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À Marseille, le mode de scrutin ainsi que d’intenses rivalités personnelles rendent l’issue du vote imprévisible. La campagne pour succéder à Jean Claude Gaudin, depuis 25 ans à la tête de la cité phocéenne, a été marquée par des dissidences et un émiettement des listes. Décryptage.

Si le quart de siècle de gestion municipale de Jean-Claude Gaudin est décrié de toutes parts, le patriarche, 80 ans, a réussi sa sortie. De la gauche au Rassemblement national (RN), l’hommage fut unanime lors de son dernier conseil municipal, fin janvier.

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Marseille est habituée a des campagnes passionnelles et parfois musclées : interférences supposées du “milieu”, insultes et coups bas en tous genres. Mais pour les municipales qui se dérouleront les 15 et 22 mars prochains, en dehors de quelques bagarres entre colleurs d’affiche, la succession de Jean-Claude Gaudin ne déchaîne pas les passions. “Il n’y a pas de castagne, pas de match” semble regretter Franck Allisio, un ancien de l’UMP, désormais sur la liste du Rassemblement national (RN).

Fin de règne, la droite municipale divisée

Pour succéder à l’ancien ministre qui a dirigé la cité phocéenne pendant 4 mandats, Les Républicains ont choisi Martine Vassal. À 57 ans, la présidente du département des Bouches-du-Rhône (depuis 2015) et de la Métropole Aix-Marseille-Provence (depuis 2018) siège au conseil municipal depuis 19 ans. Son père, qui dirigeait une usine de textile pour l’armée, était un ami de Jean-Claude Gaudin.

Devenue au fil des années son héritière politique (évinçant au passage Renaud Muselier, longtemps considéré comme le successeur naturel du maire de Marseille), cette désignation a fait des déçus, dont Bruno Gilles, sénateur Les Républicains qui mène une candidature dissidente, appuyée par quelques élus de la majorité.

L’équipe municipale se présente donc divisée, et doit assumer le bilan très critiqué de l’ère Gaudin qui fragilise la candidature de Martine Vassal. Marseille est une des villes les plus endettées de France, et l’effondrement d’un immeuble insalubre dans le quartier populaire de Noailles, qui a fait 8 morts en 2018, a jeté une lumière crue sur le mode de gestion et les choix de l’équipe municipale.

Une gauche désunie en voie de recomposition

En 2014, le socialiste Patrick Menucci pensait conquérir la mairie de Marseille, mais sa tentative s’est soldée par une humiliante défaite, marquée par les trahisons venues de son propre camp et par le score historique du Front national (26,5 % lors de la triangulaire du 2e tour).

Six ans plus tard, la gauche est parvenue, au terme d’une longue et difficile gestation, à accoucher d’une liste d’union : le Printemps marseillais. La liste est emmenée par une écologiste, Michèle Rubirola, et regroupe La France insoumise (LFI), le Parti (PS) Socialiste, le Parti communiste (PC), et des mouvements  citoyens.

Cependant, Europe Écologie Les Verts (EELV) conduit également sa liste avec Sébastien Barles. Et pourtant, une liste commune semblait à portée de main ces derniers mois. “On a beaucoup discuté avec les Verts”, raconte Jean-Marc Coppola du Printemps marseillais. “On est d’accord sur le fond et sur les valeurs, mais on a compris qu’il y a des consignes nationales d’EELV pour que chacun puisse se compter (parmi les formations politiques de gauche NDLR) pour préparer la présidentielle de Jadot.”

Une autre liste, Marseille avant tout !, de la sénatrice Samia Ghali, risque d’éparpiller un peu plus le vote à gauche. Maire du 8e secteur de la ville, elle a participé à tous les combats internes au Parti socialiste depuis une vingtaine d’années avant de le quitter en 2018. Aujourd‘hui, son positionnement politique interroge.

Dans un tweet, elle défend Martine Vassal, la candidate LR, choquée que ses adversaires politiques utilisent le casier judiciaire de son fils pour la déstabiliser. À France 24, elle affirme que “Gaudin c’est fini, c’est une autre époque. Vassal, on peut ne pas être d’accord (avec elle), mais ce n’est pas la même chose”.

À LREM, on attend le troisième tour

Dans la cité phocéenne, La République en marche a désigné Yvon Berland, professeur de médecine et ancien doyen de l’université Aix-Marseille. En dépit d’un score encourageant (20,56 %) aux Européennes, le mouvement présidentiel reste distancé dans les sondages.

Comme à Paris et à Lyon, le mode de scrutin à Marseille est particulier. Les 16 arrondissements de la ville sont divisés en 8 secteurs, qui envoient chacun des conseillers à l’hôtel de ville, qui à leur tour élisent le maire. Ainsi, les élus macronistes pourraient se retrouver en position de faiseur de roi.

Pour Saïd Ahamada, député LREM des quartiers nord depuis 2017, “personne n’aura la majorité seul. Il y aura des alliances au soir du 1er tour et on ne saura pas, au soir du 2e tour, qui peut être maire. C’est une course de nains, il faut attendre le 3e tour”. C’est-à-dire le premier conseil municipal de la nouvelle mandature, qui procédera à l’élection du maire entre le 27 et le 29 mars.

Le Rassemblement national installé dans le paysage municipal

En 2014, arrivé en 2e position au premier tour avec près d’un quart des voix, le leader frontiste Stéphane Ravier avait crée la sensation. Non seulement le FN avait réalisé un score inédit dans l’une des trois plus grandes villes de France, mais de plus il avait remporté une des 8 mairies de secteur que compte Marseille.

Depuis, Stéphane Ravier s’est illustré en soutenant des groupes identitaires qui s’opposaient à l’accueil de migrants à Marseille. Mais aussi par ses difficultés à maintenir la cohésion de ses troupes. En 2016, sept adjoints frontistes de sa mairie de secteur avaient démissionné pour protester contre ses méthodes autoritaires.

En 2017, en choisissant de siéger au Sénat (en vertu de la règle de non cumul des mandats), Stéphane Ravier a cédé son fauteuil à sa nièce, Sandrine D’Angio, et a ainsi récolté le surnom de “dictateur nord-phocéen”.

Pour le parti de Marine Le Pen, Marseille est un test important. La patronne du RN s’y est d’ailleurs déplacée en personne, le 6 mars, pour soutenir son candidat, lors de son unique grand meeting pendant cette campagne municipale.

Franck Allisio, tête de liste du RN dans le 12e arrondissement, estime que son parti est en mesure de l’emporter dans 4 secteurs sur 8. Une hypothèse que Samia Ghali commente ainsi : “Tout le monde a le droit de dire ce qu’il veut. Moi je peux aussi dire que je suis la reine d’Angleterre.”

Cependant, en cas de triangulaires, ou même de quadrangulaires, dans plusieurs secteurs de la ville, le RN pourrait provoquer un tremblement de terre dont Marseille serait l’épicentre.

Source:© Municipales 2020 : à Marseille, le grand mercato de l’après-Gaudin

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