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TRIBUNE. Le professeur de gestion Laurent Cappelletti rappelle, dans une tribune au « Monde », qu’il faut ajouter aux coûts visibles de l’arrêt de certaines activités le « coût caché » des dysfonctionnements du télétravail, de la réorganisation des entreprises, de l’angoisse des travailleurs confrontés au virus.

Tribune. La France a opté pour un mode de confinement que l’on peut qualifier de strict, entre confinement total de type chinois et confinement moins contraignant de type anglais. Une fois prise la mesure de la portée de ce confinement, il est possible d’en évaluer le coût pour l’économie française. L’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) vient de l’estimer à 35 % du produit intérieur brut (PIB) mensuel par mois de confinement, soit 3 % de PIB annuel, c’est-à-dire 75 milliards d’euros par mois.

Cette évaluation est faite à partir des « coûts visibles » du confinement, en partant des données transmises par les différents secteurs économiques français, par exemple celles sur les arrêts de production dans les secteurs qui ne sont pas de première nécessité comme le bâtiment ou les commerces non alimentaires.

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Or, les travaux sur les « coûts cachés » des dysfonctionnements qui perturbent les activités humaines, c’est-à-dire les coûts non enregistrés par les systèmes d’information classiques ou qui ne font pas l’objet d’un suivi spécifique, montrent qu’ils représentent de 50 % à 100 % des coûts visibles dans le cas de situations de perturbation extrême ou inédites (« Quarante ans après son invention : la méthode des coûts cachés », Laurent Cappelletti, Olivier Voyant, Henri Savall, Revue Audit Comptabilité Contrôle et Recherches Appliquées (ACCRA), Association francophone de comptabilité, n° 2/2, 2018).

Dysfonctionnements coûteux additionnels

Ces « coûts cachés » s’expriment notamment en termes de surtemps de travail, de sous-productivité et de défauts de qualité des produits et services en raison de conditions de travail dégradées, ainsi qu’en « sursalaires » (salaires versés sans contrepartie productive) du chômage partiel ou technique.

Le coût intégral d’un mois de confinement, « coûts visibles » plus « coûts cachés », pourrait ainsi atteindre jusqu’à 6 % du PIB, soit 150 milliards d’euros par mois de confinement. Cette estimation rejoint celle de Clemens Fuest, président de l’Institut économique allemand IFO cité par « L’Usine nouvelle » du 23 mars, pour qui « les arrêts de production, le chômage partiel et l’augmentation du taux de chômage pourraient coûter jusqu’à 247 milliards d’euros par mois à l’économie allemande », soit 6 % à 7 % du PIB allemand.

Chacun peut observer, à son niveau, ces dysfonctionnements coûteux additionnels. Par exemple, le télétravail à la maison, qui pourrait concerner 25 % des actifs selon l’Institut Sapiens, est grevé de temps non directement productif lié aux fréquentes interruptions domestiques, à l’effet d’apprentissage pour les néophytes en ce domaine, ou encore aux bugs des systèmes d’information surchargés.

Des conditions acceptables de reprise du travail

Pour les actifs travaillant dans les bureaux ou sur le terrain, comme ceux de la grande distribution, de l’agriculture, des transports et des services publics, ces surtemps sont engendrés par les nouvelles organisations du travail, les maladies professionnelles dues au Covid19 ou même les troubles psychosociologiques causés par l’angoisse.

Les soignants, malgré leur immense professionnalisme, souffrent eux aussi de dysfonctionnements additionnels provoqués par des surcharges de travail et des manques de matériels et d’équipements. Ce coût intégral gigantesque du confinement pose la question de sa durée supportable pour une économie, et par voie de conséquence pour la santé d’un pays. Est-ce deux mois, trois mois, quatre mois, plus ?…

Sans attendre la réponse, et en l’absence de thérapeutique de masse du virus, généraliser les tests et les outils de protection sanitaire matériels (masques etc.) et immatériels (gestes barrières etc.) pour permettre aux actifs non infectés de reprendre le travail dans des conditions acceptables une fois l’épidémie en décrue et les services de santé soulagés, apparaît être un objectif rationnel.

Source:© « Le coût intégral d’un mois de confinement pourrait atteindre 150 milliards d’euros »

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