Sorties hasardeuses, choix de stratégie douteux… Dans le camp de la candidate LREM, certains se disent déçus par les premiers pas en campagne
« On va ga-gner! On va ga-gner! » scandent les supporters parisiens d’En marche le 16 février. Deux jours après l’abandon de Benjamin Griveaux, ils accueillent devant le QG de campagne celle qui a accepté de reprendre le flambeau : Agnès Buzyn, l’ancienne ministre de la Santé. C’est l’euphorie. Passé le choc de « l’affaire de la sex-tape », la macronie ose à nouveau croire en ses chances de victoire dans la capitale. « Ça a remis un souffle incroyable. On pensait vraiment que les cartes allaient être rebattues. Et puis… plus rien. Dix jours plus tard, la magie est déjà retombée », grince, amère, une petite main de sa campagne.
Et ce ne sont pas les dernières apparitions de la candidate qui vont rassurer ses troupes. Sur les marchés? « Les gens l’aiment bien, mais lui demandent aussi pourquoi elle s’est embarquée là-dedans. L’argument qui lui revient le plus, c’est qu’on ne s’improvise pas maire Paris en trois semaines », raconte un colistier. Dans les médias? Son attaque d’Anne Hidalgo sur sa gestion du dossier Coronavirus, le 24 février sur Europe 1, est encore dans tous les esprits. « Une connerie », admet un proche.
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« Elle a tendu le bâton pour se faire battre, on ne va pas se mentir », concède un autre. Selon Buzyn, les agents de la capitale ne seraient pas préparés en cas d’épidémie. Pis, elle affirme « ne pas avoir eu de contacts » avec la maire de Paris quand elle était encore ministre. Réponse d’Hidalgo, le lendemain sur la même radio : « Je trouve ces propos tellement irresponsables que les bras m’en tombent presque », lâche-t-elle, en brandissant une lettre de Buzyn, alors ministre, la « remerciant vivement » pour sa mobilisation face au virus…
Le manque d’accord avec Villani passe mal
D’autres évoquent ses choix stratégiques, comme sa volonté de faire campagne sur les mêmes thèmes que Rachida Dati, « la propreté et la sécurité », « alors qu’elle devrait plutôt capitaliser sur son ADN naturel : la famille, l’enfance, le social, le bien-vivre à Paris, pour parler à la droite comme à la gauche », explique un stratège d’En Marche!. Ou aussi sa sortie hasardeuse sur la suppression des terrasses chauffées : « Ça me rappelle NKM qui avait dit que prendre la ligne 13 était un moment de grâce », sourit un député.
Mais c’est son incapacité à parvenir à un accord avec Cédric Villani qui passe le plus mal. Particulièrement à l’Elysée où Emmanuel Macron leur a plusieurs fois demandé, par textos, de trouver un accord. « Villani était disposé à discuter. Mais dès qu’elle a vu ses exigences, notamment sur l’écologie, elle s’est raidie et a envoyé une fin de non-recevoir », raconte un conseiller. Les deux candidats avaient pourtant pris langue dès la mi-journée du 17 février, convenant de se reparler le soir même. Villani a attendu en vain auprès de son téléphone.
Il lui faudra attendre l’interview d’Agnès Buzyn au Parisien – Aujourd’hui en France, le 19 février, pour comprendre que celle-ci lui « ferme la porte au nez », raconte Mao Peninou, un lieutenant de Villani, convaincu que dans l’entourage de la candidate « beaucoup ont pensé que ça leur ferait perdre des places ». Et ce n’est pas un déjeuner secret, organisé le lendemain entre les deux, au domicile de l’ancienne ministre dans le Ve arrondissement, qui parviendra à recoller les morceaux. « C’est bien, mais c’était déjà trop tard », convient, perplexe, Peninou. Comme ce député LREM qui finit par lâcher : « Quand tu es dans le Titanic, tu as beau changer de capitaine… ça reste le Titanic. »
Source: Municipales à Paris : chez Buzyn, de l’euphorie à la déception