
Lors d’un entretien depuis le porte-avions Charles-de-Gaulle, le président de la République a expliqué avec pédagogie et fermeté les transformations auxquelles il s’attache depuis son arrivée à l’Élysée.
Tenir ou céder? Comme l’ensemble de ses prédécesseurs avant lui, Emmanuel Macron arrive à l’heure du choix. Ce moment où la contestation de la politique du président de la République se cristallise sur un sujet précis et prend une ampleur telle que le recul devient inévitable. C’est ainsi que François Hollande avait cédé aux «bonnets rouges», que Nicolas Sarkozy avait renoncé à sa réforme du Baccalauréat et de l’Éducation nationale ou que Jacques Chirac avait abandonné sa réforme de la sécurité sociale. «Quand je regarde beaucoup de mes prédécesseurs sur les dernières décennies, quand les choses ont commencé à devenir difficiles, on a commencé à changer de cap. On a fait des virages, des tournants…», a-t-il observé mercredi soir sur TF1. Lui s’y refuse, notamment face aux revendications des «gilets jaunes» contre l’augmentation des taxes sur les carburants.
L’irruption soudaine de cette colère a surpris l’exécutif. «C’est un phénomène viral de contestation comme nous avions pu en connaître durant la campagne présidentielle mais la nouveauté, avec les gilets jaunes, c’est que le mouvement s’accompagne d’un appel à manifester et à bloquer», reconnaît un proche du chef de l’État.
«Il y a beaucoup de gens qui sont dans l’addition des colères, ça ne fait pas un projet pour le pays […] On est en train de vous mentir et de vous manipuler»
Avec les «gilets jaunes», c’est la détermination du chef de l’État qui se trouve mise à l’épreuve, lui qui a fait de la rupture avec ses prédécesseurs l’une de ses marques de fabrique. «Ce pays crève de ne pas avoir été réformé! Ce pays crève de politiques en godille, tranquilles, où des formations politiques vous disent pendant la campagne présidentielle qu’il faut une taxe carbone. Et puis quand cela devient difficile, ils disent l’inverse», s’est agacé Édouard Philippe, mercredi matin sur RTL, tout en annonçant des mesures pour tenter de calmer la grogne. Interrogé sur le Charles de Gaulle, Emmanuel Macron est lui aussi monté au front. «J’entends la colère, a assuré le chef de l’État. C’est un droit fondamental dans notre société de pouvoir l’exprimer. Mais moi je veux comprendre. Il y a beaucoup de partis politiques qui veulent récupérer ce mouvement […] Certains sont en train de s’opposer à ce qu’ils avaient eux-mêmes voté. Bonjour tristesse et salut la cohérence! […] Il y a beaucoup de gens qui sont dans l’addition des colères, ça ne fait pas un projet pour le pays […] On est en train de vous mentir et de vous manipuler».
Après avoir vaincu les oppositions syndicales à ses réformes de début de mandat, le président de la République veut éviter que la crise du carburant n’entrave la suite du quinquennat. «Les gilets jaunes captent l’irritation du pays. On a cette espèce de tension qui s’est installée entre les réformes structurelles et le quotidien des Français. Il est possible que l’on ait porté une attention trop vive aux premières et pas assez au second», reconnaît-on dans l’entourage d’Emmanuel Macron.
Pour sauver les réformes et leur rythme, il s’agit donc désormais de mettre l’accent sur les questions de vie quotidienne des Français sur lesquelles le chef de l’État entend désormais porter une «attention accrue». C’est dans cette logique que le premier ministre a annoncé des mesures d’aide face aux hausses du prix des carburants. La semaine dernière, c’est déjà dans cette logique que le gouvernement avait annoncé un plan de lutte contre la violence dans les écoles. Pour le reste, pas question de lâcher.
Reculade interdite
Emmanuel Macron le sait, son quinquennat s’arrête s’il consent la moindre reculade sur ses engagements de campagne. «Est-ce que je veux changer la ligne? Non!, a-t-il d’ailleurs tranché. Je considère que le constat que j’ai fait au moment de mon élection est le bon. Il faut donc accepter l’idée que nous avons pris des décisions qui n’avaient pas été prises depuis des décennies […] Je ne veux pas changer la ligne, nous sommes dans un moment de transition». Un de ses proches l’assure: «Les réformes ne sont pas entravées. Ce que nous allons faire sur les retraites, le chômage et l’apprentissage… rien ne fait l’objet d’une contestation». Lequel guette avec impatience les résultats de sa politique. Ils tardent à venir. À tel point qu’Emmanuel Macron se dit même prêt à intensifier encore le rythme. «Le président veut que les réformes portent leurs fruits le plus rapidement possible. C’est sa priorité actuelle La machine doit accélérer. Il veut des effets concrets». Quitte à subir encore la colère des Français. Seule concession à leur égard, Emmanuel Macron a reconnu qu’il n’avait pas réussi à «réconcilier les Français avec leurs dirigeants».
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Grand reporter au service politique du Figaro
Source :© Macron dénonce «l’addition des colères» et affiche sa détermination à tenir le cap