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INTERVIEW – Suite à l’affaire Benalla, la bienveillance de la droite et de la gauche envers le président est en train de se dissiper, explique Jérôme Fourquet, directeur du département Opinion de l’Ifop.

LE FIGARO. – Quels enseignements tirez-vous des premiers sondages qui suivent l’affaire Benalla? La cote de popularité de Macron est-elle entamée?

Jérôme FOURQUET. – D’après le dernier sondage Ifop pour le JDD, on constate une baisse de 4 points (37 %) avant et après l’affaire Benalla, ce qui n’est pas négligeable. Mais au regard du battage médiatico-politique que cette affaire a suscité, il n’y a pas de dévissage spectaculaire. L’effondrement à l’été 2017 après l’affaire Pierre de Villiers (le limogeage du chef d’État-major des armées, NDLR) et les atermoiements sur la taxe d’habitation, notamment, a été bien plus douloureux: Emmanuel Macron était passé de 64 % à 54 % en juillet, puis tombé à 40 % en août, perdant au total vingt points en deux mois!

Les Français sont-ils véritablement choqués?

Oui, même s’ils n’adhèrent pas à l’idée d’une police parallèle, telle qu’elle a pu exister sous François Mitterrand (les écoutes des gendarmes de l’Élysée) ou de Gaulle (le Service d’action civique). Signe que les Français relativisent l’ampleur de cette affaire, d’après un sondage Ifop pour Atlantico, 48 % pensent que les médias en ont «trop fait», 19 % «pas assez» et 33 % «suffisamment».

«Cette affaire a montré par ailleurs que l’exercice du pouvoir par un petit cercle soudé par la campagne victorieuse atteint ses limites»

Quel est l’impact de cette affaire sur l’image présidentielle? Renforce-t-elle l’image d’un président autoritaire, déconnecté du peuple, entouré d’une cour?

Quand on regarde qualitativement, l’affaire Benalla a eu un certain impact. D’après le sondage effectué pour Atlantico sur les traits d’image d’Emmanuel Macron, on constate que l’item «il sait où il va» (renvoyant au cap présidentiel) est passé de 67 % en avril à 57 % aujourd’hui. La caractéristique «honnêteté», qui était restée stable depuis la campagne présidentielle, a reflué de 48 % à 39 %. En revanche, l’item «autorité» est moins entamé, passant de 73 % à 69 %.

L’affaire Benalla a mis à mal deux traits fondateurs du récit macronien: celui de la République exemplaire et celui de l’incarnation du «nouveau monde» politique. Elle donne l’impression d’un «retour vers le futur» avec la réapparition de vieilles pratiques politiciennes et de la figure des jeunes courtisans arrogants. Cette affaire a montré par ailleurs que l’exercice du pouvoir par un petit cercle soudé par la campagne victorieuse atteint ses limites. Le commando disruptif qui escamote systématiquement les corps intermédiaires (et ici en l’espèce, la hiérarchie policière), la concentration des pouvoirs à l’Élysée, le bouleversement des usages permettent certes de l’efficacité mais ont pour revers d’inciter à commettre certaines erreurs.

Où perd-il du terrain?

C’est dans l’électorat de droite que Macron perd le plus de points en juillet (- 8 points). Dès le début du quinquennat, il y avait deux oppositions irréductibles au macronisme, celle de La France insoumise et celle du Rassemblement national. Ce qu’on observe aujourd’hui, c’est la fin de l’attentisme bienveillant qui avait pu régner dans l’opposition de droite et de gauche. Cette bienveillance, qui avait permis à Macron de se maintenir à un bon niveau de popularité, est en train de se dissiper.

«L’affaire Benalla vient en fait renforcer un processus de banalisation de Macron par rapport à ses prédécesseurs, entamé il y a quelques mois déjà»

Justement, comment se situe la popularité d’Emmanuel Macron par rapport à ses prédécesseurs, un an après leur élection?

Avec une moyenne sur juillet de 39 %, Emmanuel Macron se situe nettement plus haut que François Hollande, qui n’était qu’à 27 % en juillet 2013! Il rejoint le niveau de Nicolas Sarkozy, qui se situait à 38 %. L’affaire Benalla vient en fait renforcer un processus de banalisation de Macron par rapport à ses prédécesseurs, entamé il y a quelques mois déjà.

Plus généralement, les «affaires» coûtent-elles cher dans l’opinion?

L’affaire Bettencourt, qui elle aussi avait défrayé la chronique, ne s’était pas traduite par une baisse de la popularité de Nicolas Sarkozy, qui était demeurée stable (autour de 35 %) pendant l’été 2010. Nicolas Sarkozy avait à peine perdu davantage (- 2 points) à l’automne 2009 lors de l’affaire de l’Epad, cet établissement public en charge du quartier d’affaires de la Défense dont la présidence devait échoir à son fils Jean, âgé de 23 ans. Ce fait du prince avait pourtant fait couler beaucoup d’encre et suscité une tempête médiatique durant plusieurs jours.

On mesure donc avec le recul qu’en dehors des dossiers particulièrement graves (comme ce fut le cas avec l’affaire Cahuzac qui se solda par une chute de 12 points de la cote de François Hollande), ces «affaires» ne se traduisent pas forcément par une sanction sondagière immédiate. Ceci ne veut pas dire pour autant qu’elles sont sans effet. Elles contribuent à renforcer le mécontentement et l’hostilité des opposants et altèrent sur la longue durée l’image des présidents en cristallisant certains travers pointés par l’opposition.


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Eugénie Bastié  –  Journaliste Débats et opinions

Source : ©«C’est la fin de l’attentisme bienveillant de l’opposition envers Emmanuel Macron» 

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