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Mercredi, à Rafah, un artiste peint un portrait de Donald Trump barré d’une croix rouge pour protester contre le président américain. – Crédits photo : SAID KHATIB/AFP

VIDÉO – La menace de Donald Trump de supprimer l’aide financière américaine de 300 millions de dollars si les Palestiniens refusent de négocier avec Israël provoque la colère dans les camps de réfugiés de Cisjordanie et de Gaza.

Correspondant à Jérusalem

Les réfugiés du camp de Chouaffat en sont restés sans voix. Près d’un mois après avoir reconnu la souveraineté israélienne sur Jérusalem, Donald Trump a annoncé mercredi vouloir couper les vivres aux Palestiniens«s’ils refusent de négocier le traité de paix qui se fait attendre depuis trop longtemps avec Israël». L’ambassadrice auprès des Nations unies, Nikki Haley, a précisé sa pensée en menaçant de suspendre le financement américain de l’Agence des Nations unies en charge des réfugiés palestiniens (Unrwa) «aussi longtemps que (leurs dirigeants) ne seront pas revenus à la table des négociations». Avec une enveloppe annuelle de 369 millions de dollars, les États-Unis sont de loin le premier contributeur au budget de cette organisation qui assiste 5,2 millions de Palestiniens ayant le statut de réfugiés à Jérusalem-Est, en Cisjordanie, à Gaza – ainsi qu’au Liban, en Jordanie et en Syrie.

[perfectpullquote align=”left” bordertop=”false” cite=”Ali Mohammed Ali du camp de Chouaffat” link=”” color=”#993300″ class=”” size=””] «La situation est difficilement supportable en l’état. Alors, on a dû mal à imaginer ce qui se passera si ce fou de Trump met sa menace à exécution»[/perfectpullquote]

Le camp de Chouaffat, comme l’avouent ses habitants avec un sourire amer, est «plutôt bien doté», en comparaison avec les dix-huit autres sites administrés par l’Unrwa en Cisjordanie. Séparés du centre de Jérusalem par un mur de béton, les réfugiés y bénéficient toutefois de la sécurité sociale. Ils peuvent accéder au marché du travail israélien. Mais une brève incursion dans l’enclave surpeuplée suffit à mesurer les limites de ce privilège. Créé en 1965 pour accueillir 500 réfugiés, le camp abrite plus 24.000 habitants, qui s’entassent sur 0,2 km2. Les immeubles s’y agglutinent dans une anarchie telle que les agents de l’Unrwa redoutent une hécatombe le jour où un séisme frappera. La chaussée des routes y est défoncée, les égouts y débordent aux premières pluies et la collecte des ordures y est si erratique que des tas d’immondices s’entassent au pied du rempart de béton qui enserre les lieux.

«La situation est difficilement supportable en l’état, grimace Ali Mohammed Ali, 40 ans, issu d’une famille qui a fui le village de Beit Thoul en 1948. Alors, on a dû mal à imaginer ce qui se passera si ce fou de Trump met sa menace à exécution.» Quelque 1500 enfants du camp sont scolarisés dans les trois écoles administrées par l’Unrwa, qui y gère aussi un centre de soins primaires. Shaer al-Qam, membre du comité qui administre le camp, enfonce le clou: «Quel que soit notre attachement à cette ville, dit-il, la décision de Trump sur le statut de Jérusalem n’a rien changé à notre quotidien. Mais s’il applique sa menace de réduire les sommes consacrées aux réfugiés, alors les gens vont vraiment souffrir…»

La colère de Mahmoud Abbas

La menace américaine intervient alors que le dialogue avec les Palestiniens est officiellement rompu. Mahmoud Abbas estime que les États-Unis se sont disqualifiés dans leur rôle de médiateur en appuyant, le 6 décembre, les revendications de l’État hébreu sur Jérusalem. Les négociateurs palestiniens boycottent leurs homologues américains chargés de préparer l’«accord ultime» promis par le président Trump.

À la veille de Noël, Mahmoud Abbas a refusé de recevoir le vice-président Mike Pence lors d’un déplacement que celui-ci prévoyait d’effectuer au Proche-Orient. La visite, reportée, aurait été reprogrammée fin janvier, mais le chef de l’Autorité palestinienne «n’a pas changé d’avis», prévient Majdi Khaldi, son conseiller diplomatique.

[perfectpullquote align=”right” bordertop=”false” cite=”Majdi Khaldi, conseiller diplomatique de Mahmoud Abbas” link=”” color=”#993300″ class=”” size=””] «Les Américains disent vouloir nous ramener à la table des négociations, mais ce sont eux qui l’ont quittée en violant les règles du jeu»

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Les deux tweets publiés par Donald Trump dans la nuit de mardi à mercredi ont encore jeté de l’huile sur le feu. «Nous avons certes retiré de la table Jérusalem, qui est le sujet le plus épineux des négociations, mais Israël allait devoir payer davantage en contrepartie», a lancé, énigmatique, le président américain, avant de questionner: «Maintenant que les Palestiniens ne veulent plus parler de paix, pourquoi devrions-nous maintenir les énormes paiements que nous leur donnons?» Outre les sommes destinées à l’Unrwa, l’Amérique a donné l’an dernier 319 millions de dollars d’aide au développement et 36 millions aux services de sécurité palestiniens. «Jérusalem n’est pas à vendre, que ce soit pour de l’or ou des milliards», dit Nabil Abou Roudeina, le porte-parole du président Abbas.

«Les Américains disent vouloir nous ramener à la table des négociations, mais ce sont eux qui l’ont quittée en violant les règles du jeu», complète Majdi Khaldi, qui dénonce des menaces «dangereuses». «Le sort des réfugiés est une question à la fois sensible et complexe, dit-il, qui risque de retentir non seulement sur la situation en Cisjordanie et à Gaza, mais aussi dans les pays où ils sont hébergés.»

Les Israéliens, s’ils accusent régulièrement l’Unrwa d’entretenir en vain les revendications des réfugiés, partagent en partie ce point de vue. «Le fait de couper les vivres à cette organisation va porter atteinte aux membres les plus vulnérables de la société palestinienne. Mais pour quel résultat?» interroge le lieutenant-colonel de réserve Peter Lerner, ancien porte-parole de l’armée. Les camps de réfugiés de Cisjordanie et de Gaza, rappelle-t-il, ont longtemps abrité les éléments les plus radicaux des groupes armés palestiniens. «La décision américaine, estime-t-il, ne contribuera ni à la stabilité ni à la sécurité de la région.» «Quand les gens ont faim, ils seraient prêts à combattre le diable même», abonde Shaer al-Qam, avant de nuancer: «Pour qu’ils se soulèvent face à l’injustice, il faudrait qu’une direction politique les encourage à le faire. Or la plupart de ceux qui en étaient capables dorment dans les prisons israéliennes.»

Cyrille Louis

Journaliste

Source: Les Palestiniens redoutent la fin de l’aide américaine

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