
Edito
Fiévreuse angoisse parmi les éminences gouvernementales : il n’y avait qu’un seul homme à maîtriser la réforme des retraites, c’était Jean-Paul Delevoye ! Or il vient de démissionner, accablé par un accès de phobie administrative qui lui a fait négliger des règles pourtant inscrites, entre autres, dans la Constitution. Cette angoisse, il faut bien le dire, est contagieuse : si Delevoye est le seul à bien comprendre le dossier parmi 60 millions de Français, il y a de quoi s’inquiéter pour la suite du projet. Il est vrai qÉditoue cet homme «de dialogue» très compétent, quoique oublieux, habitué des organismes de formation (il en fréquente une tripotée, selon ses nouvelles déclarations), pourra donner des cours du soir à ses anciens collègues. N’étant plus ministre, il pourra même se faire rémunérer pour ce menu service, sans risque de conflit d’intérêts…
Plaisanterie mise à part, cette affaire jette une ombre sur le «gouvernement des meilleurs» censé mettre en œuvre le savoir-faire réformateur des macroniens. Ainsi il n’y a pas eu, au sein de cet aréopage de têtes d’œuf, un seul responsable pour mettre en garde le haut-commissaire des risques qu’il prenait en continuant de se faire rémunérer alors qu’il devenait ministre. Il suffisait pourtant de relire la Constitution. Le doute, au demeurant, s’étend maintenant au projet lui-même. A chaque pas, on découvre un nouveau problème, un nouveau piège, une nouvelle chausse-trape. A chaque étape, il faut préciser, déminer, éclaircir, corriger, colmater. On comprend que beaucoup de salariés, n’ayant pas l’encyclopédique savoir de Jean-Paul Delevoye, expriment leur inquiétude dans la rue, comme ils le feront ce mardi. Les macronistes n’ont pas de mots assez durs pour les professionnels de la politique qui dominaient l’ancien monde. On voit ce qu’il advient depuis qu’on les a remplacés par des amateurs.
Laurent Joffrin
Source:© Chausse-trape