DÉCRYPTAGE – La flambée de la taxe foncière, à Paris comme dans de nombreuses villes, fait grimper l’inquiétude des propriétaires, déjà soumis à de lourdes contraintes financières et réglementaires.Source:© La grande colère des propriétaires immobiliers
DÉCRYPTAGE – La flambée de la taxe foncière, à Paris comme dans de nombreuses villes, fait grimper l’inquiétude des propriétaires, déjà soumis à de lourdes contraintes financières et réglementaires.
Rien ne va plus sur le front de la pierre. Entre colère et angoisse, les propriétaires immobiliers tirent la sonnette d’alarme alors que l’État comme les collectivités locales n’ont de cesse de les assommer d’impôts, de taxes et de contraintes en tout genre. Dernier tir en date: l’annonce par Anne Hidalgo, en quête désespérée de moyens financiers pour renflouer les caisses de la ville de Paris, d’une augmentation de plus de 50 % de la taxe foncière, dont le taux passerait en 2023 de 13,5 % à 20,5 %. Soit une hausse de 7 points de pourcentage et, à la clé, plusieurs centaines de millions d’euros que les propriétaires devront payer en plus.
Et ce n’est pas tout, car les valeurs cadastrales locatives progresseront de 7 % en France l’an prochain (après 3,4 % en 2022 et +12,2 % en dix ans). «L’augmentation des taxes foncières s’inscrit dans une tendance de fond que l’on observe dans de nombreuses villes remarque Christophe Demerson, président de l’Union nationale des propriétaires immobiliers (UNPI). En France, les taxes foncières ont augmenté de 24,9 % en l’espace de dix ans. Alors qu’en parallèle, la hausse des loyers était de 7,5 % et l’inflation de 10,4 %. C’est dire le poids toujours plus douloureux de la fiscalité supportée par les propriétaires! Mais faut-il s’en étonner, alors que la disparition de la taxe d’habitation conduit inévitablement les maires à rechercher de nouvelles ressources pour financer le niveau toujours plus important des dépenses communales?»
L’équation devient impossible pour de nombreux propriétaires qui nous disent ne plus pouvoir faire face à l’augmentation de leurs charges, notamment fiscales
Christophe Demerson, président de l’Union nationale des propriétaires immobiliers (UNPI)
Les choses ne devraient pas s’arranger, alors que les subventions de l’État aux collectivités locales diminuent année après année. Or, les besoins restent identiques: il faut toujours éclairer les rues, chauffer les piscines, entretenir les stades… Comment, par exemple, trouver à l’avenir les moyens de financer la rénovation énergétique des bâtiments publics sinon en puisant dans la poche des propriétaires? Une urgence alors que l’envolée des prix de l’énergie générera l’an prochain un surcoût de dépenses publiques évalué à 11 milliards d’euros: presque le tiers des 36 milliards d’euros que rapportent les taxes foncières en France!
«L’équation devient impossible pour de nombreux propriétaires qui nous disent ne plus pouvoir faire face à l’augmentation de leurs charges, notamment fiscales, reprend Christophe Demerson. Il y a parmi les propriétaires occupants de nombreux retraités appartenant à la classe moyenne dont les revenus ont diminué quand ils ont quitté la vie active ou que l’un des membres du couple se retrouve veuf. Depuis deux ou trois ans, nombre d’entre eux sont pris à la gorge. On voit de plus en plus fréquemment des gens vendre un bien, ou recourir au viager, par exemple.»
Les propriétaires bailleurs également touchés
Pour les jeunes actifs, qui se sont fortement endettés ces dernières années pour se loger dans les grandes villes, proches des bassins d’emploi, en profitant des taux bas, souvent sur des longues durées, l’équation n’est pas simple non plus: pour les primo-accédants, chaque euro du budget familial compte. À Paris notamment, où l’effort financier consacré au logement est considérable, la flambée de la taxe foncière va devenir problématique pour certains, qui, ne pouvant assumer cette hausse en plus de leurs mensualités d’emprunt, pourraient devoir vendre leurs biens à des prix revus à la baisse. Mais cela fera peut-être les affaires de la Mairie, qui pourra ainsi préempter leurs appartements à moindre coût en vue d’augmenter le nombre de logements sociaux…
La situation des propriétaires bailleurs n’est guère plus enviable. La rentabilité n’est plus là, avec des loyers plafonnés dans les grandes villes et un indice de référence des loyers – qui sert de base à la revalorisation de ces derniers – lui-même contraint par une limitation de principe à 3,5 % dans le cadre de la loi pouvoir d’achat, d’août 2022. Et cerise sur le gâteau, les bailleurs devront en prime se mettre aux normes des nouvelles exigences en matière énergétique, en engageant des travaux de rénovation parfois importants sans lesquels ils ne pourront plus louer leurs biens. Certains préféreront sans doute les retirer du marché locatif, déjà très tendu à Paris comme dans nombre de grandes villes de l’Hexagone. Voilà qui n’arrangera pas les difficultés des plus jeunes à se loger.