars s’efface devant la poésie du sujet avec toute l’humilité propre à une œuvre qui fait le choix de se tourner sans concession vers l’intériorité.

Only the Sound Remains , Palais Garnier (Paris IXe), jusqu’au 7 février. www.operadeparis.fr. Disponible en DVD (Erato).


 

 

Source: Only the Sound Remains ou les voix de l’esprit

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