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À la fin de cette Lettre n° 350 que j’adresse à un millier d’entre vous, je reproduis (avec son autorisation) un texte de mon collègue, le rabbin Yeshaya Dalsace, paru dans Tribune Juive au lendemain des élections partielles au Consistoire Israélite de France de dimanche dernier 26 novembre 2017, intitulé « Le Consistoire, morne plaine où rien ne bouge »… Si je le reproduis c’est que j’en partage 90% du contenu. Le but de cette chronique est de m’expliquer à propos des 10% restants ! – Dans son article que, j’espère, vous lirez intégralement, Yeshaya Dalsace constate avec amertume et réalisme que ces élections, comme les précédentes, ne changent rien quant à la direction suprême du Consistoire, institution créée, rappelons-le, par Napoléon en 1808 aux fins de représenter l’ensemble des Juifs de France quant à leur religion et ses rapports avec l’Empire, la Royauté, puis la République. La création du Consistoire scellait définitivement l’intégration des Juifs de France au sein de la communauté nationale. Elle faisait suite à la reconnaissance, en 1792, dans le sillage de la révolution française, de la pleine et entière citoyenneté des Juifs, abolissant du même coup toutes les lois restrictives à leur égard, et leur permettant d’accéder à toutes les professions qui leur étaient jusque-là interdites. Ces élections de dimanche dernier ne changeront rien, prédit Yeshaya Dalsace, car ni les hommes ni les principes en place depuis au moins trois décennies ne changent. [On pourrait dire : au Consistoire, plus ça change, plus c’est la même chose].

Et mon éminent collègue ponctue son propos de déclarations à propos de la totale indifférence qu’il éprouve quant à ces élections. Effectivement, il ne peut que reconnaître ce qu’il nous est donné de constater nous-mêmes, à savoir que le Consistoire, cette institution qui se réclame de l’autorité de sa naissance il y a 209 ans (rien moins que l’Empereur Napoléon !), dont la vocation était de fédérer tous les Juifs de France, ne représente plus aujourd’hui qu’une très faible minorité de la population juive : moins de 10% (40.000) sur lesquels encore moins de 10% (3.700) a jugé bon d’aller voter. Si bien qu’on pourrait dire que 0,74% de la communauté juive a élu les représentants de la religion juive auprès des autorités de la République. Je sais combien est fallacieuse la tentation d’interpréter des élections au regard du pourcentage des abstentions et d’en déduire des conclusions sur la non-représentativité des élus. Les dernières élections présidentielles devraient nous conduire à une certaine prudence ! Il n’en reste pas moins que ces résultats, même pondérés, sont révélateurs de la perte de confiance, ou d’adhésion, des Juifs de France vis-à-vis du Consistoire. Cette situation s’est dégradée au fils des années depuis la fin du grand-rabbinat de Jacob Kaplan (ז”ל) en 1980.

Je n’ai pas la place ici de me livrer à une analyse du désamour des Juifs pour leurs institutions. Mais je tiens à dire clairement que la dérive du Consistoire ne me laisse pas indifférent, et ce pour plusieurs raisons. La première est qu’il ne me paraît pas quelconque que la « vieille dame » (comme l’appelle Yeshaya Dalsace) soit remisée au rayon des accessoires démodés, et que de centrale qu’elle était, elle soit devenue tellement insignifiante et non représentative. Le Consistoire a été porté, tant au plan rabbinique que laïque, par des hautes figures de la communauté, depuis le premier grand-rabbin de France, David Sintzheim (1809-1812) jusqu’à Jacob Kaplan (1955-1980), depuis l’un des premiers présidents, Abraham de Cologna (1812-1826), jusqu’à Jean Kahn (1995-2008). Du Consistoire rayonnait le judaïsme avec éclat et universalisme. Il m’est insupportable de constater son repli sur le communautarisme et le ritualisme, la rigueur en matière de halakha (juridiction religieuse) et la fermeture presque complète à l’accueil des convertis. Tout cela, disais-je, ne me laisse pas indifférent, même si je peux très bien vivre mon judaïsme sans la reconnaissance du Consistoire, parce que je sais que pour l’opinion publique il continue de représenter « officiellement » le judaïsme.

Tout au long des décennies écoulées, le Consistoire a fait en sorte de « formater » les consciences juives jusqu’à les écarter des autres courants religieux de notre communauté. Il est parvenu à faire passer l’idée qu’aucune expression du judaïsme hormis la sienne n’avait de légitimité ; et que tout acte émanant des communautés libérales, massortis ou loubavitch n’avait pas son aval. Il a forgé un véritable monopole sur toute la vie religieuse, à commencer par la kashrouth, en continuant avec les mariages, les conversions, les divorces, etc. Eh bien, cela non plus ne peut me laisser indifférent car j’y vois la déformation de l’image biblique et talmudique du Juif. Et je ne veux pas, surtout à un moment où les religions souffrent de l’image intolérante et étriquée que certains de leurs fidèles offrent à la société, que par la faute du Consistoire, le judaïsme perde de sa substance.

Je souhaiterais deux choses pour l’avenir. 1° Que le Consistoire reconnaisse toutes les expressions du judaïsme : religieux, non religieux, libéral ou massorti. C’est-à-dire qu’il redevienne ce pour quoi il avait été créé il y a plus de deux cents ans. 2° A défaut, si cela s’avère impossible, qu’un autre Consistoire prenne la relève, avec des hommes neufs, un nom nouveau, mais dans l’esprit des pères fondateurs. Il me semble indispensable, surtout dans les temps où nous vivons, qu’une unité qui ne soit pas de façade voit le jour. Unité, pas uniformité ; unité, pas pensée unique ; unité dans la diversité. Il n’est plus admissible qu’une poignée de Juifs dicte à la majorité ses critères de judéité, qu’elle décide qui est juif et qui ne l’est pas, qui est un « bon » juif et qui ne l’est pas. Cela suffit que cette poignée de « purs » terrorise intellectuellement et spirituellement une majorité qui, par ignorance ou lassitude, se laisse dicter des contraintes et des interdits dont il est plus que probable que nos ancêtres ne s’y reconnaîtraient pas aujourd’hui. A force de prôner ce que le regretté Abraham Heschel appelait un « judaïsme de précautions », le Consistoire risquerait de nous écarter d’un judaïsme à vocation prophétique. C’est pourquoi je n’entends pas m’enfermer dans une tour d’ivoire et ignorer superbement le trou dans la coque du navire en prétextant qu’il n’est pas sous mon siège. Si le Consistoire refuse de se réformer (revenir aux formes et à l’esprit premiers), rappelons-lui fermement ses devoirs envers la « grande communauté », ou bien qu’il cesse de s’en dire l’unique représentant. Nous lisons dans le même verset de la Torah les préceptes suivants (Lévitique 19:17) : « Tu ne haïras pas ton frère dans ton cœur, mais tu le reprendras afin de ne pas porter de péché à cause de lui ». C’est une invitation à ne pas nous détourner du devenir de cette institution moribonde. Elie Wiesel (ז”ל) disait que le contraire de l’amour n’est pas la haine, mais l’indifférence.

Shabbath Shalom!

0 Comments

  • Paulette Uzan Sfez
    Posted décembre 3, 2017 14h02 0Likes

    Je trouve ce commentaire tout à fait clair ……..cela suffit du “Prechi-Precha” et de çe Judaïsme que l’on croyait ouvert et qui en fait se recroqueville sur lui-même……..en Tunisie,nous pratiquions un Judaïsme clairvoyant ouvert,tolérant et intelligent. A bon entendeur salut!!!!!!

  • Seknadje
    Posted décembre 4, 2017 3h07 0Likes

    Je me permets de répondre à votre bulletin .
    Il me semble qu il devrait avoir effectivement plus de gens inscrit au consistoire.
    Il n y a que 40000 parce qu à mon avis l adhésion est payante. Rien n empêche une personne du culte libéral de s un criée et de voter
    En plus vous avez pu constater que les gens en France ne se déplace pas facilement pour voter.
    Dernier point : bien sûr que je judaisme prône par le consistoire est rigide et peut être archaique. Et bien rien ne
    Vous oblige à suivre les 613 commandements .C est le cas
    D une majorité de juifs. Je pense cependant indispensable de conserver
    Notre religion telle qu elle
    Est écrite dans la Torah et la halaha . C est à mon sens indispensable pour conserver
    Le judaisme intact.
    Libre à Vous de ne respecter qu une toute petite partie
    Ceux qui créent des obédiences différentes le font à mon avis pour de mauvaises raisons . Personne vous interdira l entrée de la synagogue parce que vous êtes venu à l office du shabbat
    En voiture .
    C est votre probleme mais je crois que la force du jjdaisme réside dans l impossibilité de
    Tien changer. C est le garant de son authenticité.
    Si vous voulez un Ersarz, libre à vous mais ce n est plus le judaisme il faut lui donner un autre nom

  • Bilou
    Posted décembre 5, 2017 2h57 0Likes

    Aucun rabbin ne peut sortir de l’enfermement que leur enseignement rabbinique leur a délivré. Ils trouveront toujours des raisons pour refuser telle ou telle évolution -si large d’esprit soient ils-.

    La seule chose à laquelle le rabbinat ce soit occupé pleinement est de sauver “la Torah” et de façon de plus en plus sectaire pour ne rien perdre ou parfois un peu plus large selon les tendances et interprétations communautaires, c’est ce qui a été réussi malgré toutes les vicissitudes sur des millénaires.
    Mais c’est notoirement insuffisant, la Torah ne tient que s’il y a des juifs. Sans juifs plus de Torah. Il fallait s’occuper de diffuser le judaïsme. Ils l’ont interdits malgré Gé. 17-3, estimant être une élite de poids, suffisament sûre d’elle même (formule connue). Se rassurant et prétendant être une lumière pour les nations. On ne peut être la lumière de personne en restant dans sa chambre entre soi et lumière allumée. L’enseignement d’autrui est un travail de très longue haleine qui demande des centaines de générations.
    Il n’y a qu’à ouvrir les yeux et voir comment peu de personnes ont convaincus des centaines puis des milliers d’autres jusqu’à devenir plusieurs milliards: Ils ont aujourd’hui la sécurité du nombre. Tranquilles.
    Aux juifs on a enlevé cette sécurité là. L’iranien l’a analysé quand il prophétise faussement j’espère, même si ça doit lui retomber sur la tête.
    Quel poids ont représentés des rabbins sages honnêtes et compétents face à Hitler. Zéro.
    On vient de revoter des résolutions offrant Jérusalem aux musulmans, par la très grande majorité des nations: 151 pays dont toute l’Europe pour le Oui et 6 ou 9, je ne sais plus pour le Non, dont la Micronésie, la Papouasie et je ne sais plus qui.
    Je ne vois pas comment Israel et son allié américain pourront aller contre un vote légal, démocrate.
    Israel et ses dirigeants ont crus à tort que le temps jouait pour eux.C’est faux. Les juifs d’Europe sont entrain de partir, d’autres accepteront de se convertir au christianisme qui sera heureux de montrer son chemin aux brebis égarées. Et c’est de la faute à qui tout çà?. Ce n’est pas seulement de la faute des autres. C’est pour n’avoir pas fait ce qu’il fallait au bon moment. C’est pour n’avoir pas permis un développement numérique que Hitler a pu éliminer un tiers de la population juive.
    Il faut un Mashiah. Créer un nouveau courant qui s’ouvre au monde entier sans exclusive aucune, avec un message et une philosophie basée sur les 10 commandements, et qui ne rejette pas la science . Une réforme est vitale, mais elle est impossible avec les structures actuelles. Créer des ascenseurs du shabbat n’est qu’une ruse pour concilier science et religion et ne pas méjuger des rabbins totalement inconnus décideurs de la loi pour tous. Le shabbat a été instauré pour que l’homme se repose après 6 jours de travail. – Voir la sortie d’Egypte- Dieu n’a jamais directement demandé qu’on le lui consacre, il souhaitait que l’on traite humainement le travailleur. Ce n’est pas lui qui a interdit d’appuyer sur un bouton certains jours.
    Il y a beaucoup à faire. Cela suppose du recul et une transformation de la pensée. C’est trop difficile de se remettre en cause.

  • Bilou
    Posted décembre 5, 2017 3h08 0Likes

    C’est cet enfermement qui a fait l’essor du christianisme, puis de l’islam.
    Ouvrez les yeux.

  • bilou
    Posted décembre 6, 2017 14h22 0Likes

    AVEC UNE POPULATION TRES NOMBREUSE,
    Israel n’aurait pas eu a subir les problèmes actuels, la shoah n’aurait pas eu lieu, le christianisme n’aurait pas pu voir le jour et se développer si la Sanhédrin rabbinique avait largement ouvert ses portes à tous, aux païens et aux autres. On aurait respecté la promesse céleste qui avait été faite d’être aussi nombreux que le sable, ou que les étoiles Avec 500 millions ou 1 milliard de juifs, la situation aurait été bien différente.
    Il n’y a pire aveugle que celui qui ne veut pas voir ses erreurs

  • oscar
    Posted décembre 7, 2017 23h15 0Likes

    Le consistoire est en train de dessécher le judaïsme, en enterrant sa vocation universelle au profit d’une gestuelle tatillonne. Ce faisant, il participe à l’hémorragie démographique du peuple juif. Beaucoup de juifs de valeur, découragés par la multiplicité d’interdictions souvent absurdes , par l’absence d’une mission claire , se réfugient dans l’indifférence , et se détachent insensiblement du judaïsme. Leurs enfants feront des mariages mixtes, et leurs enfants perdront tout sentiment d’appartenance au peule juif.
    C’est un travail de démolition systématique que ses rabbins entreprennent avec la meilleure conscience du monde.
    Des assises du judaïsme français s’imposent, mais le consistoire ne voudra jamais y participer.
    Et si Macron, jouant à Napoléon 1ier, se décidait à repenser une représentation plus démocratique de la communauté juive ? C’est un pari à prendre.

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