La compagnie a supprimé depuis lundi la vérification des pièces d’identité par les hôtesses avant de monter dans l’avion. Les experts jugeaient la mesure inutile. Mais sa valeur symbolique pèse lourd.
Les dirigeants d’Air France ont-ils été pris en flagrant délit de légèreté lundi? Les passagers de la compagnie, partant en France ou à l’étranger – y compris en dehors de l’espace Schengen – ont en effet découvert qu’au moment de monter dans l’avion, il n’était plus nécessaire de présenter sa carte d’identité ou son passeport avec son billet d’avion. Validée par Matignon et par la Direction générale de l’aviation civile (DGAC), maintenant que l’état d’urgence a été levé, la décision de s’en tenir désormais au seul contrôle du billet d’avion à l’embarquement a pourtant suscité la colère de certains.

Christian Estrosi, le maire de Nice, a laissé éclater la sienne dans un tweet posté lundi à huit heures du matin après son vol Paris-Nice: «Inacceptable!, s’est-il enflammé. Je demande le rétablissement pour toutes les compagnies.»
Rassurante, après la série d’attentats qui ont frappé la France, la mesure, abandonnée en 2012, avait été réinstaurée en novembre 2015. Le coût de cette mesure n’est pas indolore pour les compagnies. Il a été estimé entre 2 et 3 millions d’euros par an chez Air France. Pourtant, la vérification de la concordance entre le titulaire du billet et sa pièce d’identité est jugée inefficace par tous les spécialistes de la sûreté aérienne.
[perfectpullquote align=”left” bordertop=”false” cite=”Gilles Leclair, directeur de la sûreté au sein d’Air France” link=”” color=”#993300″ class=”” size=””]«Les personnels au sol de la compagnie effectuent une vérification formelle. Mais si le passager est un malfaiteur ou un terroriste, ce contrôle ne permet pas de l’établir»[/perfectpullquote]
Chez Air France, Gilles Leclair, le directeur de la sûreté au sein de la compagnie, ancien chef de l’unité de coordination de la lutte antiterroriste, ancien sous-directeur de la lutte contre la criminalité organisée et ancien préfet, peine à comprendre la levée de boucliers depuis l’annonce de la suppression de cette vérification, conforme au règlement européen: «Il ne s’agit pas du tout d’un contrôle d’identité, rappelle-t-il. Les personnels au sol de la compagnie effectuent une vérification formelle. Mais si le passager est un malfaiteur ou un terroriste, ce contrôle ne permet pas de l’établir», explique Gilles Leclair.
Même remarque d’un expert du secteur aérien: «Les seules mesures efficaces se situent en amont de l’embarquement, lors de l’inspection filtrage. C’est à ce moment que l’on repère la présence d’arme, d’explosif…» L’étape de l’enregistrement des passagers est également décisive. Lorsqu’un passager place un bagage en soute, même pour un vol domestique, son identité est vérifiée au comptoir. Par ailleurs, plusieurs États réclament des mesures particulières. Les États-Unis, le Canada, Israël procèdent à un interrogatoire des passagers avant l’embarquement.
Force est de constater qu’en dépit de son utilité réelle, l’assouplissement de l’embarquement a pris une dimension politique et provoque des remous au sein des différents ministères concernés. Résultat, easyJet, deuxième compagnie en France en nombre de voyageurs, ne va rien changer à ses procédures en attendant d’y voir plus clair. Air Caraïbes et French Blue ne vont pas non plus modifier le contrôle de leurs clients. Il est vrai qu’en direction des départements d’outre-mer, la mesure est obligatoire.
Hors de l’Hexagone, les États de l’Union européenne n’ont pas aligné leur politique dans ce domaine: Espagne, Italie, Portugal maintiennent le contrôle à l’embarquement, tout comme le Royaume-Uni.
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Source: © Contrôles de sécurité: Air France jette un pavé dans la mare