INFO LE FIGARO – Lors de son interrogatoire, que Le Figaro a pu consulter, le meurtrier de cette sexagénaire juive a nié tout motif antisémite et assuré que «ça aurait pu tomber sur n’importe qui».
«J’ai tué le sheitan!» (le démon, en arabe), avait-il hurlé en voyant le corps de sa victime écrasé au sol, trois étages plus bas. Plus de trois mois après le meurtre de Sarah Halimi, sexagénaire juive défenestrée le 4 avril à Paris, son voisin Kobili Traoré, 27 ans, a été mis en examen la semaine dernière pour «homicide volontaire». Les conclusions du rapport psychiatrique sont attendues avant fin août. Les avocats déplorent que les «tortures» dont cette ancienne directrice de crèche aurait été victime, selon plusieurs témoins, n’aient pas été prises en compte.
Quant à la circonstance aggravante d’antisémitisme, elle n’a pas été retenue à ce stade. De quoi susciter la «colère» de la communauté juive. Lors de la cérémonie de commémoration de la rafle du Vél’ d’Hiv’ dimanche, Emmanuel Macron l’a mentionné: «Malgré les dénégations du meurtrier, la justice doit faire désormais toute la clarté sur la mort de Sarah Halimi.» Après l’un des conseils de la famille, Me Gilles-William Goldnadel, Joël Mergui, président du Consistoire central, vient de demander «au premier ministre et au procureur» qu’un «réquisitoire supplétif» soit ajouté, afin de «sortir cette affaire dramatique du cadre des faits divers».
C’est vers 4 heures du matin, le 4 avril, que Traoré s’introduit chez sa voisine du dessus, qui habite depuis plus de vingt ans cette HLM du XIe arrondissement de Paris. Il est d’abord passé par l’appartement d’une famille d’amis maliens, qui ont porté plainte pour «séquestration». Dans le dossier, auquel Le Figaro a eu accès, ces voisins, enfermés dans leur chambre, rapportent avoir entendu «“Ça va être la mort”, à plusieurs reprises, entre deux répliques du coran.» Le jeune homme racontera avoir ressenti «des bouffées d’angoisse» depuis la veille, se sentant «comme possédé par une force démoniaque». Pourtant, l’homme n’a aucun antécédent psychiatrique. Est-ce la dizaine de joints qu’il dit avoir fumés ce jour-là? Le film violent qu’il a visionné?
Lors de son interrogatoire, le 10 juillet, il assure «ne pas savoir où» il est, lorsqu’il pénètre, par le balcon, dans l’appartement de Mme Halimi. Il voit d’abord «la Torah». Puis «la dame qui s’est réveillée», à laquelle il lance «Appelez la police, on va se faire agresser». Il la «tape avec le téléphone», les poings. «Je ne sais pas ce qui m’a pris, je l’ai jetée par la fenêtre, conclut-il. C’est horrible.» Dans la cour, un officier de police judiciaire décrira un visage «quasiment méconnaissable».
Pour Me Jean-Alexandre Buchinger, avocat des trois enfants de la victime, «c’est un assassinat en direct» qu’ont vécu les habitants des immeubles alentour. À 4h45, Laurent D, qui a une vue plongeante sur le balcon de Mme Halimi enregistre même une partie du drame. «J’ai entendu une espèce de chien qui pleure ou bien un bébé, dit-il. Je vois une silhouette en train de cogner une autre personne au sol. J’entends “Tu vas fermer ta gueule, grosse pute”, “salope”, “tu vas payer”. Et là je réalise qu’il ne s’agit pas des cris d’un enfant, mais d’une femme d’un certain âge qui est en train de souffrir le martyre. L’homme se met à crier “Allah akbar”, en alternant avec “Que Dieu me soit témoin”». «Le type a compris que la BAC était là, poursuit le voisin. Il dit : “Appelez la police, il y a une femme, elle va se suicider”.» Une «présence d’esprit» soulignée par Me Buchinger, qui note aussi «le discours sensé» de «l’assassin».
Oui, Kobili Traoré savait que sa voisine était juive. Elle portait «des habits traditionnels pour aller à la synagogue», reconnaît le meurtrier, et ses enfants «la kippa». Mais «ça aurait pu tomber sur n’importe qui», souligne-t-il, tandis que son avocat, Me Thomas Bidnic, précise que son client conteste «toute motivation antisémite». Me Goldnadel, lui, n’a «pas de doutes» : «Dans le bagage intellectuel de tout islamiste, il y a l’antisémitisme, martèle-t-il. Le frère de Mme Halimi a indiqué que sa sœur lui avait dit avoir peur de Traoré, qui l’avait traitée de sale juive.» Placé sous mandat de dépôt, Kobili Traoré reste hospitalisé en attendant que son état soit compatible avec une incarcération en maison d’arrêt.
Source :© Le Figaro Premium – Affaire Sarah Halimi : ce que révèle le dossier