Skip to content Skip to sidebar Skip to footer

ENQUÊTE – De l’eau sur Mars pouvant abriter la vie, des planètes ressemblant à la Terre, des théories expliquant le réglage fin de l’univers… La science ne cesse de repousser la connaissance aux limites de l’interrogation ultime : tout cela serait-il l’œuvre d’un grand architecte ?

Fin juillet, la révélation de l’existence d’un lac d’eau de 20 kilomètres de diamètre sous la surface de glace du pôle sud de Mars a suscité une immense agitation dans le monde scientifique. «Ce type d’environnement n’est pas l’endroit idéal pour des vacances, a commenté le planétologue italien Roberto Orosei, principal auteur de la découverte, mais il s’agit du lieu sur Mars où nous avons quelque chose qui ressemble le plus à un endroit où la vie pourrait exister.»

Les extraterrestres, sujet scientifique

Si les scientifiques restent toujours extrêmement prudents, cette découverte n’est pas anodine. Il est peu probable qu’on puisse pêcher la truite ou la carpe martienne dans les prochaines années, mais l’existence d’une forme de vie sur la planète rouge n’est plus totalement absurde. Cette révélation s’ajoute à d’autres. La découverte d’exoplanètes (des planètes d’autres systèmes solaires que le nôtre) est la plus notable, bousculant l’idée que seule la Terre posséderait le bon écosystème pour développer une vie intelligente.

La probabilité que nous ne soyons pas les seuls dans l’univers a augmenté de façon non négligeable avec ces découvertes…

Les planétologues savent aujourd’hui que notre galaxie contient près de 20 milliards de planètes du type de la Terre. Nous parlons bien de la seule Voie lactée quand il existe des milliards de milliards de galaxies dans l’univers! Sauf à être de mauvaise foi, ces chiffres titillent notre rationalité. La probabilité que nous ne soyons pas les seuls dans l’univers a augmenté de façon non négligeable avec ces découvertes… Accessoirement, cela remet en question quelques siècles de croyances religieuses postulant que l’Homme est au centre de l’univers.

La pax romana établie entre religion et science, l’une s’occupant du pourquoi l’Homme existe et l’autre de comment la vie consciente est apparue dans l’univers, ne tient plus. L’existence – plus probable aujourd’hui qu’hier – d’une vie extraterrestre n’en est pas la seule cause. Ce qui a changé? «Les questions philosophiques d’aujourd’hui sont les expériences scientifiques de précision de demain», soutient le physicien des particules Daniel Whiteson.

Le «monde magique» de la physique quantique

Il en va ainsi pour de nombreux sujets. La physique, avec l’avènement du monde quantique, a obligé les scientifiques à prendre en compte la subjectivité de l’observation. De quoi s’agit-il? Pour résumer, dans l’infiniment petit, les particules se comportent de manière différente selon qu’elles sont observées ou non. C’est une sorte de «monde magique». Les particules peuvent se situer à deux points différents de l’univers en même temps. L’équivalent d’un morceau de sucre fondu dans du café peut redevenir un sucre entier dans la cuillère. Albert Einstein, Louis de Broglie, Stephen Hawking et d’autres grands noms de la physique et de l’astrophysique ont intégré ces bizarreries du monde quantique pour tenter d’expliquer l’origine de l’univers (ce que les cosmologistes appellent la théorie du Tout). Malgré leur QI au-dessus de la moyenne, il faut reconnaître qu’on est très loin de l’objectif.

Dans son Guide de l’univers inconnu (Flammarion), Daniel Whiteson s’est amusé à recenser ce que la science ne sait pas expliquer avec les lois de la physique contemporaine. L’ouvrage fait 400 pages, preuve que la liste est longue. L’un des obstacles majeurs pour aboutir à une théorie du Tout reste l’impossible réunion de la physique quantique et de la théorie de la relativité générale dont Albert Einstein est le père, explique Daniel Whiteson. C’est un peu comme d’essayer d’assembler un seul puzzle avec les pièces de deux boîtes différentes ou d’espérer passer des vacances tranquilles dans sa maison de campagne en invitant en même temps Jean-Luc Mélenchon et Marine Le Pen.

Les chercheurs, qu’ils soient athées ou non, ne contestent plus cette nécessité de se heurter au postulat d’un grand architecte de l’univers tant ils flirtent avec l’essence même de notre monde

Aujourd’hui, personne n’arrive à expliquer les premiers instants du big bang de manière convaincante. Pas plus que l’incroyable réglage des constantes fondamentales de l’univers où tout semble organisé pour permettre à une vie consciente d’exister. Encore moins pourquoi la matière a gagné contre l’antimatière aux premiers instants du monde. Quant à imaginer ce qu’il y avait avant lui…

La théorie du grand architecte

Le cosmologiste britannique Stephen Hawking, disparu en mars dernier, expliquait que si le temps est une dimension de notre univers, la logique voudrait qu’un «avant» n’existe pas. Poser cette question serait, selon lui, aussi absurde que de demander quel est le nord du pôle Nord. Il oubliait de préciser que la physique se heurte alors à une question assez vertigineuse: comment quelque chose peut naître de rien? Ou, plus prosaïquement: qui a mis en marche l’horloge? Une interrogation devenue hautement d’actualité dans les laboratoires de recherche fondamentale ces vingt dernières années, comme le rappelle le philosophe des sciences Jean Staune dans son dernier livre, Explorateurs de l’invisible (Guy Trédaniel).

Les chercheurs, qu’ils soient athées ou non, ne contestent plus cette nécessité de se heurter au postulat d’un grand architecte de l’univers tant ils flirtent avec l’essence même de notre monde. Mais ils n’apportent jusqu’à présent que des réponses théoriques dont les fondements ne sont pas plus démontrables aujourd’hui que l’existence d’un Dieu créateur. Cela fait dire à Etienne Klein, physicien et philosophe des sciences, qu’en l’absence de théories acceptables, il est assez vain de spéculer sur les raisons d’un passage du néant à quelque chose.

Dieu en mathématicien

Pour l’astrophysicien bouddhiste Trinh Xuan Thuan, il semble en revanche incontestable qu’il existe une cause première qui a réglé d’emblée les lois de la physique et les conditions initiales de notre univers. Albert Einstein partageait cette idée d’un Dieu «cause première des choses». Une conception de Dieu qui ne serait pas un super bricoleur, inventeur de l’univers, mais la synthèse de l’ensemble des lois qui l’organisent. Cette vision élégante est pratique. Mais elle se heurte au même problème que les autres prédictions: s’il existe des lois préexistantes à l’univers, quel mathématicien en a édicté les formules? Affaire sérieuse qui pourrait nous occuper le reste des vacances. Voire encore quelques siècles.

SUITE DU DOSSIER

» LA SUITE DE NOTRE DOSSIER – Jean Staune: «La vie consciente n’est pas le fruit du hasard»

Étienne Klein: «La science est démunie face à la transition du néant à l’être»

Trinh Xuan Thuan: «Je crois à la nécessité de l’univers» La rédaction vous conseille :


Christophe Doré

Grand reporter au Figaro Magazine, Rédacteur en Chef du Figaro Magazine Santé, journaliste musique au Figaroscope


Source :© Dieu face à la science : le grand dossier du Figaro Magazine

Leave a comment

C.J.F.A.I © 2025. All Rights Reserved.