

Sur le front de la croissance, l’oncle Sam creuse l’écart avec l’économie du Vieux Continent, dénonce notre chroniqueur Marc Touati, président du cabinet ACDEFI. Notre déficit public et notre taux de chômage devraient rester élevés sur les prochains trimestres.
L’économie américaine continue de défier l’entendement. En effet, alors qu’elle connaît d’ores et déjà le cycle d’expansion le plus long de son histoire contemporaine, elle continue de surprendre par la vigueur de sa croissance. Après avoir atteint 4% en rythme annualisé et quasiment 3% en glissement annuel au deuxième trimestre 2018, celle-ci a continué sur sa lancée au troisième trimestre. Avant même de disposer des comptes nationaux de ce dernier, les chiffres de la production industrielle et des ventes au détail ont déjà annoncé la couleur. Ainsi, après avoir déjà progressé de 0,6% en juin, puis de 0,4% en juillet, la production industrielle américaine a encore augmenté de 0,4% en août. Son glissement annuel atteint désormais 4,9%, un plus haut depuis décembre 2010 !
Cette nouvelle envolée confirme que le glissement annuel du PIB devrait dépasser les 3% au troisième trimestre. D’autant que les indicateurs avancés de l’activité outre-Atlantique demeurent très bien orientés. Une évolution qui tranche grandement avec la dégringolade de la production industrielle de la zone euro. En effet, après avoir déjà baissé de 0,8% en juin, elle a enregistré le même repli en juillet. L’évolution du glissement annuel est encore bien plus violente. Et pour cause : celui-ci est passé de 5% en décembre 2017 à 1,7% en avril et… – 0,1% en juillet 2018. Il s’agit là d’un plus bas depuis janvier 2017. Un tel décalage de croissance de la production industrielle entre la zone euro et les Etats-Unis ne s’est plus observé depuis la triste période 2011-2012, au cours de laquelle la croissance américaine s’est maintenue autour des 2%, tandis que la zone euro replongeait dans la récession !
Production industrielle : l’oncle Sam flambe, tandis que la zone euro s’effondre

D’ailleurs, la descente vertigineuse de la production dans l’Union économique et monétaire (UEM ou zone euro) laisse anticiper une forte baisse du glissement annuel du PIB. Ce dernier est déjà passé de 2,7% aux troisième et quatrième trimestres 2017 à 2,2% au deuxième trimestre 2018 et pourrait rapidement revenir vers 1% d’ici le début 2019. Ce grand écart n’est pas seulement observable en matière de production industrielle. Il est aussi de mise sur le front des dépenses et de la confiance des ménages. Ainsi, tandis que la consommation est la peine dans la zone euro, les ventes au détail continuent de croître fortement aux Etats-Unis. En août, leur glissement annuel s’est quasiment stabilisé à 6,64% (après 6,69% en juillet), des sommets depuis février 2012. Parallèlement, tandis que les indices de confiance des ménages atteignent des sommets aux Etats-Unis – celui du Conference Board a même atteint un plafond depuis septembre 2000 -, celui de la zone euro s’effondre à un plus bas depuis mai 2017.
Les consommateurs sont euphoriques aux Etats-Unis et déprimés dans la zone euro

Que dire alors de l’indice INSEE de confiance des ménages français, qui a également fortement chuté depuis un an, atteignant désormais un plancher depuis avril 2016 ?! Ces écarts s’expliquent principalement par les différences de taux de chômage – 3,9 % outre-Atlantique contre 8,2 % dans l’UEM et 9,2 % en France -, mais aussi de pression fiscale, les Etats-Unis ayant fortement réduit cette dernière alors que de trop nombreux pays eurolandais – et en particulier la France – l’ont soit augmentée soit maintenue sur des niveaux très élevés.
Taux de chômage : toujours 4,3 points d’écart entre les deux côtés de l’Atlantique

Pour ne rien arranger, les dernières enquêtes des directeurs d’achats ont confirmé que la croissance eurolandaise allait encore baisser. Ainsi, en septembre, l’indice Markit PMI (indice des directeurs d’achats) composite a reculé de 0,3 point, à 54,2, confirmant que le glissement annuel du PIB de la zone euro devrait passer sous 1,5% d’ici la fin 2018. Et, malheureusement, une fois encore, la France a décroché la palme du ralentissement, avec une forte baisse de tous ses indicateurs PMI : -1 point dans l’industrie, à 52,5, -1,1 point dans les services, à 54,3, et -1,3 point pour l’indice composite, à 53,6.
Vers une croissance française de 1% d’ici la fin 2018

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Autant d’évolutions qui confirment qu’après avoir nettement baissé depuis le début 2018, le glissement annuel du PIB français devrait tomber vers 1% d’ici la fin d’année. Dans ce cadre, notre déficit public restera proche des 3% du PIB et le taux de chômage demeurera supérieur à 9,2% au moins jusqu’à l’été 2019. A l’évidence, au match de la croissance et de l’emploi, Donald Trump bat Emmanuel Macron par KO.
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Marc Touati, président du cabinet ACDEFI, économiste et écrivain

Source : ©Croissance : les Etats-Unis rient mais la France pleure, voici pourquoi