FIGAROVOX/TRIBUNE – Répondant à Christophe Castaner qui a fait un parallèle entre les femmes musulmanes qui portent le voile, et le voile que portaient autrefois les femmes catholiques pour assister à la messe, Fatiha Boudjahlat rappelle que le voile islamique est un symbole religieux de subordination de la femme.
Fatiha Boudjahlat est cofondatrice avec Céline Pina du mouvement Viv(r)e la République. Elle est aussi l’auteur de Féminisme, tolérance, culture: Le grand détournement (éd. du Cerf, 2017).
Le dispositif est clair et désormais bien rôdé. Le ministre Blanquer est chargé de rassurer le camp des laïques, assimilés à des conservateurs, cependant que le Président Macron et le chef de LREM Castaner envoient tranquillement des signaux forts aux religieux, et installent doucement un œcuménisme et un multiculturalisme qui raviront les libéraux puisqu’ils démantèlent l’État-nation et notre patrimoine politique le plus original et le plus précieux: la laïcité.
Christophe Castaner vient amender la parole présidentielle pour une fois trop claire sur la nature misogyne du voile, pour que tous les camps, et d’abord ceux des religieux, soient rassurés et que chacun retienne que celle-ci abonde dans son sens. La séquence débutée par une homélie face aux évêques ne pouvait se conclure sur cette note négative. À la radio, Castaner a d’abord donné à penser qu’un sort particulier serait réservé à l’islam: «On s’est posé la question, il y a quelques années, quand toutes les femmes catholiques portaient un voile? Je ne crois pas.» Son modèle de société est-il celui dans lequel les femmes ne disposaient pas de compte en banque et n’étaient pas les égales des hommes? Un rapide coup d’œil sur Google Images rassure: Yvonne De Gaulle ne portait pas le voile. On n’avait pas dû lui dire que ce faisant, elle était une bien piètre catholique…
Castaner renchérit: «Il y a quelques années, quand en France, y compris nos mamans portaient un voile, portaient le voile catholique, on ne se posait pas la question». Le premier mensonge de Castaner est d’ordre historique et spatial: comme Moïse cueilli sur le Nil, Castaner est sans doute né dans une étable-crèche de Provence et a grandi dans un couvent. Espérons que son père n’était pas le curé de la paroisse… Son second mensonge est de poser l’équivalence religieuse entre la mantille des femmes catholiques et le voilement islamique. Le premier était un signe de piété qui n’était porté qu’à la messe, et du reste on ne l’aperçoit à l’église que de plus en plus rarement. Le second est une tenue obligatoire, permanente, qui s’accompagne de toutes sortes de restrictions.
Castaner tient le même raisonnement que Juppé quand il évoqua le «fichu de sa mère». Au moment du débat sur la présence de mamans voilées pendant les sorties scolaires, Juppé avait raconté que lorsqu’elle se rendait à la messe, sa mère portait un foulard, et qu’il n’était guère choqué de le voir porté par les femmes musulmanes de nos jours. Confusion des lieux et des actes. Surtout, le voile musulman est porté par des femmes de tous âges, en tous lieux et pour pratiquer toutes les activités du quotidien. Le fichu d’alors n’a rien de commun avec le voilement de nos jours. C’est la même logique relativiste employée par Hamon alors qu’il était invité à réagir sur un reportage tourné dans les villes de Sevran et de Rillieux-la-Pape illustrant l’exclusion des femmes des lieux de convivialité comme les cafés: le député de la circonscription de Trappes n’a pas condamné d’emblée cet apartheid sexué. Il a analysé cette exclusion et l’a relativisé par un détour, à la manière de Plenel, par l’histoire: «Historiquement, dans les cafés ouvriers, il n’y avait pas de femme». Politique dégourdi, il a fini par se rappeler qu’il était député de la République et que la situation était illégale autant qu’intolérable. Outre que son assertion sur les cafés ouvriers sans femme était fausse, il basculait dans l’allochronie: puisque cette exclusion existait, selon lui, avant, on pouvait comprendre qu’elle existât de nos jours, dans certains quartiers, la religion et la tradition expliquant ce double régime d’historicité et ce «retard» de développement. Les musulmans dans l’ultra-orthodoxie apprécieront.
C’est la condescendance bourgeoise qui consiste à penser que l’on ne peut attendre ou exiger des «vrais musulmans» qu’ils en soient au même niveau de modernité que nous, ni qu’ils vivent comme nous. Le corollaire d’une telle conception est une invitation chez les «autres» à une orthodoxie comme gage d’identité authentique: pour être un «bon musulman», il faut refuser ce régime d’historicité commun au reste de la population. On construit donc de toutes pièces une altérité ontologique. On considère qu’on ne peut demander à «ces gens-là» d’en être au même niveau de développement que nous. Il faut les laisser faire, parce que cela se fait comme ça chez eux, alors qu’ils ne vivent pas en terre consulaire: ils sont nés ici et c’est ici qu’ils sont chez eux. On enferme ce faisant nos compatriotes dans des capsules spatio-temporelles, pour reprendre l’expression de Tahar Ben Jelloun.
[perfectpullquote align=”left” bordertop=”false” cite=”” link=”” color=”” class=”” size=””]Une condescendance bourgeoise consiste à penser que l’on ne peut exiger des « vrais musulmans » qu’ils en soient au même niveau de modernité que nous.[/perfectpullquote]
Selon Castaner, Juppé, Hamon, et même Plenel avec sa photo des femmes de 1900 en tenue de bain, nos compatriotes musulmans ont entre 50 et 120 ans de retard sur nous. Leur fausse tolérance et leurs mensonges démentent toute ouverture d’esprit mais assignent nos compatriotes musulmans dans un régime d’historicité différent, alors mêmes qu’ils sont nés et ont grandi ici.
Les bourgeois pénitents veulent relativiser la nature intrinsèquement religieuse du voilement islamique, pour le banaliser et en faire un attribut culturel, comme l’écrit F. Dubet dans son dans son ouvrage Ce qui nous unit,Discriminations, égalité et reconnaissance mais aussi chez le conseiller d’État Thierry Tuot, dans son rapport intitulé La Grande Nation, pour une société inclusive remis en 2013 à Jean-Marc Ayrault: «Nous avons déjà changé de mœurs alimentaires, et que le vêtement évolue nous rendra peut-être un peu moins gris, compassés, et encravatés. Quand même, reprenons-nous! La France a-t-elle jamais dépendu de ce qu’un bout de tissu – boubou, coiffe bretonne, chèche ou béret – soit porté d’une façon ou d’une autre?».
Ce faisant, ils méprisent la religiosité et l’orthopraxie adoptées par certains de nos compatriotes et sont contredits par eux. Ainsi, alors que ces gens au grand cœur comme Hubert Huertas renvoient au fichu porté par Grace Kelly, le CCIF lui-même avait écrit, à la suite de l’exclusion d’une femme voilée d’une salle de sport, qu’ «un signe religieux n’est en rien comparable à un banal couvre-chef ou à un accessoire de mode tel qu’un bonnet ou une casquette. En effet, il s’agit de la manifestation extérieure d’une conviction religieuse, que le droit national et international protège et garantit. Ainsi, le port du foulard est reconnu comme signe religieux et bénéficie à ce titre d’une protection particulière».
Face à la volonté de normaliser le voilement, qui a fini par devenir la norme dans bien des quartiers ghettoïsés, la stratégie des idiots utiles de l’islamisme a consisté à relativiser la dimension religieuse du voilement, pour en faire un attribut culturel, quasiment anthropologique et ainsi nous culpabiliser de le rejeter. La seconde stratégie a consisté à faire de ce signe de subordination de la femme au patriarcat oriental un vecteur d’autonomie, d’émancipation, voire de «puissance d’agir» féminine. C’est de la pure communication et le signe d’un grand détournement. Edward Barnays, considéré comme le père des relations publiques, auteur du livre Propaganda, raconte qu’il a été contacté par le patron d’une entreprise de tabac, parce que les femmes ne fumant pas, il perdait un marché important. Comment les convaincre de fumer, alors qu’il s’agissait d’un tabou dans la société américaine? Barnays profite d’une marche militante de suffragettes pour le droit de vote, prévient les journalistes qu’un évènement particulier va se produire, paie des comédiennes qui, à un signal convenu, sortent une cigarette, l’allument et parlent aux journalistes des «torches de la liberté». Voilà comment la cigarette devint un objet de subversion contre le patriarcat occidental et un signe de l’émancipation des femmes! La même chose se passe avec la captation de la Women’s March par des femmes islamistes clamant leur féminisme, tout en se subordonnant aux exigences du patriarcat oriental: le voilement devient par la grâce d’une manipulation publicitaire un signe d’émancipation, ce qu’il n’est justement pas.
[perfectpullquote align=”full” bordertop=”false” cite=”” link=”” color=”” class=”” size=””]Le voile n’est pas musulman. Il est islamiste.[/perfectpullquote]
Il n’y a plus guère que les bourgeois naïfs ou clientélistes pour refuser de considérer le voilement pour ce qu’il est: le choix libre de consentir aux exigences ultra-orthodoxes de leaders communautaires, du patriarcat oriental. Parce que la construction et l’appartenance à une communauté n’ont rien de naturel. Par le levier de l’hyper-orthopraxie, celle-ci est garantie. Les religieux l’assument. Les laïques qui combattent le voilement sont en fait bien plus respectueux que les bourgeois condescendants.
Alors que le prince du multiculturalisme Justin Trudeau est en visite en France, il convient de rester lucide et ferme, et de refuser de normaliser ce signe de la subordination de la femme. Le voilement n’est pas un fichu, une protection contre le vent, un accessoire de mode fun, arguments tous utilisés successivement: il est l’ancre à une culture religieuse fantasmée, qui enferme dans une surenchère et aboutit à construire ce que Fethi Benslama appelle le surmusulman, soit «la contrainte sous laquelle un musulman est amené à surenchérir sur le musulman qu’il est par la représentation d’un musulman qui doit être encore plus musulman». Le voile n’est pas musulman. Il est islamiste.
Castaner à la radio, mais aussi Macron face aux évêques, prêtent un concours clientéliste plus que naïf. La conséquence politique logique est l’injonction au multiculturalisme, qui n’est pas la reconnaissance empirique de la réalité multiculturelle de notre pays, mais l’agenda politique de différentiation des droits et de séparatisme portés par les indigénistes et les islamistes.
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Fatiha Boudjahlat
Source: © « Non, Monsieur Castaner, la mantille des catholiques n’a rien à voir avec le voile islamique ! »
0 Comments
Eveline Chouquet
Il dort d ou celui là
Michèle Pons
Il ferait mieux de se taire
Nadina Delgado
Quel blaireau celui la !
FERME LA !
Christian Abraham
Question de culture !