VU D’AILLEURS – Rumeurs de remaniement gouvernemental, résistance des vieux partis, succès attendu des Verts, l’analyse du politologue Pascal Perrineau.
Par Alain Rebetez (La Tribune de Genève)
À la veille du deuxième tour des élections municipales et de la valse des ministres qui s’ensuivra, l’analyse du politologue Pascal Perrineau.
Emmanuel Macron prépare un remaniement ministériel. Qu’en attendre ?
Depuis de nombreux mois, il est à la recherche d’un ressort pour lancer ce qu’il a appelé lui-même «l’acte 2» du quinquennat. Jusqu’à maintenant, il ne l’a pas trouvé et il hésite entre une ligne sociale, avec un premier ministre plus à gauche, et une ligne écologiste, qui profiterait de la Convention sur le climat pour mettre en œuvre le scénario d’un deuxième acte vert. Je ne crois pas qu’il ait déjà choisi, il hésite. Cela dit, un remaniement du gouvernement sera nécessaire parce que des ministres ont fait la preuve de leur incapacité et qu’il faut un dispositif moins amateur, mais je ne crois pas que cela bouleversera les choses.
La popularité du premier ministre Édouard Philippe menace-t-elle le président ?
Globalement, le macronisme est à bout: les ministres ne sont pas populaires, les leaders de La République en marche (LREM) encore moins et c’est un courant politique qui a un déficit d’incarnation majeur, à part le président de la République. Mais le président lui aussi est impopulaire et dans certaines franges de la population, il commence à être détesté. Il a donc bien besoin de quelqu’un qui lui permette d’élargir sa popularité. Si Édouard Philippe est réélu dimanche au Havre, Macron pourrait considérer qu’il reste incontournable et qu’il y aurait une difficulté réelle à se passer de lui.
Pourtant, si le président veut plus de social ou d’écologie, Édouard Philippe pourrait être un obstacle.
Édouard Philippe se rend bien compte que désormais il fait partie des premiers ministres qui ont un avenir politique. De par sa popularité et son image, il sait très bien qu’il joue un rôle dans l’espace politique qui va du centre à la droite et qu’il pourrait, le moment venu, être l’homme qui incarne ce courant. C’est pour cela que le président ne peut pas lui faire faire n’importe quoi. Mais Emmanuel Macron n’est pas programmé pour devenir subitement un écolo de gauche. Qu’il envoie des signaux sur telle ou telle mesure, oui, mais rien d’incompatible avec le dispositif traditionnel du gaullisme social et donc pas de quoi fâcher un homme comme Édouard Philippe.
Qu’attendez-vous du deuxième tour des élections municipales, ce dimanche ?
Je pense d’abord que les deux anciens partis de gouvernement, le PS et Les Républicains, vont montrer qu’il ne faut pas les enterrer trop vite. En revanche, La République en marche est un échec absolu. Ils n’ont aucune capacité autonome, aucun enracinement, et l’échec est d’autant plus redoutable que cela continuera l’année prochaine avec les élections régionales et départementales. Le chemin de croix peut continuer… La seule nouveauté, ce sera la bonne performance des écologistes. C’est une poussée forte, mais dans un terrain particulier: celui des villes, avec un électorat féminin, jeune, bourgeois ou de classe moyenne, venant plutôt de la gauche. Cette dynamique touche très peu la droite et handicape la gauche, où se pose la question du leader. Les écologistes veulent devenir ce qu’était le PS dans les années 70-80, mais le PS fait de la résistance…
L’échec de LREM annonce-t-il l’échec de Macron ?
C’est plus compliqué. On ne peut pas tirer de l’échec patent de Macron au niveau local son incapacité à peser dans une présidentielle. Mais cela devient de plus en plus compliqué. En 58, de Gaulle non plus n’avait pas d’ancrage local, mais il s’en est créé un avec un réseau d’élus locaux. Emmanuel Macron n’a pas adopté cette sage stratégie. Le seul avantage qu’il a aujourd’hui, c’est de ne pas avoir d’adversaire déclaré à la hauteur. Il bénéficie pour l’instant de la faiblesse du casting face à lui: Le Pen, Mélenchon, Jadot… Pour l’instant, il n’a aucun poids lourd, mais cela pourrait changer si un Baroin ou un Bertrand se déclarent. Comme au tiercé, ça devient pour lui une course à handicap.
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Source:© «La République en marche est un échec absolu!»