Suivant l’un de ses dogmes, cette Église chrétienne, à laquelle appartient Mike Pence, milite pour l’installation des Juifs dans l’antique Judée-Samarie.
Suivant l’un de ses dogmes, cette Église chrétienne, à laquelle appartient Mike Pence, milite pour l’installation des Juifs dans l’antique Judée-Samarie.
L’ambassade américaine auprès d’Israël, dont le transfert à Jérusalem a été ordonné le 6 décembre dernier par Donald Trump, ne sera pas la première institution à revendiquer ce statut. Depuis 1980, une «ambassade chrétienne internationale» témoigne en effet du soutien sans faille que certaines communautés évangéliques établies aux États-Unis, en Amérique du Sud, en Asie et ailleurs ont choisi d’apporter à l’État hébreu. Logée dans un élégant hôtel particulier de l’ancienne colonie allemande, cette organisation débourse chaque année plus de vingt millions de dollars pour financer l’immigration juive, porter secours aux survivants de l’Holocauste et soutenir les colonies israéliennes de Cisjordanie. «Au contraire des Églises établies, qui se sont souvent montrées hostiles envers les Juifs, nous sommes ici pour réparer tout le mal qui leur a été fait par le passé», indique David Parsons, son vice-président.
Convaincus que le retour du peuple juif sur l’antique terre d’Israël, y compris en Cisjordanie, est un préalable nécessaire à l’accomplissement des prophéties bibliques, les chrétiens évangéliques n’ont pas dissimulé leur satisfaction lorsque le président des États-Unis a reconnu Jérusalem comme capitale de l’État hébreu. Ces derniers jours, la fondation chrétienne Friends of Zion a financé l’installation, dans le centre-ville, de dizaines de pancartes souhaitant la bienvenue à Mike Pence. Profondément croyant, le vice-président partage leur foi dans la dimension messianique du sionisme et semble avoir personnellement influencé la décision de Donald Trump. «Cette visite est pour lui une consécration qui couronne un engagement ancien et inébranlable en faveur d’Israël», affirme David Parsons, dont l’unique regret est que M. Pence n’ait pas trouvé le temps de rencontrer à cette occasion les représentants du courant évangélique.
Faciliter l’aliyah
Organisation atypique, l’«ambassade chrétienne» fut créée en réponse à la crise diplomatique que déclencha le vote, à la Knesset, d’une loi proclamant la souveraineté israélienne sur l’ensemble de Jérusalem. À l’appel de l’Assemblée générale des Nations unies, les treize ambassades alors implantées dans la ville furent transférées à Tel-Aviv pour protester contre cette décision unilatérale. «Tandis que nos pays tournaient le dos à Israël, nous avons jugé important d’afficher notre solidarité avec Israël», plaide David Parsons. En partenariat avec l’Agence juive et à côté d’autres organisations évangéliques, l’«ambassade» a depuis déboursé 55 millions de dollars pour faciliter l’aliyah, le départ vers Israël, de 140.000 Juifs originaires d’ex-URSS, d’Inde et d’Éthiopie – mais aussi de France, où 4000 candidats auraient bénéficié de son aide depuis 2010. Au cœur de la Cisjordanie, elle finance la construction et l’entretien d’infrastructures au bénéfice des colons israéliens. «On ne diabolise personne», euphémise M. Parsons, qui met par exemple en avant les travaux menés dans une synagogue de Kiryat Arba, l’une des implantations les plus radicales de Cisjordanie.
Cette posture, minoritaire mais influente, est évidemment rejetée par la plupart des Églises de Terre sainte. Dans une déclaration commune publiée en août 2006, le patriarche latin (catholique) ainsi que ses homologues syriaque, anglican et luthérien ont accusé les chrétiens sionistes de propager «de faux enseignements qui corrompent les messages bibliques d’amour, de justice et de réconciliation» pour «embrasser les plus extrêmes positions idéologiques des sionistes, au risque de faire obstacle à une paix juste entre la Palestine et Israël». Ce divorce trouve une illustration frappante dans le fait que Mike Pence n’a prévu de rencontrer aucun dignitaire chrétien durant sa visite de deux jours à Jérusalem. À la veille de son arrivée, Hanan Ashrawi, qui siège au comité exécutif de l’Organisation de libération de la Palestine, a martelé: «J’appartiens à la plus ancienne tradition chrétienne du monde et je ne crois pas que Dieu ait ordonné que les Palestiniens soient traités avec une telle injustice.»
Balayant ces critiques, David Parsons affirme qu’il respecte les chrétiens de Palestine mais laisse entendre que ceux-ci critiquent Israël sous le poids de la contrainte. «Mes frères de Bethléem, comme la plupart des minorités chrétiennes du Moyen-Orient, subissent la domination islamique et se sentent obligés de faire cause commune avec les autres Palestiniens», assure-t-il. De façon plutôt curieuse, il affirme même savoir de source sûre que «le patriarche d’une des grandes Églises implantées à Jérusalem a débouché le champagne lorsque Trump a fait son annonce».
Le message des chrétiens évangéliques, aujourd’hui salué en Israël, y a parfois été accueilli avec défiance. Les juifs religieux savent pertinemment que les chrétiens évangéliques voient essentiellement leur retour à Sion comme un prélude à leur conversion avant le retour du Christ sur terre. Mais ils semblent s’être résignés à mettre leurs réserves en sourdine au nom d’un «engagement commun contre le spectre de l’islamisme radical». S’adressant en août dernier, par vidéoconférence, à un parterre de chrétiens évangéliques américains, Benyamin Nétanyahou a ainsi tenté de faire oublier les revendications nationales palestiniennes en résumant: «Nous sommes engagés dans une lutte de civilisation – une lutte entre les sociétés libres et les forces de l’islam militant.»
Jérusalem: Mike Pence enfonce le clou
Premier vice-président américain à s’exprimer devant la Knesset, Mike Pence y a prononcé lundi un discours empreint de ferveur religieuse et répondant point par point aux attentes des dirigeants israéliens. Invité dimanche par le roi Abdallah II de Jordanie à «rétablir la confiance» après la reconnaissance, par Donald Trump, de la souveraineté israélienne sur Jérusalem, il a au contraire choisi d’enfoncer le clou. «L’Amérique se tient au côté d’Israël, a-t-il déclaré. Vos valeurs sont nos valeurs et vos combats sont nos combats.» Devant un auditoire aux anges – à l’exception des treize députés de la Liste arabe unie, qui ont été expulsés après avoir provoqué un incident de séance -, il a promis que la nouvelle ambassade des États-Unis à Jérusalem ouvrira ses portes «d’ici à la fin de l’année prochaine».
Sans une allusion aux remous provoqués par cette décision, Mike Pence a réaffirmé qu’elle ne préjuge en rien le résultat de futures négociations sur les limites de la souveraineté israélienne à Jérusalem. «Les États-Unis soutiendront la solution des deux États si c’est le choix que font les deux parties», a-t-il affirmé, avant de blâmer les Palestiniens pour leur récente décision de contester l’effort de paix de l’Administration américaine. «Nous les pressons de revenir à la table des négociations», a-t-il encore déclaré.
Se faisant l’écho de l’impatience israélienne, il a enfin appelé l’Europe à corriger rapidement l’accord sur le nucléaire iranien et a conclu: «Les États-Unis ne permettront pas que l’Iran se dote de l’arme atomique.»
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Source:© La croisade des évangéliques en faveur d’Israël