PORTRAIT – La candidate du Printemps Marseillais, écologiste convaincue et médecin de la Sécurité sociale, inconnue il y a encore quelques mois, a été élue maire de la deuxième ville de France. Elle étonne par son parcours atypique.
Dimanche 28 juin, Michèle Rubirola est arrivée largement en tête à Marseille, devant sa concurrente LR, Martine Vassal. Moins d’une semaine plus tard, samedi 4 juillet, la candidate du Printemps Marseillais a été élue maire de la ville par le Conseil municipal (51 voix contre 41 pour son adversaire, Guy Teissier). Une victoire permise par le ralliement de Samia Ghali au deuxième tour après plusieurs heures de négociations, et deux interruptions de séance.
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Durant toute cette campagne, depuis son arrivée à la tête du Printemps Marseillais en janvier, et même avant, lorsqu’elle avait décliné la proposition qui lui avait été faite de prendre la tête du mouvement, cette médecin de 63 ans n’a pas cessé de négocier.
«Michèle? C’est une bonne sœur verte, mais c’est loin d’être une oie blanche!» Alain Lipietz rigole de sa bonne blague. L’ancien député européen, figure historique des Verts, est un vieux copain de Michèle Rubirola. Il parle volontiers de cette «combattante de toujours», engagée avec lui sur le Larzac dans les années 1970 ainsi qu’à l’OCT, l’organisation communiste des travailleurs, mouvement d’extrême gauche composé de trotskistes en rupture de trotskisme et de maoïstes en rupture de maoïsme…
Michèle Rubirola, née en 1956, fut l’un des plus jeunes médecins de France à s’installer à la fin des années 1970. Elle sera de toutes les luttes, féministes, en faveur de l’avortement, antinucléaire… Elle ne rejoindra les Verts qu’au début des années 2000, après les années de gouvernance d’Antoine Waechter, trop peu engagées à son goût. Mais pour Lipietz, «elle a toujours incarné l’écologie populaire de terrain, généreuse et solidaire».
Noël Mamère est sur des charbons ardents
Ses amis ne tarissent pas d’éloges. Ils semblent l’aimer sincèrement. Mais surtout, pour les écologistes, le moment est absolument historique. «C’est une fille super! Compétente, de conviction, humaine, et surtout, qui ne pratique pas la langue de bois, s’enthousiasme ainsi la députée européenne Michèle Rivasi, amie depuis quinze ans. (…) Elle changera beaucoup de choses, vous allez voir. Elle va bosser, écologiser humainement Marseille.»
Son camarade Noël Mamère est lui aussi sur des charbons ardents. L’ex-candidat à la présidentielle en 2002 a suivi avec passion ces municipales, particulièrement à Marseille, Bordeaux ou Lyon, ces grandes villes qui ont basculé. Il vient de publier L’Écologie pour sauver nos vies (Les Petits Matins). «Malgré la situation impressionnante dans laquelle elle se trouve, Michèle Rubirola garde la tête sur les épaules. C’est une personnalité fédératrice et douée d’humilité, ce qui est rare en politique.» Mamère voit un secret de cette réussite surprise dans le côté «profondément marseillais» de la candidate «très attachée à sa ville et à son histoire.»À lire aussi : «Municipales: derrière la vague verte…»
Dans son QG de la rue Friedland, dans le 6e, Michèle Rubirola, élevée par sa grand-mère napolitaine dans le quartier du Rouet, raconte ses premiers souvenirs de la ville, vers ses 4-5 ans, «avec les jeux et les danses le soir dans les rues, quand les vieux sortaient leurs chaises». Comme la décrivent ses amis, elle semble sereine, peu soucieuse de son image et comme un peu tombée des nues mais loin d’être naïve. Elle a déroulé un programme ancré au croisement de la gauche et de l’écologie et regretté de ne pas pouvoir en débattre avec la droite, «qui joue sur la peur des gens en brandissant un “péril rouge” parce qu’ils n’ont rien d’autre à leur proposer».
En rupture avec EELV
Il y a moins d’un an, le Printemps Marseillais ne portait pas encore de nom mais brandissait une conviction: cette ville ne pourrait basculer que dans une grande alliance. Le réveil a eu lieu en novembre 2018, lors de l’effondrement des immeubles vétustes de la rue d’Aubagne ayant fait 8 morts. La situation des écoles aussi, a joué un rôle essentiel. Associatifs, politiques et syndicalistes se sont mis à travailler ensemble. Rien n’a été simple, surtout pas l’alliance entre politiques. L’Insoumise Sophie Camard, suppléante de Jean-Luc Mélenchon mais très libre vis-à-vis de lui, voulait être la candidate ; le socialiste Benoît Payan aussi, acteur avec d’autres du rejet des années de corruption de la gauche.
Au final, malgré une opération aux genoux qui lui vaudra une «douloureuse» attaque de ses adversaires sur ses congés, Michèle Rubirola, médecin-conseil à la Sécurité sociale, acceptera en janvier de prendre les rênes. Elle le jure: «Je n’avais aucune ambition d’être maire de Marseille, je voulais être adjointe pour transformer concrètement la vie des gens.»
«Notre candidate n’est pas à la conquête du pouvoir, elle est déterminée à changer la ville avec un objet politique non identifié qui va des électeurs de Macron à ceux de Mélenchon», assurait Benoît Payan, passionné par le travail à accomplir à Marseille. De son côté, Sophie Clamard indiquait: «Nous sentons quelque chose d’inédit se lever sur le terrain et le tempérament de Michèle Rubirola nous porte. Il est si différent de celui de ses adversaires».
Avant l’élection, Michèle Rivasi s’enthousiasmait: «Vous vous rendez compte? Ce serait une telle révolution si une femme écologiste emportait cette ville!» C’est désormais chose faite.
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Source: ©Michèle Rubirola, celle qui rend Marseille à la gauche