INTERVIEW EXCLUSIVE – Le ministre de l’Intérieur, qui a reçu Le Figaro place Beauvau, livre les raisons de son départ du gouvernement.
Vous aviez pointé le manque «d’humilité» du pouvoir. Vos critiques ont-elles été entendues?
Ce que j’ai constaté, c’est que, lors de son séjour aux Antilles, Emmanuel Macron a montré quelle empathie il pouvait avoir avec nos concitoyens. Sur les retraites, il a lui-même annoncé qu’il fallait veiller aux retraités les plus modestes. Sur les collectivités locales, il a toujours pensé que leur action était complémentaire de celle de l’État. Et sur ce sujet, s’il y a eu des incompréhensions, je pense qu’il les dissipera dans les prochains temps.
Concrètement, que va-t-il se passer à compter de maintenant, pour vous, pour le ministère?
Comme vous avez pu le constater, je continue à remplir mes fonctions de ministre de l’Intérieur. Et je le ferai autant que le président et le premier ministre le jugeront nécessaire.
Mais vous avez conscience que votre décision crée une nécessité, vu l’urgence des dossiers, à ce qu’un remplaçant arrive vite?
J’ai une conscience aiguë des enjeux.
Surtout s’il se passe quelque chose…
Comme vous le savez, au ministère de l’intérieur perdure une continuité de l’action. Ce mardi matin, nos forces de l’ordre ont mené une opération importante à Grande Synthe. Nous avions ce mardi une réunion de tous les grands directeurs du renseignement territorial, de ceux de la police aux frontières.
Il y a toujours une permanence de l’État. La maison continue à fonctionner et je la ferai fonctionner jusqu’au bout, comptez sur moi.
À votre avis, quel est le profil pour être un bon ministre de l’Intérieur?
Il peut être de ceux qui ont contribué au projet d’Emmanuel Macron en matière de sécurité. Il doit avoir la confiance du président. Je sais que le chef de l’État et le premier ministre feront le choix le plus pertinent.
Certains ont-ils commencé à manœuvrer, sans attendre votre décision?
Il y a pu y avoir un certain nombre de difficultés. Peu importe ma personne, ce qui compte, c’est l’institution. Je n’ai qu’une préoccupation: le service de l’État. Je veux qu’il fonctionne et qu’il assure le maximum de protection aux Français. Lundi, j’étais à Marseille. Je participais à la cérémonie d’hommage en mémoire de Laura et de Mauranne, victimes de l’attentat du 1er octobre 2017 sur le parvis de la gare Saint-Charles. Croyez-moi, sont des moments graves où, oui, vous avez conscience que vos responsabilités sont immenses. Et qu’elles vous obligent.
«Il y a pu y avoir un certain nombre de difficultés. Peu importe ma personne, ce qui compte, c’est l’institution»
Est-ce que dans votre décision intervient aussi le fait qu’on a essayé de vous faire porter le chapeau dans l’affaire Benalla?
Pour moi, c’est une affaire ancienne. Je ne veux pas revenir sur ce fait. D’ailleurs, le président de la République l’a redit lui-même: il n’y a jamais eu une intention de mettre en cause quiconque au ministère de l’Intérieur.
Vous l’avez évidemment informé de votre décision ultime de partir. Que vous a dit le président?
Je n’ai pas pour habitude de revenir sur les conversations privées que j’ai avec le Président.
Mais vous ne partez pas un peu le cœur serré, quand même?
Ce ministère, on ne peut que le quitter avec regret, parce que c’est un beau ministère où travaillent des gens extraordinaires: policiers, gendarmes, sapeurs-pompiers, tous les fonctionnaires de l’État, civils ou militaires, quels que soient leur grade ou leur fonction.
J’ai vu dans l’ensemble de nos territoires, l’engagement total et exemplaire de nos préfets, leur indéfectible sens de l’État. J’ai eu énormément de plaisir et de fierté à être à la tête de ce ministère. J’en connais désormais tous les rouages et partout côtoyé des hommes et des femmes admirables, totalement consacrés à la protection et au service des Français. Je veux remercier chacune et chacun d’entre eux. Je suis certain qu’ils continueront à œuvrer avec le même enthousiasme et le même dynamisme que celui que je leur connais aujourd’hui et qu’ils continueront à s’impliquer pleinement demain dans les réformes que j’ai pu impulser.
Est-ce que vous avez des regrets?
Je ne suis pas un homme de regrets, je regarde toujours l’avenir.
Je sais aussi que construire l’avenir, c’est la première ambition du Président et du Gouvernement.
On peut penser toujours que, sur tel ou tel point, qu’on aurait peut-être pu mieux faire. Mais je suis convaincu que les mesures prises par le Gouvernement vont porter leurs fruits demain.
Avez-vous le sentiment que votre rôle de ministre a nui à votre image au plan local?
Non. J’ai le sentiment que beaucoup de Lyonnais sont satisfaits de l’action que j’ai pu porter et de ce que nous avons accompli avec le gouvernement.
Georges KEPENEKIAN. – Je pense qu’à Lyon, en tout cas, clairement, c’est plutôt une fierté d’avoir eu un ministre numéro deux du gouvernement.
Mais vous auriez pu être, M. le Ministre, le nouvel Edouard Herriot…
Le nouvel Herriot, je ne sais pas, mais il a eu lui-aussi une vie municipale, puis une vie nationale, puis à nouveau une vie municipale. Il a été président du Conseil puis il est revenu dans sa ville parce que, comme moi, il en avait la passion.
Si vous êtes élu en 2020, choisirez-vous la mairie ou la métropole?
Je mènerai partout des listes. Mais comme vous le savez, ce sera d’abord le choix des habitants de la Métropole de Lyon. Le moment venu, avec celles et ceux qui auront été élus, nous déciderons ensemble. Ce qui m’importe, c’est qu’il y ait une unité de pensée entre la Métropole et la Ville de Lyon, car c’est comme cela qu’au cours de ces dernières années nous avons construit une agglomération où dynamique économique, sociale et environnementale se conjuguent.
Il y a ceux qui vous dirons que quatre mandats, c’est trop. Quel leur répondez-vous?
Je sais quel est le temps d’une ville. C’est celui du temps long.
Ce n’est que dans la durée qu’on parvient à métamorphoser nos grandes villes.
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