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Pénalisées par un contexte sanitaire peu proprice aux achats, les enseignes ne sont pas parvenues à regonfler leur trésorie pendant les soldes. SYSPEO/SIPA/SYSPEO/SIPA

Les clients ont délaissé les magasins lors de cette période de déstockage cruciale. Cet échec survient alors que le secteur tarde à s’adapter aux bouleversements du marché.

Pas de répit pour les enseignes de prêt-à-porter. Après deux mois de fermeture administrative et des ventes en berne au sortir du confinement, elles comptaient sur les soldes pour écouler leurs stocks, regonfler leur trésorerie et commencer à tirer un trait sur une période noire.

À l’heure du bilan, les clients n’ont pas été au rendez-vous de ces soldes atypiques, exceptionnellement organisés au cœur de l’été. Les enseignes n’ont que peu regarni leur matelas de trésorerie et ne sortent pas de cette période plus fortes qu’elles y étaient entrées. «La période des soldes a été moins bonne que l’an passé, assure Yohann Petiot, directeur général de l’Alliance du commerce, qui représente les grandes enseignes d’habillement. La chute de fréquentation a été importante. Le panier moyen a certes été plus élevé, mais le chiffre d’affaires réalisé est globalement en baisse.» Seul point positif, les enseignes sont parvenues à améliorer légèrement leurs marges. «Elles ont fait moins de démarques extrêmes, poursuit le patron de la fédération de commerçants. Devant la fréquentation en forte baisse de leurs magasins, elles ont choisi de préserver leurs marges.»

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Le contexte était peu propice aux achats. Entre le port du masque, la nécessité de ne pas être trop nombreux en magasin et les difficultés à essayer les vêtements, «la distanciation sociale n’incite pas à faire du shopping», souligne Emmanuel Le Roch, le délégué général de Procos, fédération du commerce spécialisé.

«Nous avons amélioré notre marge»

Au 15 juillet, «la plupart des clients étaient par ailleurs partis en vacances, constate cet expert. Les achats des vacanciers sont différents, et les endroits où ils sont réalisés ne sont pas les mêmes que d’habitude. Le bilan des soldes est très mauvais pour les enseignes des grandes métropoles, et notamment d’Île-de-France.» 60 % des commerçants parisiens estiment que les soldes ne se traduiront par aucun chiffre d’affaires de plus par rapport à un mois sans soldes, souligne la chambre de commerce et d’industrie d’Île-de-France.

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Les soldes ont aussi pâti, comme les années passées, des promos et ventes privées, qui représentent une part croissante des ventes. Pour persuader les clients de revenir en boutique à partir du 11 mai, les enseignes ont plus encore qu’à l’ordinaire multiplié les rabais – sans aller jusqu’à vendre à perte, ce qui n’est autorisé que pendant les soldes. Cette période s’est prolongée plus longtemps dans la saison, puisque les soldes n’ont commencé que le 15 juillet, contre le 24 juin l’année dernière.

L’objectif de Bercy, qui a autorisé ce report des soldes, était de permettre aux enseignes, et surtout aux commerçants indépendants, d’écouler plus longtemps leurs stocks sans rabais, ou avec un faible taux de démarque. Le bilan, pour Éric Mertz, le président de la Fédération nationale de l’habillement (FNH), qui représente les indépendants, est plutôt positif. «Nous avons pu vendre nos collections sans rabais à nos clients fidèles, puis nous en avons attiré d’autres pendant les soldes, explique-t-il. Nous avons perdu en chiffre d’affaires depuis le début de l’année, mais nous avons amélioré notre marge.» Une prouesse, dans un secteur qui vend chaque année davantage de produits en solde ou en promotion. Les prix barrés représentent aujourd’hui la moitié des ventes du secteur, contre 23 % il y a vingt ans.

Les enseignes lanceront des plans de réduction des coûts. Mais nous allons certainement vers plus de défaillancesOlivier Macard, associé en charge de la distribution chez EY

Reste que les ventes, depuis le début de l’année, sont en recul de 30 %, selon Procos, et que l’objectif d’écouler les stocks n’a pas été atteint. Il est pourtant crucial pour le secteur de l’habillement, car il permet d’obtenir la trésorerie nécessaire pour acquérir les collections suivantes. Stocker, de surcroît, représente un coût pour les enseignes. «Elles vont devoir faire un choix: conserver leur stock pour le revendre l’année prochaine, ou l’écouler auprès de déstockeurs, explique Emmanuel Le Roch. Mais la première stratégie est plus facile à tenir pour les enseignes premium, dont les modèles se démodent moins.» La collection d’automne-hiver a été commandée il y a de cela plusieurs semaines, voire plusieurs mois, et commence à être livrée. Compte tenu de l’atonie de la demande, les enseignes se sont montrées extrêmement prudentes sur les volumes commandés. Les prêts garantis par l’État (PGE) devraient permettre de les financer. «Mais il faudra ensuite rembourser ces PGE, et cela sera très difficile si le marché reste sur une tendance baissière», avertit Yohann Petiot. Pour l’ensemble de l’année, l’Institut français de la mode (IFM) prévoit une baisse du chiffre d’affaires du secteur de l’ordre de 20 %.

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La pandémie a donné un coup de massue à un secteur déjà très éprouvé. Depuis 2007, les ventes d’habillement ont reculé de 17 % selon l’IFM. «Pourtant, les enseignes ont alors fortement développé leur parc de magasins jusqu’en 2014-2015. La concurrence est devenue de plus en plus forte, surtout pour les enseignes de moyenne gamme, aujourd’hui les plus en difficulté», constate Gildas Minvielle, directeur de l’observatoire économique de l’IFM.

Le parc est aujourd’hui surdimensionné. Les déboires de Camaïeu, Naf-Naf ou La Halle, toutes sous procédures collectives, illustrent cette mutation du secteur, contraint de réduire la voilure, et de se consolider. «La gestion de trésorerie sera plus cruciale que jamais, estime Olivier Macard, associé en charge de la distribution chez EY. Les enseignes lanceront des plans de réduction des coûts. Mais nous allons certainement vers plus de défaillances.»


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Source:© Décevants, les soldes n’ont pas porté secours au prêt-à-porter

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