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UN PAYSAGE POLITIQUE TOTALEMENT CHAMBOULE !

Nombreux sont ceux qui dans la communauté juive, notamment les responsables communautaires comme le Grand Rabbin Haïm Korsia ou le Président du CRIF Francis Kalifat, s’insurgent contre la décision du Conseil Constitutionnel de censurer la loi AVIA. De mon point de vue, ils ont tort, gravement tort ! Tout d’abord du point de vue du droit constitutionnel et d’autre part du point de vue de l’intérêt de notre communauté et de la lutte contre l’antisémitisme. Commençons donc du point de vue du droit !

Dans une démocratie digne de ce nom, le principe de base, le principe fondamental, le principe qui garantit les libertés fondamentales est celui de «L’Habeas Corpus».

Habeas corpus, plus exactement Habeas corpus ad subjiciendum et recipiendum, est une notion juridique qui énonce une liberté fondamentale, celle de ne pas être emprisonné sans jugement, contraire de l’arbitraire qui permet d’arrêter n’importe qui sans raison valable. En vertu du principe, toute personne arrêtée a le droit de savoir pourquoi elle est arrêtée et de quoi elle est accusée. Ensuite, elle peut être libérée sous caution, puis amenée dans les jours qui suivent devant un juge. Tout citoyen a droit à un procès équitable !

Ainsi l’acte d’Habeas corpus, proclamé en 1679, établit que tout citoyen à droit à être jugé équitablement. Et donc, que nul ne peut être privé d’une liberté quelconque si ce n’est par la décision d’un Juge.

Tel est le message repris par la Révolution Française, et institutionalisé par « La déclaration universelle des droits de l’homme et du citoyen»,  ce principe pour lequel tant d’hommes se sont battus; c’est ce principe qui a participé à la construction de la République française et à tous les combats pour la démocratie !

Ainsi,  la déclaration des droits de l’homme définit par ses articles 4, 5, 7, 8, 9, 10 et 11, les contraintes que la Nation peut imposer aux individus:

Art. 4. La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui : ainsi, l’exercice des droits naturels de chaque homme n’a de bornes que celles qui assurent aux autres Membres de la Société la jouissance de ces mêmes droits. Ces bornes ne peuvent être déterminées que par la Loi.

Art. 5.  La Loi n’a le droit de défendre que les actions nuisibles à la Société. Tout ce qui n’est pas défendu par la Loi ne peut être empêché, et nul ne peut être contraint à faire ce qu’elle n’ordonne pas.  

Art. 7. Nul homme ne peut être accusé, arrêté ni détenu que dans les cas déterminés par la Loi, et selon les formes qu’elle a prescrites. Ceux qui sollicitent, expédient, exécutent ou font exécuter des ordres arbitraires, doivent être punis ; mais tout citoyen appelé ou saisi en vertu de la Loi doit obéir à l’instant : il se rend coupable par la résistance. 

Art. 8. La Loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires, et nul ne peut être puni qu’en vertu d’une Loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée.  

Art. 9. Tout homme étant présumé innocent jusqu’à ce qu’il ait été déclaré coupable, s’il est jugé indispensable de l’arrêter, toute rigueur qui ne serait pas nécessaire pour s’assurer de sa personne doit être sévèrement réprimée par la loi.  

Art. 10. Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par la Loi.

Mais que signifient ces articles? Que seul un juge , celui qui dit la loi, peut sanctionner et éventuellement priver de liberté celui qui a enfreint la loi .

Mais, surtout, l’article 11 garantit la liberté d’opinion :
Art. 11. La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’Homme : tout Citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la Loi.
Encore une fois,  c’est la  loi qui, seule,  peut limiter cette liberté d’expression. Et, dans une démocratie, c’est le Juge, et le juge seul, qui détermine qui ne respecte pas la loi !

Or, la loi AVIA , sous le prétexte louable de lutter contre les contenus haineux sur Internet, se propose, avec grande légèreté,  de créer un observatoire de la haine en ligne, chargé du suivi et de l’analyse de l’évolution des contenus haineux, en lien avec les opérateurs, associations et chercheurs concernés. L’observatoire est placé auprès du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA). 

Mais dans une démocratie cet observatoire s’appelle un tribunal et les chercheurs concernés s’appellent des juges.

Ce type d’observatoire s’appelait jadis la « Commission de la Censure », c’est cette censure qui perdurera tout au long du XIXe siècle, jusqu’aux lois sur la liberté de la presse passées en 1880-1881 ! 

Malencontreusement, lorsque le législateur, en 1972, a décidé de réprimer l’incitation à la haine raciale par propos ou écrits tenus en public, il a cru bon d’intégrer les articles concernés dans la loi sur la liberté de la presse. Alors que, manifestement, dans nos sociétés, la haine raciale  n’est pas considérée comme une opinion mais comme un délit.

De ce fait, il eut été naturel de réprimer l’incitation à la haine raciale par le livre II du code pénal général, livre qui traite des atteintes à la personnes.

Ce combat, nous le menons au sein du B.N.V.C.A et de la C.J.F.A.I depuis des lustres. Nous avons demandé à tous les Gardes des Sceaux qui se sont succédés à remédier à cette aberration et de réprimer, comme il se doit, toute provocation ou incitation à la haine raciale par le code pénal général ce qui donnera une plus grande souplesse à la procédure et plus de liberté au juge. 

Nous y étions presque parvenus lorsque Manuel Valls était premier Ministre , et qu’il avait introduit ces dispositions dans son programme de lutte contre l’antisémitisme. L’opposition des frondeurs l’a empêché de débattre de la loi! Le Gouvernement Philippe a, malheureusement, abandonné le projet Valls et a lancé le fameux projet de lutte contre les contenus haineux sur Internet qui aboutit à la loi AVIA !

Sous prétexte du danger de ces contenus haineux, cette proposition de loi voulait obliger les opérateurs de plateforme en ligne et les moteurs de recherche à retirer dans un délai de 24 heures, après notification par une ou plusieurs personnes, des contenus manifestement illicites tels que les incitations à la haine, les injures à caractère raciste ou anti-religieuses. 

Ces notifications aboutiraient à ce fameux observatoire qui ferait donc injonction aux opérateurs de supprimer les propos ou écrits litigieux ! C’est là que le bas blesse !

Et, fort heureusement, le Conseil Constitutionnel l’a fort bien compris et dans sa décision du 18 juin 2020, il a censuré, à juste titre, la quasi totalité des dispositions de cette proposition de loi.

En effet, le Conseil a considéré que le délai laissé à l’opérateur pour s’exécuter ne lui permet pas d’obtenir une décision du juge. Et , que par conséquent, le Conseil considère que le législateur porte une atteinte grave à la liberté d’expression qui n’est ni adaptée, ni proportionnée au but poursuivi.

Pour les contenus signalés par des personnes, le Conseil souligne le risque que les opérateurs soient incités à retirer tous les contenus contestés, y compris ceux qui sont licites. C’est donc une nouvelle atteinte grave à la liberté d’expression.
C’est donc à bon escient  que le Conseil Constitutionnel a censuré la loi AVIA !

Cependant, à notre grand étonnement, cet observatoire a, quand même, vu le jour et a commencé à agir en censeurs !

Cet observatoire est constitué de représentants de médias comme l’AFP, Libération, Le Monde, France Télévision, et autres associations. Or, comme vous pouvez le remarquer, ces intervenants ne sont marqués par une neutralité évidente !

Et pour revenir à l’erreur de nos responsables communautaires, il est bon de rappeler qu’aujourd’hui l’antisémitisme se cache derrière l’antisionisme. Nous connaissons le point de vue partial et négatif de la plupart des membres de cet observatoire ( qui a, en son sein, comme toujours quelques alibis juifs bien choisis) vis-à-vis d’Israël et du sionisme. Nous sommes donc presque sur que, comme toujours, les principales victimes ( et non bénéficiaires) de cette loi seront encore, et toujours, les juifs !

Celci dit, nous sommes plus qu’étonnés que, malgré la censure du Conseil Constitutionnel, cet observatoire commence à sévir !

Et, régulièrement, des posts sur réseaux sociaux sont censurés sans possibilité pour le censuré de se défendre !

Ainsi, cet observatoire qui prétend lutter contre la haine raciale censure des propos de Trump mais laisse courir les insultes violemment antisémites contre Miss Provence !

Notre liberté est de manière continue menacée ! Garantir et préserver cette liberté est un combat de tous les jours !

Le respect des individus est , certainement, la première des libertés fondamentale : le droit au respect quelle que soit sa religion, sa couleur, son ethnie ou son sexe  ! Lutter contre l’incitation à la provocation et à la  haine raciale, à la diffusion de propos haineux est notre combat de tous les jours ! Mais pas à n’importe quel prix ! Une justice expéditive quel qu’en soit le motif est à proscrire ! Lorsque notre combat est juste, il doit être sans tâche, sans contestation et certainement pas entaché de doute sur sa réalité ou sa motivation ! Voilà pourquoi seul un Juge peut priver un citoyen de sa liberté d’expression, et cette privation de liberté ne peut être justifiée que si elle enfreint la loi et porte atteinte à autrui !

Notre Justice dispose de procédures accélérées: référés, assignation d’heure à heure… qui permettent, lorsque le juge l’estime nécessaire, d’agir avec grande célérité ! Voilà une raison supplémentaire pour que la répression de la haine sorte du contexte de la loi de la presse et s’intègre dans le code pénal général !

Voilà pourquoi la loi AVIA est non seulement contre productive mais porte, elle-même, atteinte à nos libertés  fondamentales !

Richard C. ABITBOL Président

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