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Le chef de l’Etat a présenté mardi sa vision de la sanction pénale et plaidé pour une justice qui prononce moins de peines d’emprisonnement, mais des peines mieux exécutées.

Le président de la République s’est rendu, mardi 6 mars, à l’Ecole nationale d’administration pénitentiaire (ENAP) pour annoncer le lancement du « plan pénitentiaire » qu’il avait réclamé le 15 janvier devant la Cour de cassation. Emmanuel Macron a préféré présenter sa philosophie de la justice pénale et de la peine, en refusant de s’enfermer dans une « logique immobilière ». Il ambitionne ni plus ni moins de bouleverser la façon dont la France aborde la peine de prison.

Fidèle à sa stratégie de renvoyer dos à dos une gauche qui serait laxiste et une droite qui serait sécuritaire, le chef de l’Etat veut imposer un choc de méthode et un choc des idées. Il a expliqué devant des centaines d’élèves des différents corps de métiers formés à l’ENAP (surveillants pénitentiaires, officiers, directeurs pénitentiaires, conseillers d’insertion et directeurs de tels services) son souhait d’impulser une nouvelle politique judiciaire qui fera « sortir de prison plusieurs milliers de personnes pour qui la prison est inutile, voire contre-productive ».

Tout en affirmant que cela sera « tout le contraire du laxisme ». Selon lui, le laxisme correspond à la situation actuelle où, malgré « des coups de mentons », les délais d’exécution des peines sont trop longs et leur aménagement incompréhensible. Mais c’est aussi des conditions de détention indignes, synonymes d’une prison qui manque à son devoir de protéger la société : « On fait de la prison l’antichambre de la récidive, (…) un lieu où la violence que l’on devait endiguer et apaiser fermente et se multiplie. »

« Une forme d’hypocrisie collective »

En préambule de sa « philosophie de la peine », M. Macron rappelle que « nous devons accepter une idée que trop souvent nous ne voulons plus voir : il y a du mal dans la société, avec des hommes ou des femmes qui parfois commettent le pire, et qui devront retrouver une place dans la société ». « La peine s’inscrit comme un moment d’un individu, mais n’est pas son annihilation sociale et morale », assure-t-il. Faute de se poser la question du « contenu moral et politique » de la peine (« punir, protéger la société, et réinsérer ») les gouvernements successifs ont provoqué deux maux auquel il entend répondre : l’ineffectivité ou l’illisibilité des peines et la surpopulation carcérale.

Le chef de l’Etat avait donné lors de la campagne présidentielle de 2017 sa vision personnelle de la façon dont la société doit réprimer l’auteur d’un délit : moins recourir à l’emprisonnement, mais quand une peine est décidée par un tribunal, l’exécuter rapidement.

Il est vrai que le dispositif actuel est complexe et peu lisible, au point d’alimenter une perception laxiste d’une justice qui n’a pourtant jamais autant emprisonné. Avec 69 596 personnes incarcérées au 1er février, le taux de personnes détenues en France atteint quasiment 100 pour 100 000 habitants contre 75,6 en 2001. « Nous sommes le seul pays européen à suivre cette tendance, et l’Allemagne est restée au niveau où nous étions il y a quinze ans », a affirmé M. Macron pour justifier la révolution culturelle qu’il propose.

Le début du siècle a été marqué par la disparition des grandes lois d’amnistie et grâces présidentielles. Ces mesures destinées à délester périodiquement le trop plein des prisons étaient devenues difficiles à justifier devant une opinion préoccupée par le thème de la sécurité. Elles ont été remplacées par « une forme d’hypocrisie collective » qui amène à prononcer des peines de prison inchangées « et à les aménager ailleurs », selon les mots du chef de l’Etat.

« Convertir notre regard sur la peine »

Depuis les lois de 2004 et 2009, les peines prononcées par un tribunal jusqu’à deux ans d’emprisonnement ferme peuvent faire l’objet d’aménagements en fonction du profil du condamné. De quoi ajouter des délais supplémentaires à une justice déjà débordée. Les peines ne commencent à être exécutées parfois six mois ou plus d’an après la condamnation, qui elle-même peut intervenir plusieurs années après l’infraction. Ce qui fait perdre le sens de la peine à la victime, à la société comme à l’auteur de l’infraction.

« L’effectivité » qui est selon M. Macron l’un des deux piliers de la peine avec « la dignité », passe par une réduction drastique des possibilités d’aménagement de peines. Elles ne seront plus possibles au-delà d’une peine d’un an ferme. Pour les peines comprises entre six et douze mois, le juge d’application des peines ne pourra intervenir que s’il est directement saisi par le juge correctionnel.

En revanche, convaincu que les courtes peines de prisons n’ont aucun sens, le président veut tout simplement interdire de prononcer une sanction inférieure à un mois. Les peines d’un à six mois seront exécutées hors les murs (bracelet électronique, semi-liberté ou placement extérieur auprès d’une association agréée par l’administration pénitentiaire), sauf décision motivée du juge. Quelque 90 000 peines d’un à six mois sont prononcées chaque année.

Mais la grande ambition de M. Macron est de faire en sorte que la peine de prison ne soit plus l’alpha et l’oméga de la sanction pénale, tant aux yeux des magistrats que de la société. Il parle de « convertir notre regard sur la peine ». Ainsi, le ministère de la justice travaille à une réécriture de l’échelle des peines en matière correctionnelle (pour les délits et non les crimes) qui iraient croissantes : les interdictions, les stages (désintoxication, citoyenneté, etc.), le jour-amende, l’amende, le travail d’intérêt général, la probation, le bracelet électronique, la prison.

Le travail d’intérêt général (TIG) comme le bracelet électronique ou les stages pourront ainsi devenir des peines autonomes et non des aménagements perçus comme des succédanés. C’est dans ce but qu’une agence nationale du travail d’intérêt général va voir le jour. « Nous devons rompre avec la vision utilitariste et politico- médiatique de la peine, qui n’est pas là pour répondre à une émotion de la société. » Le président souhaite également réhabiliter la contrainte pénale, que Christiane Taubira a échoué à faire entrer dans les tribunaux, en la réunissant avec le sursis avec mise à l’épreuve.

Construction de 7 000 places de prison en cinq ans

Cette nouvelle politique pénale est censée être un premier élément de réponse à la surpopulation carcérale. Le second est la construction de places de prison. S’il affirme reprendre à son compte l’objectif de 15 000 places supplémentaires annoncés en octobre 2016 par le gouvernement précédent, il va se contenter d’en construire 7 000 en cinq ans. C’est moins que prévu.

Surtout, le niveau de sécurité des établissements devrait être davantage diversifié, jusqu’aux prisons dites ouvertes. Mais il souhaite profiter des moyens ainsi dégagés pour développer l’accompagnement en prison et en milieu ouvert en créant 1 500 postes de conseillers d’insertion et de probation (sur 4 000) en cinq ans et en développant les activités pour lutter contre l’oisiveté. Car si la peine de prison doit être appliquée avec la plus grande fermeté lorsqu’elle est décidée, elle doit être utile.

Autre symbole de cette refondation voulue par le président de la République, l’insistance avec laquelle il a évoqué les droits des détenus. D’abord le droit de vote, afin qu’il puisse être exercé en détention. Le détenu est privé de liberté, pas de sa citoyenneté. La démarche est la même au sujet du droit du travail. M. Macron propose que, dans un cadre certes adapté à la prison, les personnes incarcérées qui travaillent aient un véritable contrat, avec des garanties. « On ne peut leur demander de respecter la société si on nie la dignité et les droits de ces individus », justifie-t-il.

La loi de programmation de la justice que Nicole Belloubet devrait présenter en conseil des ministres le 11 avril porte sur un champ beaucoup plus large avec notamment une réforme des procédures civile et pénale et une réorganisation du réseau des tribunaux et cours. Mais elle comportera aussi de nombreuses autres mesures sur la prison et la peine que M. Macron n’a pas évoquées à Agen. Comme la limitation pour les juges de recourir à la détention provisoire qui atteint des sommets.

Source:© Emmanuel Macron veut transformer en profondeur le recours à la peine de prison

0 Comments

  • Christian Victor Jean Bru
    Posted mars 7, 2018 9h24 0Likes

    c nous qu’il éxécucte, cet enfant
    bourreau.

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