Skip to content Skip to sidebar Skip to footer

Paris et Berlin ont proposé lundi une médiation, après la capture par la Russie de trois navires de la marine ukrainienne, dimanche dans le détroit de Kertch.

Après quatre ans de guerre et d’escarmouches sur la ligne de front du Donbass et l’annexion de la Crimée, le conflit russo-ukrainien s’étend sur les mers. Le détroit de Kertch, qui sépare la mer Noire de la mer d’Azov, est le théâtre d’un brusque accès de tension depuis que les autorités russes ont arrêté dimanche trois navires militaires ukrainiens qui faisaient route vers cette enclave maritime partagée par les deux pays. Deux petites vedettes blindées et un remorqueur, avec vingt-trois personnes à bord, ont été arraisonnés et sont désormais retenus par Moscou qui refuse de les libérer. Six membres de l’équipage ont été blessés, dont deux grièvement, selon l’armée ukrainienne.

Le Kremlin a accusé Kiev de violer la frontière russe et de mener des «provocations» dans les «eaux territoriales russes». En conséquence de quoi, ses opérations seraient «conformes au droit international». À l’inverse, le président ukrainien Petro Porochenko a dénoncé un «acte agressif de la Russie visant une escalade préméditée». Après des réactions timides renvoyant les deux parties dos à dos, l’Union européenne a pris fait et cause, lundi, pour l’Ukraine. Le président du Conseil européen Donald Tusk a condamné«l’usage de la force» par la Russie et appelé celle-ci à «s’abstenir de toute provocation». Paris et Berlin ont proposé lundi une médiation commune. L’OTAN, lors d’une réunion extraordinaire en présence de l’ambassadeur ukrainien, a exigé la libération immédiate des marins. Washington, par la voix de sa représentante permanente à l’Onu, Nikky Haley, a dénoncé une «violation scandaleuse» de la souveraineté ukrainienne tandis que Donald Trump disait «ne pas aimer» ce qui se passe et assurait travailler sur le sujet avec les Européens.

Avec l’annexion de la Crimée et la prise de contrôle du Donbass par les séparatistes prorusses, l’Ukraine a perdu plus de 500 kilomètres de bordure maritime ouvrant sur la mer d’Azov

Depuis l’ouverture, le 16 mai, du pont qui relie sur 19 kilomètres, le territoire russe à la Crimée, les accrocs se multiplient dans la zone. Mais c’est la première fois qu’ils dégénèrent sur le plan militaire. En mars, un bateau de pêche russe avec dix personnes à bord avait été arrêté en mer d’Azov par les autorités ukrainiennes qui ont l’intention, aujourd’hui, de vendre l’embarcation aux enchères. Avec l’annexion de la Crimée et la prise de contrôle du Donbass par les séparatistes prorusses, l’Ukraine a perdu plus de 500 kilomètres de bordure maritime ouvrant sur cet immense lac salé, relativement riche en gaz et en ressources halieutiques.

» LIRE AUSSI – Crimée: le pont qui entérine l’annexion

La navigation en son sein est gérée conjointement par la Russie et l’Ukraine, en vertu d’un accord bilatéral signé en 2003. Mais ce dernier n’a jamais défini noir sur blanc le tracé de la frontière maritime. Ce flou juridique est condamné à s’étendre. La perte de la Crimée prive l’Ukraine d’une importante route maritime par laquelle continuent à transiter quelque 80 % des exportations nationales, en particulier des céréales, une denrée capitale pour l’économie du pays. Depuis l’annexion, Moscou renforce ses contrôles maritimes.

Selon les services douaniers ukrainiens, les services de sécurité russe ont contrôlé pas moins de 200 navires dans la seule période du 29 avril au 31 octobre 2018. D’après le consultant agricole APK Inform, le volume de blé chargé et déchargé de janvier à septembre 2108 sur le port de Marioupol a baissé de 27 % en un an. Kiev évalue le préjudice à «20 à 40 millions» de dollars annuels. En outre, la construction du pont de Crimée a banni tout transit par le détroit de Kertch, des bateaux de type Panamax, hauts de plus de 33 mètres et longs de 160 mètres: avant la mise en service de l’ouvrage, ces derniers absorbaient 20 % de la totalité du fret local. Le ministère russe des Transports dément et affirme assurer un «transit sans obstacle… compte tenu de l’hydrologie» locale.

Le 24 octobre, le Parlement européen a voté une résolution condamnant «l’activité excessive de la Russie en mer d’Azov», constituant une «atteinte au droit maritime international». «Une fois que la Russie aura atteint son objectif de transformer la mer d’Azov en son propre lac intérieur, elle risque de se saisir des gisements pétroliers et ukrainiens existants», ajoute l’institution communautaire. Selon les médias russes, l’Ukraine ne conserverait qu’un seul gisement sur les trois qu’elle exploitait avant l’annexion.

«La Crimée est devenue la région la plus militarisée de la Russie. Il existe un risque réel d’escalade militaire, mais cette fois j’espère que Moscou reviendra à la raison» 

À ce blocus commercial rampant, s’ajoute un important renforcement militaire russe. En quatre ans, Moscou a installé en Crimée pas moins de trois batteries de systèmes antimissiles S 400, auxquels il faut ajouter le redéploiement ces derniers mois, de la mer Noire jusqu’à la mer d’Azov, de 40 de ses patrouilleurs. Depuis sa nouvelle capitale en Crimée de Sébastopol, siège de sa flotte de mer Noire, la Russie entretient près de 2.800 vaisseaux et entraîne environ 25.000 marins. Des chiffres qu’il faut comparer aux 66 navires de combat et 11.000 membres d’équipage ukrainiens. Face à ces «actions agressives», Kiev a inauguré à la mi-septembre une base militaire sur le port de Berdiansk, qui suscite la risée des commentateurs russes. «Ceci n’est pas sérieux. L’Ukraine finance sa flotte avec des kopecks dans le seul but de se faire bien voir de ses sponsors américains. Tout ce qu’elle peut aligner se résume à cinq bateaux mitrailleurs de type Gurza» (23 mètres de long, NDLR), ironise l’expert militaire Ivan Konovalov.

En guise de dissuasion, le Kremlin compare l’épisode de dimanche à la tentative de la Géorgie en 2008, de reprendre militairement le contrôle de ses provinces d’Abkhazie et d’Ossétie du Sud, qui s’était soldée par une violente réplique militaire russe et la mort de 1.600 civils. «La Crimée est devenue la région la plus militarisée de la Russie. Il existe un risque réel d’escalade militaire, mais cette fois j’espère que Moscou reviendra à la raison», commente l’eurodéputée lettone, Sandra Kalniette, coauteur de la résolution du parlement européen. Pour cela, cette personnalité du groupe conservateur dans l’hémicycle en appelle à de nouvelles sanctions européennes contre le Kremlin après celles qui ont frappé six entités russes ayant participé à la construction du pont.


La rédaction vous conseille :


Pierre Avril 

Correspondant à Moscou

Source :© Le conflit entre l’Ukraine et la Russie s’étend sur la mer d’Azov

Leave a comment

C.J.F.A.I © 2025. All Rights Reserved.