Celle qui fut l’interprète à succès de Serge Gainsbourg puis de Michel Berger a succombé à un cancer, dimanche 7 janvier, à l’âge de 70 ans.
Elle avait été, au début des années 1960, comme Sylvie Vartan ou Sheila, l’une des chanteuses du courant yé-yé avec son carré blond, son joli sourire à fossettes, une voix un rien enfantine sur des titres restés célèbres comme Ne sois pas si bête, N’écoute pas les idoles, Laisse tomber les filles, Sacré Charlemagne. Et, surtout, Poupée de cire, poupée de son, composée et écrite par Serge Gainsbourg, qui lui vaut de remporter, représentante du Luxembourg, le concours de l’Eurovision en 1965.
Devenue, à partir des années 1970, l’une des interprètes les plus populaires de la variété française grâce aux chansons de Michel Berger, qu’elle épouse en 1976, dont La Déclaration d’amour, Si maman si, Viens je t’emmène, Il jouait du piano debout, Tout pour la musique, Babacar, Ella elle l’a… France Gall est morte, dimanche 7 janvier, à Paris, à l’âge de 70 ans. La nouvelle a été annoncée par sa chargée de communication, Geneviève Salama. Hospitalisée le 19 décembre 2017 à l’Hôpital américain de Neuilly, près de Paris, France Gall luttait « depuis deux ans, avec discrétion et dignité, contre la récidive de son cancer », indique le communiqué.
Née le 9 octobre 1947 à Paris, Isabelle Gall – son prénom France a été choisi par le producteur de sa maison de disques en 1963 – a grandi dans une famille où la musique est importante. Son père, Robert, chante dans des cabarets, écrit pour d’autres – Luis Mariano, Tino Rossi, André Claveau, Edith Piaf, Charles Aznavour (notamment La Mamma)… Sa mère, Cécile, est la fille de Paul Berthier, qui a confondé Les Petits Chanteurs à la Croix de bois. Ses frères aînés, jumeaux, jouent de la guitare. France Gall apprend, enfant, le piano et la guitare, chantonne en écoutant les premiers disques de Johnny Hallyday, des Chats sauvages, des Beatles, découvre le jazz aussi. Son père organise une séance d’enregistrement lors des vacances de Pâques en 1963. Le résultat est suffisamment convainquant pour intéresser la maison de disques Philips.
Le 9 octobre 1963, le jour de ses 16 ans, son premier 45-tours est publié. Quatre titres dont se détache la chanson Ne sois pas si bête, adaptation par Pierre Delanoë de Stand a Little Closer, qui a connu un petit succès aux Etats-Unis quelques mois plus tôt, en août, interprété par le trio The Laurie Sisters. Avec Jacques Datin, Robert Gall cosigne deux autres chansons. Il sera présent sur de nombreux 45-tours de sa fille dans les années 1960. En quelques semaines, France Gall est propulsée au rang de vedette – dans le même temps, La Mamma entre dans le répertoire des classiques d’Aznavour. La jeune fille enchaîne séances de photographies et rencontres avec des journalistes et arrête le lycée avant de passer son bac.
Victoire à l’Eurovision
Avec N’écoute pas les idoles, son deuxième 45-tours, publié en mars 1964, la carrière naissante de la jeune artiste prend une autre dimension. La chanson-titre, écrite par Serge Gainsbourg, signe le début d’une collaboration qui durera jusqu’en 1967. Après Juliette Gréco, et avant Brigitte Bardot et Jane Birkin, France Gall est alors la « chanteuse de Gainsbourg », même si de nombreux autres auteurs vont écrire pour elle – dont Vline Buggy, Alain Goraguer, André Popp. L’hebdomadaire Paris Match consacre un grand article à la chanteuse, l’émission de radio et le magazine pour les jeunes Salut les copains en font une de leurs idoles. À partir d’avril 1964, alors qu’elle a à peine 17 ans, il faut passer à la phase supérieure, la scène. Elle s’en sort bien mais confiera des années plus tard qu’elle n’y trouva alors guère de plaisir.
En août 1964 paraît Laisse tomber les filles, nouvelle composition de Gainsbourg, ambiance pop cha-cha avec cuivres. Puis à la fin de l’année c’est Sacré Charlemagne, écrite par son père et Georges Liferman, destiné à un 45-tours pour les enfants. Une chanson qu’elle n’aime guère mais qui va s’écouler à près de 2 millions d’exemplaires en France et dans les pays francophones. Sélectionnée pour participer à l’Eurovision sous les couleurs du Luxembourg, elle remporte le concours, le 20 mars 1965, en interprétant de sa voix flûtée Poupée de cire, poupée de son, écrite par Gainsbourg – la France, représentée par Guy Mardel avec N’avoue jamais, arrivera troisième. À partir de ce moment, France Gall devient pour quelque temps une vedette internationale, elle enregistre des versions de la chanson de l’Eurovision en italien, en allemand, en japonais.
Suivront d’autres titres de Gainsbourg, Attends ou va-t’en, Baby Pop, avant, en mai 1966, Les Sucettes. Un texte à double sens, à la connotation sexuelle évidente mais que la jeune chanteuse interprète en toute naïveté, suscitant des ricanements à ses dépends. Plus tard, France Gall confiera avoir vécu comme « une humiliation » le fait que Gainsbourg l’ait sciemment placée dans cette situation. Leur collaboration s’arrêtera peu après. En 1967, Bébé requin, chanson de Joe Dassin, Jean-Michel Rivat et Frank Thomas, façon jazz-pop, la ramène vers le registre « pour enfants » de l’époque Sacré Charlemagne.
À la fin des années 1960, la chanteuse connaît une période de déclin. Elle a vécu, de 1964 à 1967, une difficile relation amoureuse avec Claude François. Elle enregistre plusieurs chansons en allemand. Au début des années 1970, elle continue d’interpréter des romances et des fantaisies (L’Hiver est mort, Le Soleil au cœur, Les Elephants, Homme tout petit…). Jean-Michel Rivat, Frank Thomas, Jean-Pierre Bourtayre, Etienne Roda-Gil lui signent des chansons. Mais sans que le public ne lui fasse la même fête qu’à ses débuts. Frankenstein, en 1972, qui voit le retour éphémère de la collaboration Gainsbourg-Gall, n’y changera rien. Elle vit durant cette période avec Julien Clerc (il lui a écrit Chasse-neige en 1971). Discrètement, entre Paris et une maison à la campagne.
Michel Berger, son étoile
Au printemps 1973, comme elle aura régulièrement l’occasion de le dire, elle entend une chanson de Michel Berger, Attends-moi, qui va constituer un déclic. Elle sent que ce jeune auteur-compositeur et chanteur est celui qui va correspondre à ce qu’elle cherche, une plus grande profondeur. Berger écrit et compose depuis les débuts des années 1960, il a enregistré quelques 45-tours sous son nom. Son premier album, dont est extraite cette chanson, vient de paraître. Elle entre en contact avec lui. Il est d’abord hésitant. Il vient de travailler avec Véronique Sanson, avec qui il a une relation amoureuse, et Françoise Hardy. L’attirance entre France Gall et Michel Berger semble alors irrésistible. Il la concrétise en lui écrivant La Déclaration d’amour. La mélodie est imparable, le texte simple et le succès au rendez-vous, en mai 1974, de ce titre où chacun peut retrouver des moments rêvés ou vécus.
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Cette Déclaration inaugure une longue suite de tubes pour le couple, qui se marie le 22 juin 1976. La voix de France Gall est tout à son aise, fluide, déliée sur des airs accrocheurs. Elle qui avait peu à peu abandonné la scène y reprend goût. Elle s’y montrera dorénavant assurée, joueuse, naturelle. Les mots et les mélodies de Michel Berger chantés par France Gall font mouche à chaque fois : Mais aime-la, Comment lui dire, Je l’aimais, Ça balance pas mal à Paris, Musique, Si maman si, Il jouait du piano debout, qui, en 1980, suit le succès scénique en 1979 de la comédie musicale Starmania écrite par Berger et Luc Plamondon, avec Daniel Balavoine, France Gall, Diane Dufresne et Fabienne Thibeault, Tout pour la musique, Résiste, Débranche, Babacar, Ella elle l’a…
Au-delà, ce couple jeune et amoureux, souvent invité sur les plateaux de télévision, séduit un vaste public. Leur engagement humanitaire contribue aussi à la sympathie qu’ils suscitent. En 1985, Michel Berger et France Gall sont en effet, avec les chanteurs Daniel Balavoine, Lionel Rotcage et l’acteur Richard Berry, à l’origine d’Actions écoles, une structure qui lève des fonds pour aider des projets de développement agricole dans divers pays d’Afrique. L’association met fin à ses activités après la mort de Balavoine, le 14 janvier 1986, lors de la course automobile du Paris-Dakar.
Début 1988, France Gall souhaite faire une pause. Après une longue tournée, consécration du succès de l’album Babacar (avec la chanson Evidemment, dédiée à Daniel Balavoine), elle est restée presque sept semaines au Zénith de Paris, fin 1987. Elle aspire alors à une vie tranquille, familiale, avec ses enfants, Pauline et Raphaël, envisage d’ouvrir une galerie de peintures, de se consacrer à l’édition musicale.
Peu à peu l’envie de chanter la reprend. Ce sera un disque de dix chansons en duo avec Michel Berger, forme qu’ils se sont refusée jusqu’alors en dehors d’émissions de télévision ou pour Ça balance à Paris. Plutôt sur fond rock, Double jeu, qu’ils ont coproduit, sort en juin 1992. Des concerts, une tournée peut-être sont prévus. Le couple part en vacances dans sa propriété à Ramatuelle. À l’issue d’une partie de tennis, le 2 août 1992, Michel Berger meurt, victime d’une crise cardiaque. Après plusieurs mois de deuil, France Gall annonce qu’elle présentera sur scène les nouvelles chansons et les succès dont elle et son mari ont été les interprètes. C’est un triomphe, en 1993.
« Elle ne voulait plus chanter »
La chanteuse fait encore quelques apparitions sur scène (dont la Salle Pleyel en 1994), participe à des disques de la troupe des Enfoirés pour Les Restos du cœur. En 1996, elle part vivre à Los Angeles, où elle enregistre ce qui sera son dernier album, France, un recueil de reprises de chansons de Michel Berger. La mort de Pauline, en décembre 1997, à l’âge de 19 ans, qui depuis plusieurs années lutte contre la mucoviscidose, lui fait prendre ses distances avec son métier. Ses apparitions en public seront rares. Elle vit une partie de l’année sur l’île de Ngor, face à la ville de Dakar (Sénégal), découverte en 1990. Dans un entretien accordé à Paris Match, en décembre 2014, elle expliquait qu’elle y avait ouvert un restaurant avec « une quinzaine de personnes pour travailler. Ce qui signifie que des centaines de personnes vont vivre au village grâce à ça. C’est presque aussi fort pour moi que de faire un spectacle. »
Elle reviendra à Michel Berger fin 2015 avec l’écriture d’un spectacle musical, Résiste, auquel elle ne participe pas sur scène mais dont elle suit de près l’élaboration, présentée au Dôme de Paris (ex-Palais des sports) puis au cours d’une longue tournée jusqu’à décembre 2016. « Elle avait une énergie dingue. Elle a été incroyablement présente sur ce projet, a témoigné sur France Info le metteur en scène de Résiste, Ladislas Chollat. Elle ne voulait plus chanter elle-même mais elle expliquait aux jeunes artistes comment chanter ses chansons (…) c’était une sorte de maman énergique. »
Les hommages se sont multipliés dimanche 7 janvier. « Si Johnny Hallyday fut pour bien des Français cette figure de grand frère protecteur, France Gall fut assurément leur éternelle petite sœur, dont la fragilité radieuse a accompagné des générations », a ainsi déclaré le président de la République, Emmanuel Macron dans un communiqué. La ministre de la culture, Françoise Nyssen, a salué « une icône de la chanson française » qui « a affronté les combats personnels en donnant tout pour la musique ». Julien Clerc a réagi sur Twitter en interpellant celle qui fut pendant cinq ans sa compagne : « France, nous avions 20 ans, des bonheurs, des chagrins. Une part de ma vie s’en va avec toi. »
CLEFS
9 octobre 1947 Naissance à Paris
9 octobre 1963 Premier 45-tours avec la chanson « Ne sois pas si bête »
Mars 1964 Débuts de la collaboration avec Serge Gainsbourg qui lui écrit « N’écoute pas les idoles »
20 mars 1965 Elle remporte, représentante du Luxembourg, le Concours de l’Eurovision avec « Poupée de cire, poupée de son »
Fin des années 1960-début des années 1970 Déclin de sa carrière
Mai 1974 Retour au succès avec « La Déclaration d’amour », écrite par Michel Berger, début d’une longue suite de tubes
22 juin 1976 Mariage de France Gall et Michel Berger
1988 Après le succès de l’album Babacar, publié en avril 1987, et une longue tournée, elle décide de faire une pause
Juin 1992 Parution de « Double jeu », album de duos avec Michel Berger. Le chanteur meurt le 2 août, d’une attaque cardiaque
1996 Dernier album, « France », recueil de chansons de Michel Berger
2015-2016 Succès du spectacle « Résiste »,
7 janvier 2018 Mort, à Paris, à l’âge de 70 ans
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Source: © Mort de France Gall, l’une des interprètes les plus populaires de la variété française