Le dirigeant du parti Bleu Blanc devient président de la Knesset et se prépare à participer à un gouvernement d’union avec M. Nétanyahou.
Le général Benny Gantz est fatigué. Las des divisions insolubles de son mouvement, Bleu Blanc. Las après trois campagnes législatives en un an. Las de la majorité de députés qu’il avait su rassembler à la Knesset, après le dernier scrutin du 2 mars. En accord sur rien sinon sur leur détestation du premier ministre, Benyamin Nétanyahou, ils demeuraient incapables de former un gouvernement d’alternance.
Jeudi 26 mars, M. Gantz a jeté l’éponge. L’ancien chef d’état-major, entré en politique il y a un an à peine, ne cherchera pas à déposer le premier ministre. Il met de côté la promesse sur laquelle il avait rassemblé un million d’électeurs. Au contraire, M. Gantz a fait exploser son propre mouvement, dans l’espoir de rallier à terme « un gouvernement d’urgence nationale » dirigé par M. Nétanyahou. Afin de mettre fin, ensemble, à une crise politique dans laquelle l’Etat s’abîme, pour faire face à l’urgence de l’épidémie due au SARS-CoV-2.Lire aussi Israël : élu à la présidence de la Knesset, Benny Gantz demande un gouvernement d’union pour gérer la crise du coronavirus
Ce « deal » n’est pas encore public. Pour l’heure, M. Gantz s’est fait élire temporairement à la tête du Parlement, jeudi après-midi, avec le soutien du « bloc » de droite de M. Nétanyahou. Il fait ainsi barrage aux plans de son propre camp, au moment crucial où celui-ci prenait le contrôle de l’institution législative. Ils entendaient nommer à ce poste Meir Cohen, membre de la faction libérale et centriste de Bleu Blanc, opposée à tout accord avec M. Nétanyahou. Sous sa houlette, ils se proposaient de voter un projet de loi conçu sur mesure pour empêcher M. Nétanyahou de briguer un nouveau mandat, tant que durerait son procès pour corruption, fraude et abus de confiance.
« Pas des jours ordinaires »
M. Nétanyahou avait clairement indiqué que cette nomination rendrait caduques des semaines de négociations menées avec Bleu Blanc et directement avec M. Gantz. Face à cet ultimatum, le général a plié. Devant un hémicycle quasi vide – mesures anticontagion obligent –, il a mis en avant l’urgence de la crise sanitaire, et sa détermination à contribuer à la résoudre. « Ce ne sont pas des jours ordinaires : ils demandent des décisions extraordinaires, a-t-il affirmé. Ce n’est pas le moment pour les controverses et les divisions. Le moment est venu d’une direction responsable, dédiée et patriotique. Joignons nos mains et sortons Israël de cette crise. »Article réservé à nos abonnés Lire aussi En Israël, le coronavirus pris de très haut par les ultraorthodoxes
Leur alliance se noue après dix jours d’une crise inédite, lors de laquelle les partisans de M. Nétanyahou avaient refusé d’abandonner la direction de la Knesset, paralysant l’institution et défiant brièvement la Cour suprême, au risque de remettre en cause les principes d’alternance démocratique et de séparation des pouvoirs.
Les anciens alliés de M. Gantz ont pris acte de ce qu’ils considèrent comme une « traîtrise » et un « suicide politique ». Les 32 sièges de Bleu Blanc se divisent en deux blocs : M. Gantz n’est plus le maître que d’une faction de 15 parlementaires. « Tu ne peux pas ramper ainsi dans un tel gouvernement et nous dire que tu l’as fait pour le bien du pays », a affirmé Yaïr Lapid, son ancien partenaire au sein du « cockpit » de dirigeants qui pilotaient Bleu Blanc. « Nous avions fait campagne ensemble parce que Benny Gantz m’avait promis, les yeux dans les yeux, que nous ne siégerions jamais dans un si mauvais gouvernement. Je l’ai cru », a-t-il ajouté.
Selon de premières fuites dans les médias israéliens, l’accord négocié entre le premier ministre et M. Gantz paraît généreux. Le général, dont M. Nétanyahou n’a cessé de répéter depuis un an qu’il n’avait pas l’étoffe d’un chef de gouvernement, pourrait obtenir un poste de vice-premier ministre et le ministère des affaires étrangères. Son partenaire au sein du défunt « cockpit » de Bleu Blanc, Gabi Ashkenazi, pourrait obtenir la défense, et le ministère de la justice reviendrait à l’un de leurs alliés. Ce dernier poste pourrait leur permettre de garantir que le procès de M. Nétanyahou ne subisse pas de nouveau report. A la mi-mars, le ministère avait imposé aux tribunaux des mesures de précaution contre l’épidémie, qui avaient repoussé son ouverture au mois de mai.
M. Nétanyahou a aussi proposé publiquement, ces derniers jours, à M. Gantz de s’unir durant six mois, le temps de faire face à l’épidémie. Ou bien de façon plus durable, durant trois ans, en assurant qu’il laisserait à son rival la tête du gouvernement à mi-parcours, en septembre 2021. Autant dire dans une éternité. De quels moyens M. Gantz disposera-t-il alors pour le contraindre à tenir parole ? Aura-t-il la capacité de se distinguer, au fil des mois, dans l’orbite de M. Nétanyahou, qui a su effacer l’un après l’autre la plupart de ses partenaires en dix années de pouvoir ?Article réservé à nos abonnés Lire aussi Le coronavirus donne aux partisans de Benyamin Nétanyahou l’occasion de mettre le Parlement à l’arrêt
Homme de compromis
M. Lapid en a fait les frais en son temps, comme le dernier membre du « cockpit » de Bleu Blanc, le très droitier Moshe « Bogie » Yaalon, ancien ministre de la défense, qui entend lui aussi demeurer dans l’opposition. A leurs côtés, M. Gantz, militaire affable au tempérament égal, a toujours fait figure d’homme de compromis. Durant un an, il a tout subi stoïquement : les bilans psychologiques à l’emporte-pièce de M. Nétanyahou, qui s’inquiétait de son instabilité mentale, la rumeur d’une sex tape colportée par la droite, qui aurait été volée dans son téléphone par les services secrets iraniens, les fuites au sein même de sa formation, qui jetaient une lumière crue sur leurs divisions, les moqueries sur ses bégaiements face aux caméras, les accusations de traîtrise lorsque son mouvement négociait avec les partis arabes…Article réservé à nos abonnés Lire aussi Coronavirus : Israël approuve des méthodes de surveillance électronique de masse
Pourtant, dès le soir du scrutin du 2 mars, M. Gantz n’avait pas clairement exclu de former à terme un gouvernement d’union avec M. Nétanyahou. C’était une manière de respecter le résultat des urnes, puisque le pays demeurait divisé à parts presque égales entre partisans et opposants du premier ministre, et plébiscitait dans les sondages un gouvernement d’union pour sortir de l’impasse.
Le 16 mars, M. Gantz avait certes obtenu mandat du président, Réouven Rivlin, pour mener les négociations en vue de former et de diriger un gouvernement. Mais il n’avait déjà plus que de mauvaises cartes en main. Bleu Blanc s’est divisé sur le soutien que lui apportait la Liste arabe unie, un appui radioactif pour l’aile droite du mouvement. M. Gantz n’est pas parvenu à attirer des défecteurs du « bloc » de M. Nétanyahou. Et la crise sanitaire lui interdisait d’envisager de prolonger le blocage politique pour provoquer une quatrième élection.
Louis Imbert(Jérusalem, correspondant)
Source:© En Israël, Benny Gantz renonce au poste de premier ministre
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Rostolan
Le général Gantz est un homme responsable, lucide et courageux qui a su mettre l’intérêt de la Nation au-dessus des querelles d’amour-propre des partis, qui ne faisaient que défigurer le pays au plan international. Faisant cela, il a peut-être sauvegardé son avenir politique, d’autant que les ministères donnés à ses amis sont importants.
ixiane
Tout est bien qui finit bien mais l’ EU , la France en premier sont déçus , MACRON s’imaginait déjà ” travailler ” avec un certain Yaïr LAPID qu’il avait reçu un jour à l’ Elysée !!
BIBI est quand même le meilleur … intelligent , persévérant !!