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Le président Recep Tayyip Erdogan (ici le 21 novembre à Ankara), qui cherche à retrouver les faveurs des pays européens, a affirmé que la Turquie devait désormais «réduire le nombre de ses ennemis et accroître celui de ses amis». – Crédits photo : Burhan Ozbilici/AP

Alliée cruciale dans l’Otan, la Turquie reste un partenaire stratégique irremplaçable, avec lequel la rupture n’aurait que des inconvénients.

Correspondant à Bruxelles

Recep Tayyip Erdogan s’est beaucoup montré en Russie, en Afrique et dans le Golfe ces derniers mois, mais sa silhouette était devenue bien plus rare en Europe depuis la répression sans relâche lancée au lendemain du putsch de l’été 2016. L’absence est en passe d’être réparée: après Athènes et Varsovie, deux capitales qui ne portent pas toujours la Turquie dans leur cœur, c’est aujourd’hui à Paris d’accueillir l’homme fort d’Ankara.

Pour cet homme qui porte la morgue à fleur de peau, la distinction suprême reste hors de portée. Angela Merkel, la chancelière qui voulait définitivement barrer l’entrée de la Turquie à l’UE, reste à peu près indifférente à l’offensive de charme venue d’Ankara. Il fait pourtant peu de doute que c’est bien à l’Allemagne que pense le président Erdogan lorsqu’il affirme que son pays doit désormais «réduire le nombre de ses ennemis et accroître celui de ses amis».

«La procédure d’adhésion est de facto gelée»

À quand remonte le retour du balancier? Côté turc, le besoin d’Europe se fait incontestablement sentir après les déconvenues diplomatiques du président dans la région, et au-delà. Dernier épisode en date, la reconnaissance de Jérusalem comme capitale de l’État hébreu le braque à la fois contre Donald Trump et Israël. Depuis, il s’est chaleureusement félicité de retrouver Paris et Berlin «sur la même ligne» qu’Ankara.

Après 18 mois de glaciation dus à la dérive autoritaire du régime et au recul des droits de l’homme, les Européens ont pris le même tournant vers la realpolitik. Alliée cruciale dans l’Otan, la Turquie reste le partenaire stratégique irremplaçable, celui avec lequel la rupture n’aurait que des inconvénients: de la crise migratoire au retour des combattants européens de Daech, des convulsions du Moyen-Orient au triangle des forces avec la Russie… Qui voudrait vraiment couper les ponts?

Dans l’UE, l’épreuve de vérité est venue à la fin de l’automne après qu’Angela Merkel et son concurrent social-démocrate Martin Schulz eurent, en pleine campagne, agité l’idée d’enterrer une bonne fois pour toutes la candidature de la Turquie à l’UE. L’élection allemande passée, un sommet européen a dénombré les voix et les partisans d’une rupture consommée se sont comptés sur les doigts de la main. «La procédure d’adhésion est de facto gelée et on ne gagnerait rien à sortir de l’ambiguïté», dit-on du côté français. Les déçus, eux, dénoncent une hypocrisie qui vient nourrir l’extrême droite européenne.

Ceux qui s’inquiètent encore de l’entrisme turc « jouent à se faire peur », note un responsable européen  ; ceux qui croient la relance possible « se bercent d’illusions »

À Bruxelles, trois sensibilités persistent à s’exprimer. Les «libéraux» qui, tels le Royaume-Uni, les Nordiques et les Baltes, voyaient d’un bon œil l’entrée de la Turquie dans le marché commun et ne veulent rien compromettre en espérant des jours meilleurs. Ceux qui, à l’Est surtout, font preuve de compréhension parce qu’ils ont eux-mêmes bénéficié de l’ouverture économique et redoutent, pour certains, une Europe trop politique (Pologne et Hongrie). Ceux, enfin, qui ont dit non à un moment ou à un autre, comme l’Allemagne, l’Autriche, les Pays-Bas et bien sûr la France.

La Turquie est candidate depuis 1999. Les négociations découpées en 35 chapitres (ou «paquets» de législation) se traînent depuis le début en 2005, en raison d’un gel obtenu par Jacques Chirac et renforcé par Nicolas Sarkozy. En une décennie, 16 chapitres ont été ouverts, un seul a été bouclé. Tout s’est retrouvé bloqué à l’automne 2016, face à l’autoritarisme croissant du président Erdogan. Ceux qui s’inquiètent encore de l’entrisme turc «jouent à se faire peur», note un responsable ; ceux qui croient la relance possible «se bercent d’illusions». La Turquie n’est pas plus soucieuse de respecter ses engagements que l’Europe n’est pressée de les voir tenus.

Le levier politique immédiat reste l’argent. La Turquie juge que les Vingt-Huit ne déboursent pas assez vite les 6 milliards d’euros promis en 2015 et 2016 pour retenir et héberger chez elle quelque 3,5 millions de réfugiés et migrants. L’UE vient d’adresser un signal contraire en décidant de couper dès cette année jusqu’à 175 des 700 millions d’euros alloués à la Turquie comme fonds de «préadhésion», une enveloppe qui n’a visiblement plus lieu d’être…

Source:© L’Europe maintient l’ambiguïté sur une adhésion turque

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