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Dans le château de Villers-Cotterêts. – Crédits photo : CRT Picardie /Anne Sophie Flament

Le président de la République veut rendre au château de François Ier son rôle de centre de la francophonie. Un projet onéreux.

En septembre dernier, depuis le château de Monte-Cristo, dans les Yvelines, Emmanuel Macron a promis de dédier le château de Villers-Cotterêts (Aisne), construit pour François Ier, « à la culture francophone». N’est-ce pas là, en 1539, que le pouvoir a imposé l’usage du français dans les actes officiels? Depuis, les conseillers de l’Élysée, de Matignon, du ministère de la Culture, le centre des monuments nationaux et Bercy s’arrachent les cheveux pour transformer le désir du prince en un projet en or et, surtout, viable.

Villers-Cotterêts est aussi immense (23.000 m2, tous classés) que la tâche de ces conseillers. Comment parvenir à lui redonner vie sans vider les caisses de l’État et sans obérer d’autres restaurations? Dans les scénarios les plus grandioses – rénovation de l’ensemble, ouverture d’un musée et d’un centre de conférences -, on parle de 200 millions d’euros de travaux. La somme, si elle était dépensée pour Villers-Cotterêts, empêcherait tout bonnement la rénovation du Grand Palais, prévue à partir de 2020.

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Il faudra bien, pourtant, faire quelque chose pour le dernier domaine royal et princier français sans affectation. Lorsque l’on descend du train en gare de Villers-Cotterêts, des panneaux indiquent la présence d’un château de François Ier. C’est pourtant une «Maison de retraite départementale» qui s’annonce sur son fronton, côté rue. Entre 1809 et 2014, les élégants bâtiments XVIe, ainsi que les ajouts XIXe, ont servi de dépôt de mendicité, puis de maison de retraite exploitée par la ville de Paris.

État de désolation

Une fois la porte poussée, la désolation est totale. Comment a-t-on pu laisser un logis royal se dégrader à ce point? Murs léprosés, fenêtres opacifiées, toitures recouvertes de bâches… L’ancien relais de chasse des rois imaginé par les Le Breton (fratrie également à l’œuvre pour Fontainebleau) fait pâle figure. Pour des raisons de sécurité, il n’est même plus possible de pénétrer dans le corps central, chacun devant respecter une distance de cinq mètres.

À l’intérieur, des décors, escaliers et caissons, de la même eau que ceux de Chambord mais les surpassant, attendent leur heure. Une chapelle exubérante, mélangeant symboles chrétiens, salamandres et fleurs de lys, œuvre d’art, est fermée au public. « Le tout est entouré de la forêt de Retz, ancien grand terrain de chasse qui attira François Ier ici», rappelle Nathalie, guide à l’office de tourisme de Retz-en-Valois.

«À partir du moment où NapoléonIer a décidé de faire du château un dépôt de mendicité, nous avons perdu notre passé»

Un habitant de Villers-Cotterêts

À son orée, du temps de Monsieur, se déployait un jardin de plaisance attribué à Le Nôtre. Mais qui s’en souvient? Aujourd’hui, Villers-Cotterêts est « un scandale», résume Jacques Krabal, député LREM de l’Aisne. En mars 2017, pendant la campagne présidentielle, l’ardent défenseur de Villers-Cotterêts a tout de même réussi un coup de maître. Alors que le candidat Macron s’apprêtait à tenir un meeting à Reims, largement dédié à la culture et à la langue française, il lui a fait faire un détour par la ville, en pleine Semaine de la francophonie.

Debout dans la cour pavée, Emmanuel et Brigitte Macron avaient alors pris la mesure du désastre – ils n’ont même pas eu le droit de pénétrer dans les salles Renaissance du château. Qu’importe. Une fois élu, le président de la République a vu toute l’habilité de lier son nom à ce lieu royal et fondateur pour l’identité française.

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D’autant que les Cotteréziens attendent une forme de réparation. « À partir du moment où Napoléon Ier a décidé de faire du château un dépôt de mendicité, nous avons perdu notre passé», juge un habitant. Mue par le sentiment d’avoir été et de ne plus tout à fait être, la ville a d’ailleurs fini par élire un maire frontiste, Franck Briffaut. Et c’est la statue d’Alexandre Dumas, né au 46 de la rue éponyme, ainsi que le musée qui lui est consacré, qui ancre encore Villers-Cotterêts dans l’histoire.

«S’il s’agit d’une relance culturelle et surtout économique d’une des principales villes de l’Aisne, la région suivra»

Xavier Bertrand, président de la région Hauts-de-France

« Je ne sais pas ce qu’Emmanuel Macron va annoncer, et pour l’instant, nous sommes dans le flou sur l’ampleur de son projet, explique Xavier Bertrand, président de la région Hauts-de-France. Mais s’il s’agit d’une relance culturelle et surtout économique d’une des principales villes de l’Aisne, la région suivra.»

Xavier Bertrand espère que l’Élysée s’appuiera sur un ancien «appel à idées pour la revitalisation de Villers-Cotterêts», lancé sous Hollande. Via un site Internet de la direction de l’immobilier de l’État (dépendant de Bercy), l’appel se proposait de récolter toutes les suggestions capables de redonner vie à ces « 23.000 mètres carrés utiles, offrant un possible considérable».

En six mois, quelques propositions étaient échues sur le bureau de la fameuse direction. Dont l’aménagement d’un hôtel de luxe, l’ouverture d’un casino ou l’installation d’une pépinière de start-up. Mais si les conseillers songent à l’ouverture d’un café, voire d’un hôtel dans les dépendances, afin d’équilibrer les comptes du futur grand centre de la francophonie, l’orientation n’est pas celle-là. Il y a urgence à décider. Outre les pierres qui se fendent davantage chaque jour, le président a promis de revenir, sans doute en février, annonces en main.


 

Source:©  Le projet de Macron pour faire renaître le château de Villers-Cotterêts

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