FIGURE LIBRE Du difficile retour de la France au Moyen-Orient, par Michaël Darmon
Emmanuel Macron cherche à donner du sens à son second mandat.
Georges Malbrunot, grand reporter au Figaro et expert des enjeux au Proche et au Moyen-Orient, est un adepte de la devise d’Albert Londres, le pape du journalisme… Il retourne le fer dans la plaie, appuie là où ça fait mal. En particulier en ce qui concerne le rôle du Président de la république dans les dossiers proche-orientaux, à propos desquels il s’est publiquement opposé à Emmanuel Macron durant un déplacement présidentiel au Liban.
Récemment, Malbrunot a tweeté une information qui a dû, une nouvelle fois, faire grimacer au sommet. Selon les informations du journaliste, Emmanuel Macron a tancé, au cours de l’été, Catherine Colonna, la ministre des Affaires Etrangères. La politique de la France de la France serait trop « plan-plan » à ses yeux. « Il faut me trouver quelque chose », a intimé le président. « Je veux une initiative ».
On ne saurait imputer le constat négatif d’Emmanuel Macron à la cheffe de la diplomatie, en poste depuis le mois de juin. L’agacement présidentiel constitue surtout un aveu d’inaction au Moyen-Orient.
On imagine Emmanuel Macron rêver d’une initiative avec, sûrement, l’envie d’accueillir sur la pelouse de l’Elysée des chefs d’Etat qu’il rapprocherait dans un geste protecteur, à l’instar d’un Bill Clinton au milieu de Yasser Arafat, Shimon Pérès et Itzhak Rabin.
Pourquoi cette admonestation à l’encontre de la ministre, alors que le président est en place depuis 2017 et qu’il a fortement contribué au « plan-planisme » qu’il reproche au Quai d’Orsay ?
Emmanuel Macron réclame une initiative pour que la France existe au Moyen-Orient ? Qu’à cela ne tienne, mieux vaut tard que jamais, a-t-on envie de dire. Mais ne décourageons pas les bonnes volontés.
Voici pour lui quelques suggestions. Reconnaître, par exemple, la force inédite des Accords d’Abraham, le nouveau cadre géopolitique du Proche Orient, en train de révolutionner la région. Voilà qui serait nouveau ! Des États officiellement en guerre contre Israël ont décidé d’opter pour la paix et la coopération. Émirats, Soudan, Maroc…
Problème pour la France : les accords d’Abraham ignorent le BA-ba de la diplomatie française, qui pose, en préalable au règlement du conflit régional, une solution pour la question palestinienne.
Forcément, ça désarçonne les diplomates du Quai d’Orsay. Au lieu de bouder un accord obtenu par Trump, Netanyahou et les Émirats, pourquoi ne pas prendre l’initiative d’une conférence pour la paix dans la région qui réunirait, autour de la table, Palestiniens et pays signataires de l’accord d’Abraham ?
Une paix générée par les sulfureux Trump et Netanyahou n’a pas eu l’heur de plaire aux arbitres des élégances sur les rives de la Seine
L’intelligentsia politique et médiatique a aimé la scénographie des accords d’Oslo, parce qu’ils concernaient d’abord les Palestiniens, et aussi parce qu’ils ont existé sous l’égide d’universitaires norvégiens et d’un président démocrate et charismatique. Une paix générée par les sulfureux Trump et Netanyahou n’a pas eu l’heur de plaire aux arbitres des élégances sur les rives de la Seine. Passons.
De toute manière, l’absence française fait partie aujourd’hui du paysage politique au Proche-Orient. Pourtant, il faut garder un espoir d’avance. Le président Macron cherche une initiative ? Alors pourquoi ne s’impliquerait-il pas dans le rapprochement entre Israël et le Liban, deux pays voisins dont les sociétés civiles gagneraient tant à la fin de l’état de belligérance ?
Lui qui cherche son carré de pelouse pour reproduire la posture christique de Clinton, pourquoi ne saurait-il sublimer la relation privilégiée entre la France et le Liban pour intervenir auprès des autorités du pays des Cèdres et se faire le pèlerin de la raison ?
Dans l’ombre de Total, Paris a pourtant œuvré en faveur de l’accord sur les frontières maritimes afin de préserver la part du gaz dans l’eau au large d’Israël et du Liban.
Il y a du gaz dans l’eau : l’expression peut faire des émules pour désigner un processus positif. Par ailleurs, Emmanuel Macron a fait montre de sa capacité à sermonner publiquement les autorités libanaises après l’explosion du port de Beyrouth. Alors, pourquoi ce silence lorsque le ministre de la Culture du Liban empêche des écrivains français reconnus de participer au salon du livre libanais sous le prétexte pour le moins fallacieux qu’ils seraient des « soutiens du sionisme »?
La liste des prises de position pourrait s’allonger, mais il revient à ceux dont c’est le métier et la mission de se montrer créatifs et audacieux, disruptifs et volontaristes, conditions sine qua non pour faire bouger les lignes et briser les glacis.
Ces dispositions faisaient partie des qualités mises en avant par le jeune président Macron, lorsqu’il tentait de définir le “macronisme réformateur”. Alors, qu’a-t-il besoin de morigéner une ministre des Affaires étrangères, lorsqu’on sait pertinemment que toutes les grandes impulsions et initiatives partent de l’Elysee ?
Concernant le Proche-Orient, il serait intéressant que le président réélu ,et en quête d’une empreinte pour l’histoire, inscrive son imagination au pouvoir.