FIGAROVOX/CHRONIQUE - Le RN a déclenché une polémique en briguant la présidence du groupe d'études sur l'antisémitisme à l'Assemblée nationale. Pour l'avocat, ce parti a pourtant rompu avec ses membres au passé peu glorieux, contrairement à la France insoumise.
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Gilles-William Goldnadel est avocat et essayiste. Chaque semaine, il décrypte l’actualité pour FigaroVox.
Le Rassemblement national a postulé pour la présidence du groupe d’études sur l’antisémitisme à l’Assemblée nationale. La décision devrait être prise le 7 décembre prochain. Or d’aucuns, ici ou là, dans et hors la communauté juive française, y voient une manière de sacrilège. Au-delà de son aspect politique, relativement mineur quoique symbolique, mon lecteur voudra bien voir dans cette chronique un prétexte pour aborder une question majeure. Il s’agit d’observer et questionner les résistances à aborder la question de l’antisémitisme réel de manière rationnelle.
Constatons de prime abord que le Rassemblement national a rompu définitivement les attaches avec certains membres du Front national au passé peu glorieux. Ce passé est derrière lui et je mets au défi quiconque de me citer une déclaration antisémite d’un de ses députés élus. Au surplus, c’est souvent le RN qui est aujourd’hui le plus prompt à réagir lorsqu’en France un juif est victime de violences dont ajouter qu’elles sont islamistes relève du pléonasme. Plus remarquable encore, lors du bref conflit estival opposant Israël au Djihad Islamique, les membres du RN furent les premiers à dire leur solidarité avec la population israélienne tandis que l’extrême gauche n’hésitait pas à soutenir de fait le mouvement terroriste. Par le passé, certains membres du Front national avaient pris des positions autrement plus critiquables.
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L’auteur de l’article, ce n’est pas un secret, est de ceux qui depuis trop d’années s’est élevé contre le strabisme d’une partie de la communauté juive organisée, fascinée par un fascisme imaginaire mais indifférente à la montée d’un islamisme allié à l’extrême gauche. Cette cécité idéologique a eu comme conséquence dramatique principale de ne pas voir que l’immigration massive représentait un danger dont les juifs français allaient être les premiers à payer un prix sanglant, les poussant à l’exil souvent. Sous les coups de boutoir de cette terrible réalité, les esprits, notamment au sein de la communauté précitée, ont remarquablement évolué. En quantité comme en qualité.
Yaël Braun-Pivet a cru devoir prendre position publiquement contre l’éventualité du RN à la présidence du groupe d’études sur l’antisémitisme. Elle crut devoir évoquer le nazisme. Mais, en juif du réel, je sais que l’antisémitisme a muté.
Gilles-William Goldnadel
C’est ainsi que les époux Klarsfeld, chasseurs de nazis légendaires, au grand dam de certains esprits que nous tenons pour rétrogrades pour ne pas écrire réactionnaires, ont rendu visite à Louis Aliot dans sa bonne ville de Perpignan. Comment donc expliquer ces oppositions à la proposition de présidence de cette Commission? Un esprit sans préjugé serait porté à penser que le projet d’un parti au passé controversé se proposant de s’atteler à la lutte contre ce qu’il considère ouvertement comme un fléau devrait être salué par toutes les personnes de bonne volonté. Et pris au mot.
Pourtant, tel n’est pas le cas pour certains. Ou plutôt pour certaines. C’est ainsi que Yaël Braun-Pivet a cru devoir prendre position publiquement contre cette éventualité. Tenant la présidente de l’Assemblée nationale en estime, j’avoue avoir été déçu qu’en dépit de ses hautes fonctions, elle crut devoir déchoir en descendant de son perchoir pour évoquer non seulement ses origines mais encore le nazisme. «Il va y avoir un vote. Mais en tant que petite fille d’immigrés juifs qui ont fui le nazisme, oui je m’oppose au fait que le Rassemblement national puisse obtenir la présidence du groupe de travail sur l’antisémitisme à l’Assemblée» («C’est à vous» sur la 5).
Cette étrange sortie me rappelle celle, bien plus obscène, d’Agnès Buzyn: «Madame Le Pen n’est pas la bienvenue pour évoquer la Shoah». Il se trouve précisément que la présidente du Rassemblement national venait de rendre hommage aux victimes de celle-ci… Dans ces conditions, et n’étant pour ma part nullement tenu à une obligation de particulière réserve, je me crois autorisé à évoquer mon histoire personnelle. J’ai perdu une partie des miens dans les chambres à gaz. Pas un jour sans que je n’y pense, même si je n’évoque que rarement le sujet. Mais, en juif du réel, je sais que l’antisémitisme a muté et je sais les dégâts commis par un antinazisme devenu fou. Je me perds en conjectures pour voir le rapport même ténu entre le nazisme et Sébastien Chenu.
Je ne sais faire le départ entre les petits calculs politiques mesquins et les grands fantasmes du passé, encore qu’il puisse y avoir compatibilité. Je sens bien que sous l’arrière-pensée sordide habite l’inconsciente nostalgie de l’extrême droite fascisante qui procure d’étranges frissons. Sous le refus de cette fameuse dédiabolisation, la peur métaphysique de perdre ce diable si bon à détester. Mais cette posture insensée incite aux plus grandes indécences. C’est ainsi que deux députés d’extrême gauche, Thomas Portes et Sandrine Rousseau, n’étant victimes d’aucun ostracisme politique semblable sur la question juive, se sont sentis en droit de protester contre le projet dont il s’agit.
Je n’aurai pourtant pas assez d’un livre en dix volumes pour documenter l’antisémitisme vivant et virulent sévissant dans leur camp. Je me contenterai en conséquence de deux exemples récents montrant combien la gauche extrême raffole des tueurs de juifs. C’est la députée Obono, puissance invitante de l’antisémite Corbyn à Paris, et camarade de la militante Houria Bouteldja, connue pour ses propos antisémites, qui a manifesté en faveur d’Ibrahim Abdallah, complice de l’assassinat d’un diplomate israélien. C’est son collègue Insoumis, le faux martyr Carlos Bilongo, qui en a fait de même en faveur d’un autre terroriste ayant été condamné pour avoir tenté d’attenter à la vie d’un rabbin.
Au-delà des bas calculs politiciens, ou plutôt dessous eux, il réside, je l’ai écrit, un antifascisme d’opérette qui relève à la fois du calcul sordide et du fantasme idéologique.
Gilles-William Goldnadel
Et pourtant, si d’aventure, la France insoumise avait eu la prétention de présider la Commission, je gagerais qu’elle ne se serait pas heurtée à la même opposition. Au-delà des bas calculs politiciens, ou plutôt dessous eux, il réside, je l’ai écrit, un antifascisme d’opérette qui relève à la fois du calcul sordide et du fantasme idéologique. Sa plus récente et odieuse manifestation – qui ne concerne pas directement la communauté juive – a été passée sous silence médiatique, précisément par ce qu’elle est l’œuvre de l’extrême gauche.
Je me fais donc le devoir de l’évoquer ici. Il s’agit de ce conseiller parlementaire du député Insoumis Gabriel Amard, gendre de Jean-Luc Mélenchon. Celui qui a pour nom Allan Brunon et qui fut adoubé comme candidat de la Nupes dans l’Isère n’a pas craint de se réjouir ouvertement du décès d’un jeune militant RN, Kevin Cormillot, mort d’un cancer à 26 ans. On pèsera sa méchanceté à l’aune de l’immondice qu’il posa sur Twitter sous l’avis de son décès. «Il retrouvera en enfer ses idoles. Les Léon Gaultier, les Pierre Bousquet et les autres Waffen-SS, fondateurs du FN». Aucun Insoumis n’a estimé devoir condamner une telle vilenie. Tout simplement parce que personne, pas même la présidente de l’Assemblée nationale, qui tança un certain de Fournas, n’estima devoir lui demander raison. Sous l’inéquitable iniquité, la poursuite sans pitié de l’impunité.