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INTERVIEW – Éditeur et directeur de E Realizações, une maison d’édition de São Paulo, Edson Filho a lancé en 2010 un programme de traduction intégrale des œuvres de l’écrivain français exilé sept ans au Brésil. Un événement salué par tous.

L’ambitieux programme d’édition au Brésil de la totalité de l’œuvre de Georges Bernanos par les éditions E Realizações marque un retour de l’écrivain dans le pays où il a vécu entre 1938 et 1945. Comment l’expliquez-vous?

– Crédits photo : presse

Edson FILHO – Nous avons lancé notre collection «Georges Bernanos» en 2010. A l’époque, il existait dans certains milieux une sorte de mépris pour cet auteur strictement associé à la littérature catholique. Pour le sortir de cet enfermement et lui trouver un nouveau lectorat, j’ai voulu rappeler les deux chefs-d’œuvre cinématographiques qu’avait inspirés son œuvre en publiantLe Journal d’un curé de campagne et La Nouvelle Histoire de Mouchetteavec une couverture illustrée par des images des films de Robert Bresson. Les premiers surpris au Brésil ont été les admirateurs du cinéaste. Et nous avons réussi à intéresser la presse, à faire parler de Bernanos dans les journaux. Au même moment, nous avons publié Sous le soleil de Satan , porté à l’écran par Maurice Pialat.

S’agit-il d’éditions ou de rééditions?

Sous le soleil de Satan a été repris dans la traduction déjà ancienne du grand poète moderniste brésilien Jorge de Lima, qui était un ami de Georges Bernanos. La traduction du Journal d’un curé de campagneest celle d’Edgar de Godoi da Mata-Machado, lui aussi lié à l’écrivain durant ses sept années d’exil au Brésil. Mais tout le reste de son œuvre est en train d’être traduit.

» LIRE AUSSI – Chemins d’exil: Georges Bernanos, sous le soleil de Barbacena

A l’époque où l’écrivain vivait ici, ses admirateurs le lisaient en français, notamment grâce à son éditeur Charles Ofaire, le premier à avoir publié Monsieur Ouineà Rio de Janeiro, en 1943, chez Atlântica Editora. Mais les jeunes lecteurs qui le découvrent aujourd’hui dans notre pays le lisent en portugais. Nous avons commencé par La Nouvelle Histoire de Mouchetteet continué avec Dialogues des Carmélites, un événement important au Brésil. En 2013, nous avons publié ensuite Jeanne relapse et sainteet Un mauvais rêve. Toujours avec le même succès.

«À la fois ancienne et moderne, de droite et de gauche, traditionnelle et révolutionnaire, catholique et ­critique, sa forte voix manquait au Brésil. Surtout dans les moments difficiles que notre pays traverse actuellement»Edson Filho

Après les romans, vous avez donc décidé de passer aux écrits de combat?

Oui, nous avons publié Les Grands Cimetières sous la luneen 2015 et La France contre les robotsen 2018. Ces livres se sont très bien vendus au public familier de notre maison d’édition, qui publie beaucoup de philosophie et de sciences humaines, notamment les œuvres de Louis Lavelle, de Michel Henry et de René Girard. Avec ces ouvrages, Bernanos trouve sans doute d’autres lecteurs que ceux de ses romans, dont le plus populaire au Brésil est aujourd’hui Le Journal d’un curé de campagneque des enseignants sont heureux de pouvoir faire lire à leurs élèves, au lycée et à l’université. A la fois ancienne et moderne, de droite et de gauche, traditionnelle et révolutionnaire, catholique et critique, sa forte voix manquait au Brésil. Surtout dans les moments difficiles que notre pays traverse actuellement. Elle fait le lien avec beaucoup de choses, ici.

Les Brésiliens savent-ils qu’il a laissé des pages merveilleuses sur leur pays?

Non, mais ils vont le découvrir avec la publication de Lettres aux Anglaiset Les Enfants humiliés. Car notre ambition est d’éditer la totalité de son œuvre au Brésil, y compris La Grande Peur des bien-pensants. Les traductions de La Joieet de L’Imposture sont prêtes, comme celle de La liberté, pour quoi faire? Quand les Brésiliens liront Lettres aux Anglais et entendront Bernanos leur dire: «Votre peuple grandit comme un arbre, ou se compose comme un poème, par une sorte de nécessité intérieure, auquel le monde moderne ne comprend absolument rien parce que, précisément, il n’a pas de nécessité intérieure», ils seront forcément émus de découvrir qu’un des génies de la littérature universelle, un écrivain qui a sa place parmi les plus grands, a trouvé des mots si justes pour évoquer leur pays qu’il a connu dans ses profondeurs à un moment où l’Europe occupée pouvait ressembler à un enfer et le Brésil à une sorte de paradis perdu. Il leur reste également à découvrir Monsieur Ouine, son dernier roman, achevé à Pirapora, sur les bords du rio São Francisco, en mai 1940. Il faut se souvenir que l’histoire de Georges Bernanos et celle de son œuvre sont intimement liées à celle du Brésil.»


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Sébastien Lapaque

Journaliste

Source : ©«L’histoire de Bernanos et son oeuvre sont intimement liées au Brésil»

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