FIGAROVOX/LECTURE – Les récents ouvrages du politologue Jérôme Fourquet et du philosophe Denis Moreau leur sont notamment consacrés.
Assiste-t-on à la résurrection des catholiques? Sur les devantures des libraires, à tout le moins, ils sont à la mode. Cette parousie littéraire est d’autant plus frappante que le poids des catholiques dans la population s’est effondré.
Sur ce constat au moins, Jérôme Fourquet et Denis Moreau sont à l’unisson. Le premier quantifie cette érosion démographique: «Alors que les “messalisants” constituaient encore une minorité conséquente (35 % de la population) dans les années 1960, ils pèsent aujourd’hui un poids marginal (6 %) et sont aujourd’hui non seulement très minoritaires mais de surcroît âgés, et donc en déclin.» Denis Moreau l’interprète avec la hauteur du prof de philo: «À l’échelle de la longue durée et en Europe occidentale, nous sommes encore dans ce que Nietzsche appelait l’époque de la “mort de Dieu”, de sa lente et progressive disparition des consciences.»
Dans À la droite de Dieu, le politologue Jérôme Fourquet retrace le grand retour des catholiques à la politique et comment, du mariage gay au soutien aux chrétiens d’Orient en passant par l’IVG, les crèches dans les mairies ou l’islam, les cathos ont su imposer leurs thèmes jusqu’à introniser François Fillon lors de la primaire. L’élection présidentielle a cristallisé cette «droitisation» d’une bonne part de l’électorat catholique: à eux trois, Fillon, Dupont-Aignan et Le Pen se sont partagé 65 % des voix des catholiques pratiquants. Pour autant, Jérôme Fourquet reste prudent sur l’existence d’un «vote catholique» qui s’est brisé comme l’écume sur le rocher Macron. Et le pape, dans tout ça? «Il a fermement rejeté le soi-disant “devoir moral” de conserver l’identité culturelle et religieuse d’origine du continent européen», avance Jérôme Fourquet, et fait à présent face à un «raidissement identitaire de groupes devenus minoritaires sous l’effet d’un déclin démographique inexorable et d’une modification rapide de leur environnement.»
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Le philosophe Denis Moreau l’entend d’une tout autre oreille: il ne compte pas porter sa foi au sépulcre, ni la dissoudre dans une ultime quête d’un graal identitaire en guise de viatique. Assumant d’avoir à prendre sur lui la «charge de la justification» comme d’autres portent leur croix, il lit chez ses contemporains le même étonnement que dans Montesquieu: «Ah! Ah! Monsieur est persan?» Et de titrer, tout logiquement,Comment peut-on être catholique? Sous-entendu: comment peut-on être normalien, prof de philo, avoir l’air intelligent et, pourtant, croire à ces sottises d’un autre âge… S’inscrivant dans une longue tradition intellectuelle chrétienne, l’apologétique, à laquelle se sont adonnés pas moins que des Augustin ou autres Pascal, le professeur cartésien ne signe pas pour autant un traité de théologie. Mais il a pris au sérieux saint Pierre – «Vous devez toujours être prêts à rendre raison de l’espérance qui est en vous» – encore que, de sérieux, il ne s’en embarrasse que sur le fond ; pour ce qui est de la forme, l’injonction de l’épître pétrinienne ne l’empêche nullement de faire le pitre.
[perfectpullquote align=”full” bordertop=”false” cite=”Le philosophe Denis Moreau” link=”” color=”” class=”” size=””]«Ce que je trouve de mieux pour figurer le paradis, c’est de superposer trois modèles: l’orgasme, le but au football, le concert de rock[/perfectpullquote]
Car, derrière l’énumération des arguments en faveur de la foi chrétienne, c’est le portrait de Denis Moreau qui se profile à la manière d’un vitrail donnant à la Lumière dont il est transpercé sa couleur propre et ses contours. Sa façon à lui de croire, d’espérer, d’aimer ou de prier. Voyez plutôt: «Ce que je trouve de mieux pour figurer le paradis, c’est de superposer trois modèles: l’orgasme, le but au football, le concert de rock.»
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Au fond, ces deux auteurs s’accorderaient peut-être à reconnaître que le christianisme est substantiellement incapable d’être une véritable contre-culture. «En tant que religion de l’Incarnation, le christianisme prend corps où il est, dans son époque», écrit encore Denis Moreau, entre une citation de Motörhead et une référence à saint Paul. Jérôme Fourquet constate également cette étonnante perméabilité du catholicisme, par exemple dans le recours à des modes d’action politique auxquels il n’était pourtant pas habitué. «Ce militantisme d’un genre nouveau a permis la création de nombreux collectifs, dont les méthodes empruntent à la fois à la tradition de l’agit-prop, mais aussi aux associations LGBT ou altermondialistes.»
Qu’il s’agisse de défendre leurs convictions (les cathos de droite) ou leur foi (Denis Moreau), les catholiques peuvent encore créer la surprise. Être là où personne ne les attend. Quitte à ce que l’on retrouve leur tombeau… vide.
Source: Catholiques : ils n’ont pas dit leur dernier mot