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Alors que les tories ont subi, jeudi, une débâcle lors d’une législative partielle, l’ancien ministre des affaires étrangères apparaît le mieux à même d’endiguer la montée en puissance du Parti du Brexit de Nigel Farage.

Le calendrier ne peut pas être plus lourd de sens. Alors que Theresa May devait, comme promis, démissionner, vendredi 7 juin, de son poste de leader du Parti conservateur, officialisant ainsi le début de la course pour sa succession, les électeurs de Peterborough ont donné, la veille, un nouveau coup de semonce à la formation de la première ministre et accru les chances du champion du Brexit dur : Boris Johnson.

Certes, contrairement aux prédictions des bookmakers, le Parti du Brexit n’a pas gagné, jeudi, son premier député à Westminster. Mais il s’en est fallu de peu. Dans cette ville en difficulté située au nord de Londres, le vote conservateur s’est littéralement effondré à l’occasion d’une élection législative partielle organisée jeudi 6 juin, passant de 46,8 % en 2017 à 21,4 %. Le principal bénéficiaire de cette nouvelle débâche, après celle des européennes, n’est autre que le parti lancé voici tout juste deux mois par le leader d’extrême droite, Nigel Farage, et qui prospère sur l’idée d’une « trahison du Brexit » par Mme May et les tories.

Dans cette cité vue comme un bon baromètre électoral du pays, car elle balance depuis longtemps entre les conservateurs et les travaillistes, ces derniers ont conservé leur siège avec une avance réduite à moins de 700 voix sur le parti de M. Farage. Il s’agit d’une divine surprise pour Jeremy Corbyn qui, contre la majorité des adhérents Labour, refuse d’abandonner la défense du Brexit. A Peterborough, tout s’est passé comme si pouvait fonctionner la stratégie ambiguë du chef du Parti travailliste, destinée à ne pas s’aliéner les circonscriptions populaires ayant voté au référendum de 2016 en faveur d’un divorce d’avec l’Union européenne (UE) – le Brexit avait alors été soutenu par 61 % des électeurs de Peterborough. Mais la colère liée au Brexit a fait perdre au Labour la moitié de ses électeurs. Article réservé à nos abonnés Lire aussi Les travaillistes britanniques sans position claire sur le Brexit

Symbole et avertissement

Le vote de Peterborough survenait à la suite de la révocation par les électeurs (une procédure utilisée pour la première fois au Royaume-Uni) d’une députée Labour, Fiona Onasanya, condamnée pour « entrave à l’action de la justice » après avoir menti afin d’échapper à une amende pour excès de vitesse.

Au lendemain de la visite à Londres de Donald Trump, au cours de laquelle il a couvert d’éloges et même rencontré M. Farage, le scrutin prend des allures de symbole et d’avertissement : l’impasse du Brexit mène les conservateurs à une débâcle électorale. Un sondage publié vendredi 7 juin par le Times place les tories en quatrième position à 18 % d’intentions de vote et le parti de M. Farage en tête avec 26 %, en cas de législatives anticipées.

Les députés conservateurs, déjà paniqués par le résultat des élections européennes, où le Parti du Brexit est arrivé en tête avec 31 % des voix, cherchent à tout prix un premier ministre capable de stopper l’avancée de cette formation qui menace le Parlement d’un tsunami. Ils sont de plus en plus nombreux à penser l’avoir trouvé en Boris Johnson, seule personnalité, selon eux, à pouvoir rivaliser avec le bagou, l’europhobie et le nationalisme de M. Farage.

L’ancien patron conservateur de la campagne pro-Brexit au référendum de 2016 promet que le divorce sera, quoi qu’il arrive, effectif le 31 octobre, la date butoir fixée par l’UE après le report de la sortie pour cause de blocage au Parlement britannique. Il se fait fort soit de réussir à négocier un nouvel accord – hypothèse hautement improbable – soit de sortir sans accord (« no deal »), précisément comme M. Farage s’y engage. Article réservé à nos abonnés Lire aussi Brexit : favori pour succéder à Theresa May, Boris Johnson assume un potentiel « no deal »

Boris Johnson, dit « BoJo », n’est que l’un des onze candidats en lice pour succéder à Mme May. Celle-ci demeure à son poste de première ministre, expédiant les affaires courantes jusqu’à la nomination du nouveau chef du parti, dans la semaine du 22 juillet. Dans le système britannique, le chef de file de la formation commandant une majorité à la Chambre des communes devient automatiquement premier ministre.

D’ici au 20 juin, les députés conservateurs vont d’abord sélectionner leurs deux favoris. Ensuite, les 160 000 adhérents du parti – 70 ans de moyenne d’âge, avec 75 % de partisans d’un « no deal » – les départageront. M. Johnson est déjà parrainé par quarante députés, soit largement davantage que tous ces concurrents. Des élus, pourtant réputés ne pas le porter dans leur cœur, louent désormais sa « crédibilité », alors que son inconstance est patente et que son amateurisme, en tant que ministre des affaires étrangères, a fait le tour du monde.

Un sondage publié vendredi 8 juin dans le Telegraph vient renforcer l’idée d’un Boris Johnson rempart contre Nigel Farage : 59 % des électeurs du Parti du Brexit pourraient se reporter sur lui, indique cette enquête, contre seulement 31 % sur l’actuel ministre de l’environnement, Michael Gove, et 15 % sur son collègue des affaires étrangères, Jeremy Hunt. Ces deux derniers candidats développent des rhétoriques moins radicales que M. Johnson sur le Brexit. Le premier, par exemple, souhaite éviter une sortie sans accord en reportant le Brexit à la fin de 2020 pour reprendre les négociations.

Mais les médias rêvent déjà d’un duel entre les « frères ennemis », Johnson et Gove. Eux qui avaient dirigé ensemble la campagne pro-Brexit lors du référendum de 2016 s’étaient publiquement déchirés au lendemain d’une victoire à laquelle ils ne s’attendaient probablement pas. Censé soutenir alors M. Johnson dans la course pour Downing Street, M. Gove avait affirmé que son ancien partenaire « ne possède pas le leadership » suffisant pour être premier ministre. Il s’était lui-même présenté pour cette fonction, sans succès. Visiblement non prévenu de cette rupture, M. Johnson avait lui-même jeté l’éponge. Trois ans plus tard, les deux anciens compères pourraient se retrouver face à face avec un apparent avantage pour le premier.


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Philippe Bernard (Londres, correspondant)


Source:© Le départ de Theresa May de la direction du Parti conservateur ouvre la voie à Boris Johnson

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