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(FILES) This June 17, 2014 file photo taken in Washington, DC shows bitcoin medals. Bitcoin surged above $11,000 for the first time on November 29, 2017 as it extends a stratospheric rise that has delighted investors but sparked fears of a bubble.The virtual currency achieved its first landmark of a historic day early in the Asian trading session, breaching $10,000 for the first time, according to Bloomberg News figures. / AFP PHOTO / KAREN BLEIER

ANALYSE – Cette monnaie virtuelle, affranchie de l’intervention publique ou étatique, ne possède pas tous les attributs d’une véritable devise.

Il valait 1 cent en 2010, 5000 dollars il y a deux mois, plus de 10.000 dollars aujourd’hui. La courbe en forme d’ascension verticale de la valeur du bitcoin, la désormais célèbre monnaie virtuelle, est belle à observer comme l’image satellite d’une tempête tropicale en formation. Fascinante et inquiétante à la fois. Frustrante aussi: chacun la regarde en se demandant bien pourquoi il n’en a pas acheté un peu quand cela ne valait rien! La tentation de la culbute facile est d’ailleurs en train de gagner le grand public. Ce qui explique peut-être l’offensive récente des voix les plus respectées du monde économique et financier contre le bitcoin.

«Ceux qui investissent en bitcoin le font à leurs risques et périls»

François Villeroy de Galhau, gouverneur de la Banque de France

C’est «une escroquerie», selon le patron de la première banque américaine Jamie Dimon, «une menace pour la stabilité financière», selon Randall Quarles, vice-président de la Fed. Deux Nobel d’économie aussi différents que l’Américain Joseph Stieglitz et le Français Jean Tirole ont aussi sonné l’alerte. Pour le premier, le bitcoin est une «bulle», et il «faudrait l’interdire». Pour le second, il n’a ni «valeur intrinsèque» ni «réalité économique». Et vendredi, c’est le gouverneur de la Banque de France François Villeroy de Galhau qui a mis en garde: «Ceux qui investissent en bitcoin le font à leurs risques et périls.»

«Il ne doit y avoir aucune ambiguïté: le bitcoin n’est en rien une monnaie», a asséné le banquier central. Cette prise de position est au cœur du débat. Le bitcoin peut-il prétendre être une monnaie, comme l’euro, le dollar et autres devises?

Le bitcoin n’a ni pièces ni billets. Mais cette absence de support physique ne suffit pas à l’exclure du cercle des monnaies. Après tout, l’essentiel des transactions en dollars ou en euros se fait (en volume) de façon dématérialisée. Et il est désormais possible de vivre, notamment en Scandinavie, en se passant totalement de cash. Le bitcoin n’a pas davantage de réserve de valeur constituée. Mais là encore, cela ne le rend pas forcément différent des grandes devises. Les banques centrales ne font plus depuis belle lurette de leur stock d’or la contrepartie de la monnaie qu’elles émettent.

Confiance des utilisateurs

L’essence de la monnaie réside dans sa fonction d’échange: l’acheteur et le vendeur lui reconnaissent la même valeur et l’acceptent sans réserve pour régler leurs transactions. Dès lors que le bitcoin a créé son écosystème, dans lequel des utilisateurs l’utilisent effectivement comme une devise, on pourrait le considérer comme une monnaie.

Mais un système monétaire, quel qu’il soit, repose sur la confiance: celle du vendeur, qui a la certitude qu’une valeur est attachée au paiement qu’il encaisse ; celle de l’acheteur, qui a la certitude que son interlocuteur accepte son moyen de paiement. À ce jour, on n’avait pas trouvé mieux pour installer cette certitude à double sens, à l’échelle nationale et internationale, que d’en reconnaître pour garants les banques centrales et, derrière elles, les États (ou les unions monétaires d’État comme l’euro). La monnaie procède-t-elle inévitablement de la puissance publique? Vieux débat. Le libéralisme pur ne reconnaît pas forcément le privilège d’émission comme une fonction régalienne de l’État au même titre que la sécurité et la justice.

Le bitcoin est par nature un système opaque, assis sur un algorithme dont le créateur est inconnu et dont la clef a été jetée au fond du puits après sa conception

Le bitcoin, lui, s’affranchit de l’intervention publique ou étatique. Le système aurait pour garant l’algorithme, et pour tiers de confiance non pas une institution, mais la masse des utilisateurs qui, grâce à la technologie de la «blockchain», sont chacun dépositaire de son effectivité. Peut-il, dès lors, devenir une monnaie qui, émancipée de l’État et des banques centrales qui font de leur pouvoir d’émission un instrument de pilotage de l’économie, serait une expression d’une forme d’idéal libéral voire libertarien? Voire.

Car il y a des contradictions fondamentales entre la conception du bitcoin et la possibilité d’en faire une monnaie, du moins à grande échelle. D’abord, le bitcoin est par nature un système opaque, assis sur un algorithme dont le créateur est inconnu et dont la clef a été jetée au fond du puits après sa conception. Cela crée de la mystique, mais n’encourage guère à la confiance… Ensuite, le système est asymétrique: ne sont en capacité de créer des bitcoins que ceux qui disposent de la capacité de calcul (et du goût pour la matière!) pour le faire. Enfin, le bitcoin est un système fini: l’algorithme prend fin après 21 millions d’unités créées. Ce point explique d’ailleurs en partie la fièvre spéculative actuelle, alimentée par l’anticipation de la rareté.

Si Churchill avait raison s’agissant de la démocratie, «le pire des régimes à l’exception de tous les autres», il en va peut-être de même de notre organisation monétaire actuelle. L’éclatement de la bulle bitcoin, s’il survient comme beaucoup le prédisent, rendra peut-être de la valeur à la confiance qu’ont su créer au fil des siècles et non sans péripéties, les autorités publiques dans l’utilisation de leurs devises nationales.


 

Source: © Le bitcoin est très loin d’être une vraie monnaie 

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