[perfectpullquote align=”full” bordertop=”false” cite=”” link=”” color=”” class=”” size=””]FIGAROVOX/CHRONIQUE – Gilles-William Goldnadel se dit capable de rire de tout, mais à condition que ce soit vraiment tout. Quand la télévision publique censure les blagues sur les violences conjugales mais diffuse des plaisanteries à propos de la Shoah, notre chroniqueur se demande si l’indignation médiatique n’est pas sélective.[/perfectpullquote]
Gilles-William Goldnadel est avocat et essayiste. Il est président de l’association France-Israël. Toutes les semaines, il décrypte l’actualité pour FigaroVox.
Je voudrais cette semaine radiographier la télévision publique avec une drôle d’histoire d’histoires drôles.
C’est avec ce genre de petites choses, qu’on comprend bien des choses.
J’avais traité dans ces mêmes colonnes il y a quelques semaines des mésaventures du malheureux Tex, qui a été renvoyé séance tenante par Mme Ernotte, présidente de France 2, sur dénonciation de Mme Schiappa, pour avoir osé faire de l’humour noir sur une femme à l’œil au beurre noir.
Cette semaine, sur la même télévision de service public mais dans le cadre encore plus noble et sérieux du journal télévisé, une rubrique était consacrée à ces «femmes humoristes qui osent tout».
Ci-après, plaisanterie soigneusement sélectionnée par la télévision d’état pour présenter l’humoriste belge Laura Lane, sur scène et sous les rires du public: «Quelle est la différence entre les juifs et les baskets? Réponse: aucune, on en trouve plus en 39 qu’en 45»…
Je pourrais commencer par vous dire, et je suis sûr que parmi mes lecteurs beaucoup le pensent, que les deux plaisanteries ne sont en rien équivalentes. Que l’une concerne une femme battue imaginaire tandis que l’autre concerne six millions d’hommes, de femmes et d’enfants qui, pour être partis en fumée, ont réellement existé.
Mais, que mes lecteurs me pardonnent, je ne me situe pas sur ce terrain miné et n’entends pas m’y arrêter.
Je suis de ceux qui pensent qu’on peut rire de tout, à condition que ce soit réellement de tout.
Or, la faute impardonnable mais tellement idéologiquement explicable de France 2 réside dans son esprit de sélection.
Pendant que l’on célèbre l’audace d’une humoriste femme au moyen de la violation du plus grand des tabous, on vire comme un malpropre un beauf bien blanc pour avoir osé plaisanter sur le tabou idéologique du moment. La femme humoriste peut tout se permettre tandis que le blanc mec est déjà un suspect.
Dès lors, la plaisanterie sur la Shoah dûment sélectionnée, me reste à travers le gosier.
Le deux poids, deux mesures valide donc le fait que sur cette télévision publique qui m’appartient aussi, on a le droit de rire des enfants morts mais pas des femmes battues. Mais l’humour noir à demi, n’est pas l’humour du tout. Et du coup, voilà que cette plaisanterie qui aurait pu, je l’avoue, me faire sourire, ne me fait plus rire du tout.
Mais plutôt que de pointer Laura Lane, ce que je trouverais injuste, je réclame que Tex ne soit plus à l’index.
Pour rester et finir sur le terrain de la mauvaise plaisanterie, je voudrais évoquer le comte de Paris.
Celui-ci a saisi le CSA, s’agissant de l’émission de RTL les Grosses Têtes, animée par Laurent Ruquier.
Le 2 janvier, alors qu’était évoquée la mort de son fils aîné, handicapé mental, décédé le 30 décembre, l’animateur a demandé aux participants où allait être enterré le prince François de France.
S’en est suivie une série de blagues sur les handicapés mentaux qui n’ont pas fait rire le père éploré.
Jusqu’à présent, le CSA, qui a lui aussi ses humeurs sélectives, est resté l’arme au pied.
Henri de France pourrait se demander, naïvement, ce qui peut pousser de bons esprits à en faire du mauvais lorsqu’il arrive le pire qui soit à des parents: d’enterrer leur enfant.
Il faut bien mal connaître l’âme l’humaine pour ignorer, ce que De Gaulle à Chirac on sait bien, que c’est ce qui arrive au plus fragile des enfants qui fait le plus grand mal.
Mais désolé Monsieur le Comte, les handicapés ne font pas partie des fausses victimes sacrées.
Ils sont trop authentiques pour être respectés par les petits marquis de la gauche médiatique.
Source:© Gilles-William Goldnadel : «L’humoir noir à demi n’est plus l’humour du tout»