
Entre déplacements mouvementés et remontées d’élus catastrophés, Emmanuel Macron a (enfin) pris conscience de l’ampleur de la détestation à son endroit. Mais son allocution de ce lundi 10 décembre à 20 heures et des annonces ne suffiront pas à renouer le fil avec les Français.
Entre déplacements mouvementés et remontées d’élus catastrophés, Emmanuel Macron a (enfin) pris conscience de l’ampleur de la détestation à son endroit. Mais son allocution de ce lundi 10 décembre à 20 heures et des annonces ne suffiront pas à renouer le fil avec les Français.
C’est devenu un classique du quinquennat. Sous Jacques Chirac comme sous François Hollande en passant par Nicolas Sarkozy, à chaque fois est arrivé ce moment où le lien entre le président de la République et les Français s’est brisé. Pas distendu, pas fragilisé, mais bel et bien brisé net. Le moment où l’état de grâce s’est transformé en défiance, puis la défiance en détestation chez une grande partie de la population. Tel est l’état d’Emmanuel Macron, après trois semaines d’ébullition des gilets jaunes. Alors que sa cote de popularité plonge dangereusement vers les 20% d’opinions favorables, la personne du chef de l’Etat est plus que jamais au coeur de la contestation. « Macron démission ! », entend-on en boucle sur les ronds-points et dans les manifestations, tandis que les évènements intitulés « Pot de départ de Macron » prolifèrent sur les groupes Facebook des gilets jaunes.
Flot de huées et d’injures au Puy-en-Velay
Cette haine, Macron n’en a pris véritablement la mesure que la semaine dernière, en rentrant du G20 de Buenos Aires, au lendemain du samedi de guérilla urbaine à Paris. Le dimanche, le chef de l’Etat se rend à l’Arc de Triomphe saccagé : des restes de tags « Macron démission » subsistent sur le monument et le président s’attire quelques sifflets en saluant les forces de l’ordre. Le mardi, il se rend sans micro ni caméra au Puy-en-Velay, où la préfecture de la Haute-Loire a été saccagée : en sortant du bâtiment, c’est un flot de huées et d’injures qui s’abat sur son convoi, que certains habitants vont jusqu’à courser dans les rues.ACTUALITÉ DES MARQUES Le spectacle du Crazy Horse dès 85€ Inspired by
La violence du moment remue Emmanuel Macron. Lui qui avait théorisé, en 2015, l’absence dans la politique française de « la figure du roi », dont il « pense fondamentalement que le peuple français n’a pas voulu la mort », s’aperçoit qu’en réalité, le spectre de la guillotine plane toujours. « Quand il a été confronté à une telle haine, Sarkozy rappelait que le peuple français était allé jusqu’à couper la tête d’une reine. Macron a compris ça à ce moment-là », rapporte une ex-ministre membre de la galaxie macroniste.
Il n’a pas une connaissance charnelle et intime de ce qu’il y a dans la tête, le cœur, les reins, les tripes de nos contemporains
Une prise de conscience tardive, résultat d’une déconnexion diagnostiquée pourtant depuis des mois dans tous les camps politiques. « La fonction isole », soupire un député LREM. Mais au-delà de cette solitude élyséenne, de nombreux élus pointent le parcours et l’inexpérience politique du chef de l’Etat, qui n’a jamais eu de mandat local ni parlementaire. « Il n’a pas une connaissance charnelle et intime de ce qu’il y a dans la tête, le cœur, les reins, les tripes de nos contemporains », analyse l’expérimenté sénateur Philippe Bas, élu Les Républicains de la Manche et secrétaire général de l’Elysée sous Chirac
Dans la seconde moitié de la semaine, Emmanuel Macron tente donc une opération reconquête. L’annulation d’une visite prévue en Serbie lui laisse le temps de consulter à tout-va. Vendredi, il reçoit à l’Elysée une quinzaine de maires des Yvelines et esquisse un mea culpa, notamment sur la réduction des 5 euros d’APL et les 80 km/h. Pas question, en revanche, de s’exprimer publiquement avant la manifestation de samedi : il laisse Edouard Philippe monter en première ligne, soucieux de ne « pas mettre d’huile sur le feu », de l’aveu même de l’un de ses proches, le président de l’Assemblée nationale Richard Ferrand. Signe que le chef de l’Etat a compris le caractère inflammable de ses apparitions.
“Une demande d’amour”, vraiment ?
Avant son allocution de ce lundi soir, il a d’ailleurs tenu à mettre en scène une matinée de concertation fourre-tout, en réunissant autour d’une table syndicats, présidents des assemblées et représentants des élus locaux. « Je lui ai dit qu’il y avait un problème lié à sa personne et à sa relation avec les Français », raconte Hervé Morin, président de la région Normandie et de l’association Régions de France. Macron n’a, lui, rien livré de son état d’esprit. « On voit qu’il est marqué, mais c’est tout », glisse Morin.
Le fil est-il définitivement rompu ? « Quand il y a de la haine, c’est qu’il y a aussi une demande d’amour », a philosophé Macron jeudi dernier, selon une phrase glissée par son entourage au JDD. Reste qu’une allocution et des annonces ne suffiront évidemment pas à remonter la pente. Avant lui, Sarkozy et Hollande n’y étaient jamais parvenus…
Source : Gilets jaunes : la semaine où Macron a compris qu’il était haï