Le fauteuil de président du groupe parlementaire occupé jusqu’ici par Gilles Le Gendre suscite la convoitise de poids lourds de la majorité.
«Cela va se jouer avec les tripes et les poings». Au cœur de l’été, les rangs de l’Hémicycle ont beau s’être peu à peu vidés, en coulisses, la succession de Gilles Le Gendre, président du groupe La République en marche (LREM) à l’Assemblée nationale depuis septembre 2018, aiguise les appétits. Très critiqué ces derniers mois, le député de Paris a annoncé qu’il rendrait son fauteuil dans un courrier du 16 juillet adressé à la majorité, soulignant qu’un «changement de président est nécessaire pour insuffler [un] nouvel élan». Ils sont quatre (pour l’instant) à entendre incarner le «nouveau chemin» d’Emmanuel Macron.
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François de Rugy (Loire-Atlantique) a donné le top départ de la course en dégainant sa candidature le jour même de l’annonce de Gilles Le Gendre, suivi de près par Christophe Castaner (Alpes-de-Haute-Provence), qui a envoyé une lettre aux députés de la majorité vendredi dernier, puis Aurore Bergé (Yvelines) qui l’a imité le lendemain. Plus confidentiel, le député de Seine-Saint-Denis, Patrice Anato, a lui aussi annoncé sa volonté de succéder à Gilles Le Gendre pour «rassembler toutes les sensibilités». Il leur reste désormais peu de temps pour convaincre… L’élection de son successeur aura lieu lors des journées parlementaires de LREM, prévues les 10 et 11 septembre, à Amiens.
Si j’ai choisi de quitter la droite, ce n’est pas pour que les idées de la droite conservatrice l’emportent !Aurore Bergé, candidate à la présidence du groupe LREM à l’Assemblée nationale
Un calendrier dicté par Gilles Le Gendre qui ne satisfait pas François de Rugy. L’ancien président de l’Assemblée aurait préféré que tout soit réglé avant l’été. D’où sa candidature immédiate, dans laquelle certains ont vu de «l’indécence». «Ce sont des gens qui ne veulent pas parler du fond», s’agace au Figaro François de Rugy, qui ne cache en rien que l’idée de prendre la tête du groupe «remonte à loin». Il déplore aussi la règle instaurée par le bureau du groupe le 24 juillet, selon laquelle tout candidat déclaré doit renoncer à ses fonctions électives. Une «petite manœuvre» qui obère la volonté de certains à se présenter, selon Rugy. Yaël Braun-Pivet, la présidente de la commission des lois, en a notamment fait les frais alors que ses partisans faisaient déjà sa campagne.
D’autant qu’au sein de la majorité, «on entend beaucoup de “il faut une femme présidente”», concède Patrice Anato. Aurore Bergé a donc sauté sur l’occasion, elle qui ambitionnait jusqu’au dernier moment un secrétariat d’État à l’Audiovisuel. Dans un texte envoyé samedi, l’ancienne juppéiste propose à la majorité d’emprunter son «propre chemin» et justifie son parcours politique face à une majorité portée sur le centre gauche. «Si j’ai choisi de quitter la droite, ce n’est pas pour que les idées de la droite conservatrice l’emportent!», écrit-elle. «Aurore Bergé incarne l’ouverture. C’est quelqu’un de nouveau. Je suis plutôt de gauche, son parcours ne me pose aucun problème», prêche en néoconverti le député Olivier Damaisin (Lot-et-Garonne). «Elle ne lâche rien», ajoute-t-il.
«Un plan B»
L’un de ses concurrents voit plutôt dans sa candidature l’expression de son opportunisme. «Pour Bergé et Castaner, la présidence du groupe est un plan B», griffe-t-il. «Il faut connaître le groupe et en avoir envie. Sinon il faut faire autre chose», rétorque un peu chafouine Aurore Bergé, qui voit en cette élection le «dernier moment de ressaisissement collectif pour notre groupe».
«J’ai envie d’être candidat à la présidence de notre groupe» a fait aussi savoir Christophe Castaner dans un message lapidaire, ajoutant vouloir «renouer pleinement à l’Assemblée, avec cet esprit de conquête né pendant la campagne». «Castaner connaît bien la maison, mais cela fait trois ans qu’il n’y est plus dans cette maison», raille Damaisin.
Il faudra que le nouveau président de groupe travaille étroitement avec le premier ministre, Jean Castex, dans une logique de combat, pour la réélection d’Emmanuel MacronBruno Bonnell, député du Rhône
Ancien député socialiste, Castaner n’a jamais siégé sous le quinquennat d’Emmanuel Macron. L’ex-ministre de l’Intérieur a ajouté qu’il souhaitait renouveler Marie Lebec en tant que première vice-présidente, un rôle qu’elle assume déjà auprès de Gilles Le Gendre. «Castaner n’a pas beaucoup d’ancrages dans le groupe. Se présenter avec Marie Lebec, c’est une façon de se mettre dans les pas de Le Gendre», analyse l’un de ses concurrents. L’intéressé préfère la jouer fédérateur. «C’est une élection interne au groupe. Elle se prépare et se fait avec les députés. Dans un lien direct, pas par presse interposée.»
Un autre facteur sera le catalyseur de l’élection, selon Bruno Bonnell. «Il faudra que le nouveau président de groupe travaille étroitement avec le premier ministre, Jean Castex, dans une logique de combat, pour la réélection d’Emmanuel Macron», insiste le député du Rhône. Au milieu des grillons, sa langue fourche un instant, et le combiné crache: «Castanex».
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Source:© La présidence du groupe LREM aiguise les appétits